Cours
1.3. Acquisition de la flore buccale et formation de la plaque dentaire
La plaque étant caractéristique des surfaces dentaires — sans dent, il n'y a pas de plaque dentaire —, elle ne peut se former qu'après l'éruption des dents. Une bouche sans dent n'est toutefois pas un milieu stérile, car tout au long de la vie un flux continu de bactéries trouve accès à la cavité buccale. Le destin de ces bactéries constamment transmises, à savoir s'intégrer à la flore commensale ou n'être qu'une flore de passage, est sous l'influence des forces écologiques qui conditionnent la colonisation bactérienne. Ainsi qu'il l'a déjà été dit au premier chapitre, l'adhérence et les autres déterminants écologiques propres à la cavité buccale feront que toute bactérie transmise s'établira ou non. Ou bien cette bactérie est la première à coloniser un habitat, elle est alors dite "pionnière" ou "colonisateur primaire", ou bien elle s'intègre à une communauté déjà établie, et participe ainsi au phénomène de succession écologique. Certaines bactéries restent libres de s'attacher ou non, elles sont dites planctoniques.
1.3.1. La succession écologique et les étapes de la colonisation bactérienne
On explique l'extrême diversité microbienne caractéristique de la plaque dentaire, où plus de 300 genres et espèces ont été dénombrés, d'une part par le phénomène de la succession écologique, et d'autre part par celui de l'adhérence interbactérienne hétérotypique.
Le passage d'une bouche stérile à une communauté bactérienne aussi complexe qu'une plaque dentaire est le résultat d'une série d'événements :
- La transmission est le premier évènement. Il s'agit de la sortie de bactéries de réservoirs extérieurs à la cavité buccale et de leur entrée dans la bouche.
- L'acquisition est l'événement suivant. Les bactéries introduites dans la cavité buccale sont soumises à une sélection : les conditions propres à l'habitat buccal déterminent si les bactéries transmises sont aptes ou inaptes à s'implanter.
Les étapes de la colonisation bactérienne mettant en évidence la succession écologique
Les espèces pionnières sont capables de satisfaire aux conditions hautement sélectives du milieu buccal pour être les premières à s'implanter ; elles constituent une communauté pionnière.
Le nombre des espèces pionnières dans la cavité buccale humaine est limité. Avant l'apparition des dents, les deux espèces pionnières majeures sont Streptococcus salivarius et Streptococcus mitis biovar 1. Streptococcus sanguinis est absent. Après l'éruption des dents, les espèces les plus fréquemment rencontrées sont S. mitis biovar 1, S. salivarius, Streptococcus oralis et S. sanguinis.
La présence des communautés pionnières crée de nouvelles surfaces disponibles à la colonisation, en même temps que leur activité métabolique contribue à modifier l'environnement. Ces conditions sont propices à la colonisation d'une série de nouvelles populations, assurant une succession, conditionnée exclusivement par les déterminants écologiques ainsi mis en place.
Ces nouvelles populations secondaires ou tardives sont constituées de cellules individualisées, de groupes de cellules ou encore de co-agrégats planctoniques.
La succession permet l'addition et le remplacement de populations au sein d'une communauté, à la suite de modifications apportées au milieu par les facteurs allogènes (non microbiens) et autogènes (microbiens). A mesure que la succession se poursuit, la diversité des espèces, le nombre des populations et la disponibilité de niches écologiques augmentent. A chaque communauté succède ainsi une communauté plus complexe, et à chaque fois c'est un équilibre précaire qui s'instaure.