5  -  Mécanismes à l'origine du vieillissement

Tous  les  mécanismes  responsables  du vieillissement ne sont pas élucidés. Les progrès de la recherche permettent toutefois aujourd'hui de mieux appréhender certains facteurs intervenant dans ce processus. Le vieillissement est un phénomène complexe et multifactoriel.

  • Les facteurs génétiques


Plusieurs travaux ont mis en évidence des relations étroites entre certains facteurs génétiques et le vieillissement. La manipulation de certains gènes a pu allonger la longévité chez le nématodeDéfinitionLes vers ronds, némas ou nématodes (Nemates, Nemata ou Nematoda) constituent un embranchement de vers non segmentés. Classé parmi les ecdysozoaires, ils sont recouverts d'une épaisse cuticule. Ils mènent une vie libre ou parasitaire. Ce groupe contient des vers dont le cycle ne nécessite pas d'hôte intermédiaire (monoxène). Il est commode de les classer selon le mode de transmission. Caenorabditis elegans et chez  Drosophilia.  Chez  l’homme,  les  études menées chez les jumeaux ont montré que la durée de vie semble fortement liée à des facteurs génétiques. Chez les centenaires,  certains  génotypes  sont retrouvés en moyenne plus fréquemment que chez des sujets plus jeunes, indiquant qu’un terrain génétique particulier est associé à une plus grande longévité.  Enfin,  l’origine  génétique des syndromes de vieillissement prématuré met en relief le rôle des facteurs héréditaires dans le contrôle du vieillissement.

Certaines altérations acquises du matériel  génétique  pourraient  intervenir dans le vieillissement. La fréquence des altérations du DNA (délétionsDéfinitionLa délétion est la perte d'un fragment de chromosome, pouvant aller d'une seule paire de bases à une fraction importante du chromosome.Pour un caryotype humain, cette perte de matériel génétique n'est visible qu'à partir d'un minimum 4 000 000 de paires de base. En dessous de cette taille il s'agit d'une microdélétion qui ne peut être mise en évidence qu'en employant certaines techniques comme l'hybridation in situ par fluorescence.Une délétion est dite intercalaire si elle a lieu dans le chromosome, et terminale si elle a lieu en bout de chromosome. Si une microdélétion a lieu lors de la méiose, elle peut être à l'origine de maladie génétique., mutations) et des anomalies de sa réparation augmente  de  façon  importante  avec l’âge. Ces anomalies sont particulièrement fréquentes au niveau du DNA mitochondrial  et  pourraient  être induites  par  des  facteurs  extérieurs, comme par exemple l’exposition aux radiations,  ou  bien  à  des  facteurs intrinsèques, comme par exemple la division cellulaire.

Il existe différentes catégories de cellules :
• les cellules à très faible capacité de renouvellement qui ont l’âge de la personne (neurones, cellules musculaires  ...).  Leur  vieillissement  se caractérise par l’accumulation d’un pigment, la lipofuschine, résultat de la dégradation des organitesDéfinitionEn biologie cellulaire, le terme organite (en anglais organelle) désigne différentes structures spécialisées contenues dans le cytoplasme des cellules eucaryotes et délimitées du reste de la cellule par une membrane lipidique. Il existe de nombreux types d'organites, en particulier dans les cellules eucaryotes. On a toujours pensé qu'il n'y avait pas d'organites chez les cellules procaryotes, mais quelques exemples ont été mis en évidence. intracellulaires.
• les cellules renouvelables n’ont pas un  capital  de  renouvellement  illimité. Les travaux de Hayflick ont montré qu’il existe un capital de divisions pour plusieurs lignées cellulaires. Il est proportionnel à la longévité de l’espèce et connaît des écarts  entre  les  individus  d’une même espèce. A chaque cycle de division  cellulaire,  l’extrémité  des
c h romosomes  (télomère)  perd  un fragment de DNA. Après plusieurs divisions, la fonction du télomère, qui contribue à maintenir la stabilité du DNA du chromosome, est altérée, ce qui pourrait être le substratum de «l’horloge biologique».

