Former à l'intervention en EPS

Prendre la classe et faire que la leçon prenne !

Le « début de leçon » est un moment important pour les enseignants d'EPS car il conditionne en partie la façon dont se déroule ensuite le cours. Il correspond au moment de l'entrée dans la classe ou de l'arrivée au vestiaire ( OʼDonovan & Kirk, 2007[1]), au premier face-à-face collectif et à la première prise de parole de l'enseignant lorsqu'il accueille les élèves ( Seners, 1993[2]). Il inclut le passage aux vestiaires, le trajet pour rejoindre les installations sportives, l'appel, l'explication des consignes du début de leçon et l'installation du matériel. Il représente une phase préparant la mise au travail des élèves ( Desbiens et al., 2009[3]) c'est-à-dire antérieure à l'échauffement le plus souvent ou, dans certains cas, à la première situation d'apprentissage post-échauffement.

La façon dont l'enseignant d'EPS vit ce moment et interagit avec la classe pour débuter la leçon est encore mal connue. Quelques études, s'appuyant sur des entretiens avec des enseignants d'EPS chevronnés, issus de collèges et de lycées, permettent de comprendre ce qui se joue dans ce moment de leçon. Elles montrent que pour l'enseignant, initier le travail dans la classe recouvre une signification qui déborde largement la fonction formelle qui lui est donnée. Le début de leçon est un moment où l'engagement des élèves et de lui-même dans le travail ne va pas de soi mais qui nécessite une activité spécifique pour l'obtenir. Il consiste à faire entrer les élèves et à entrer soi-même dans la leçon, et à construire pas à pas la mise au travail collective des élèves.

Ces études ont montré que lors du début de la leçon, l'enseignant d'EPS chevronné est animé par plusieurs préoccupations ( Gal-Petifaux, 2011[4] ; Lacroix, Gal-Petitfaux & Cizeron, 2004[5]) :

• Prendre en main la classe

Le début de la leçon est conçu comme une phase de « prise en main de la classe », le plus souvent distincte de la phase d'échauffement qui lui succède. Il remplit plusieurs fonctions : une fonction disciplinaire avec la mise en ordre des élèves ; une fonction sécuritaire avec l'appel et la vérification des présences ; une fonction hygiénique avec la mise en tenue sportive aux vestiaires ; une fonction sociale de rituel scolaire lors de l'entrée en classe et le premier contact professeur-élèves.

• Débuter tout en prolongeant le passé

Pour l'enseignant, le début de leçon a une épaisseur temporelle. Le commencement d'une leçon est un maillon d'un processus temporel plus large : il est en continuité avec les règles de travail que l'enseignant a instauré depuis le début de l'année scolaire, du cycle ou de la leçon précédente, et qu'il rappelle aux élèves pour cadrer leur engagement dans chaque nouvelle leçon. Ainsi, le début de leçon s'inscrit dans le passé et pour le futur.

• Préparer la suite de la leçon

Le début de leçon est aussi, pour l'enseignant, une préparation de l'activité future au sens de se pré-parer pour la suite de la leçon. L'enseignant installe les bases de travail pour toute la durée de la leçon et renforce aussi des habitudes en prévision des leçons futures ; il se prémunit ainsi d'éventuelles conduites déviantes des élèves par la suite.

• Faire entrer les élèves dans le cours en obtenant leur adhésion

Débuter un cours n'est pas tant le fait de commencer à parler aux élèves mais le fait de « faire entrer les élèves dans le cours ». L'entrée en classe des élèves n'est pas une simple arrivée sur le lieu où se déroule la leçon ; elle vise à faire entrer la classe dans le travail scolaire et cette entrée est à construire. Cette construction s'impose car les élèves changent de lieu, d'enseignant et de discipline scolaire à chaque inter-classe, ce qui nécessite qu'ils s'engagent à chaque fois dans une nouvelle forme de travail scolaire.

• Mettre les élèves rapidement en activité

L'enseignant recherche une mise au travail rapide des élèves, tout en s'assurant de la qualité de leur engagement. Il s'agit d'une part d'optimiser le temps consacré à la pratique de l'activité sportive pour favoriser les apprentissages chez les élèves et d'autre part, de limiter les temps de flottement en début de cours trop souvent propices à des comportements déviants et à une agitation précoce. Dans les cas où les élèves sont peu enclins à travailler, il arrive que le travail de prise en main de la classe par l'enseignant nécessite d'aller jusqu'à l'échauffement inclus.

• Initier la mise au travail collective sur la base d'attentes explicites

La mise au travail de la classe consiste aussi, pour l'enseignant, à cadrer dès le début les marges et limites d'action possibles pour les élèves. Il rend explicite le cadre de ses attentes c'est-à-dire l'espace de liberté auquel ils ont droit et qu'ils ne peuvent dépasser. Par exemple, l'enseignant est annonce clairement ses exigences sur la sécurité ; il pose le cadre sécuritaire sur lequel il ne transigera pour la suite de la leçon.

• Mettre en confiance les élèves

Dès les premiers contacts, l'enseignant cherche à mettre en confiance les élèves afin de favoriser leur engagement dans le travail. En installant cette confiance chez les élèves dès le début de la leçon, il installe également en retour, pour lui-même, la confiance qu'il a envers eux. Par exemple, lors de l'arrivée des élèves, de l'appel ou de l'installation du matériel, il n'est pas rare qu'il provoque une discussion privilégiée avec tel ou tel élève ou qu'il réponde à des sollicitations d'élèves pour un échange informel. Cette confiance mutuelle installée en début de cours participe à la construction d'une ambiance de classe propice au travail collectif pour la suite de la leçon.

• Se mettre soi-même dans le cours

En même temps qu'il cherche à faire entrer les élèves dans la leçon, l'enseignant cherche lui aussi à « se mettre dans le cours » dès l'arrivée de ses élèves, et parfois même avant leur présence, dès la sonnerie de l'école. Pour lui, chaque début de leçon lui demande de reconstruire un engagement particulier pour travailler avec une nouvelle classe et dans une nouvelle activité physique et sportive. Se mettre dans le cours et s'y sentir bien est pour lui une condition indispensable pour que les élèves à leur tour s'y engagent plus facilement et y prennent plaisir.

  1. OʼDonovan, T. M., & Kirk, D. (2007). Managing classroom entry: an ecological analysis of ritual interaction and negotiation in the changing room. Sport, Education and Society, 12(4), 399–413
  2. Seners, P. (1993). La leçon d'EPS. Paris : Vigot.
  3. Desbiens, J.-F., Lanoue, S., Turcotte, S., Tourigny, J.-S., & Spallanzani, C. (2009). Perception de la fréquence d'apparition des comportements perturbateurs par des stagiaires en enseignement de l'éducation physique et à la santé (EPS). Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 12(2), 179-193
  4. Gal-Petitfaux, N. (2011). La leçon d'Éducation physique et sportive : formes de travail scolaire, expérience et configurations d'activité collective dans la classe. Contribution à un programme de recherche en anthropologie cognitive. Note de synthèse pour l'Habilitation à Diriger des Recherches. Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Disponible à l'adresse : http://apprendreeneps.files.wordpress.com/2013/03/2011-hdr-n-gal-petitfaux.pdf
  5. Lacroix, A.L., Gal-Petitfaux, N., Cizeron, M. (2004). L'activité d'enseignants d'EPS expérimentés en situation de début de leçon. In M. Loquet et Y. Léziart (Eds.), Cultures sportives et artistiques. Formalisation des Savoirs Professionnels (pp. 271-274). Rennes : Presses Universitaires de Rennes.
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