L’altération du DNA a de nombreuses conséquences  en  modifiant  l’expression de certains gènes et la synthèse des protéines qu’ils commandent, ou encore en perturbant le cycle cellulaire. La  mort  cellulaire  programmée  ou apoptoseDéfinitionOn nomme apoptose (ou mort cellulaire programmée, ou suicide cellulaire) le processus par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un signal. C'est une mort cellulaire physiologique, génétiquement programmée, nécessaire à la survie des organismes pluricellulaires. Elle est en équilibre constant avec la prolifération cellulaire. Contrairement à la nécrose, elle ne provoque pas d'inflammation : les membranes plasmiques ne sont pas détruites, et la cellule émet des signaux (en particulier, elle expose sur le feuillet externe de sa membrane plasmique de la phosphatidylsérine, un phospholipide normalement constitutif de son feuillet interne) qui permettront sa phagocytose par des globules blancs, notamment des macrophages. est déterminée par l’expression de gènes spécifiques.

  • La protection contre les radicaux libres et le stress oxydatif


Les radicaux libres, espèces très réactives produites au cours du métabolisme de l’oxygène, exercent un stress oxydatif prononcé capable d’altérer le DNA et les acides gras de la membrane cellulaire.  L’ organisme  se  protège contre ces radicaux par plusieurs systèmes : les superoxyde dismutases, les catalases,  la  glutathion  peroxydase séléno-dépendante  et  les  vitamines anti-oxydantes (A, E, C). Au cours du vieillissement, cet équilibre est altéré avec d’une part une production de radicaux  libres  augmentée  au  sein  des mitochondries et d’autre part des systèmes de protection moins efficaces.
L’importance de ce mécanisme dans le vieillissement a été soulignée par l’induction  expérimentale  d’une  surexpression du gène de la superoxyde dismutase et de la catalase chez la drosophile qui s’est traduite par une augmentation de leur longévité.

Un autre système de protection de l’organisme,  les  heat  shock  protéines (HSP), est altéré au cours du vieillissement. Les HSP représentent une famille de protéines produites en réponse aux agressions,  au  choc  thermique,  aux traumatismes ou aux glucocorticoïdes.
Ces protéines rendent les cellules plus résistantes à une nouvelle agression et stimulent les systèmes de réparation et le  catabolisme  des  macromolécules endommagées. Au cours du vieillissement, la sécrétion de ces protéines est diminuée et leurs effets cellulaires sont réduits en raison d’un défaut de transduction du signal intra-cellulaire.

  • La glycation non enzymatique des protéines


Les protéines à demi-vie longue subissent des modifications au contact du glucose. Le glucose réagit spontanément  sans  intervention  enzymatique avec les groupements NH des acides aminés pour former une base de Schiff, ce qui conduit à former des produits terminaux de la glycation, appelés AGE products (advanced glycation end products).  Les  protéines  de  la  matrice extracellulaire, dont la durée de vie dans l’organisme est très longue, sont très touchées par la glycation. La glycation modifie les propriétés de ces protéines, les rendant plus résistantes à la protéolyse et empêchant leur renouvellement. De plus, les AGE induisent la formation  de  pontages  moléculaire sentre les fibres de collagène, le rendant plus rigide et moins soluble. Enfin, les AGE pourraient avoir d’autres actions en se liant à des récepteurs spécifiques présents sur les macrophages, les cellules endothéliales et mésangiales, en induisant la sécrétion de cytokines pro- inflammatoires ou de facteurs de croissance. La glycation des protéines peut aussi se produire à partir du pentose, conduisant à la formation de pentosidine.

L’importance de la glycation des protéines a été soulignée par l’effet de médicaments qui inhibent la glycation, se traduisant par un ralentissement du vieillissement  de  certaines  fonctions chez  des  animaux  d’expérience.  Au cours du diabète sucré, il se produit aussi une glycation exagérée des protéines, liée à l’élévation de la glycémie (l’hémoglobine  glyquée  est  un  marqueur bien connu de l’équilibre glycémique). Aussi, le diabète est considéré par certains aspects comme un modèle de vieillissement accéléré, et il existe de nombreuses analogies entre les effets du diabète et ceux du vieillissement.

  • Les autres facteurs


Du fait de la complexité du vieillissement et de la diversité des facteurs mis en cause, de nombreux autres mécanismes sont proposés pour expliquer ce processus. Il existe de nombreuses «théories du vieillissement». Toutefois, les progrès de la biologie permettent, sur  la  base  de  faits  expérimentaux, d’étayer ou de réfuter certaines de ces théories et les années à venir apporteront  d’autres  éléments  pour  mieux comprendre  le  vieillissement  et  ses mécanismes.

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