3 . 2  -  MICI

3 . 2 . 1  -  Généralités


L’incidence est en nette augmentation en France, particulièrement chez l’enfant.

Le début de la maladie de Crohn est souvent insidieux et le diagnostic peut être retardé de plusieurs mois, car la survenue d’une MICI chez le jeune enfant n’est pas toujours évoquée.

L’âge typique de début d’une MICI est avant tout le grand enfant ou l’adolescent ; mais une MICI peut être diagnostiquée dès le très jeune âge, a priori à partir de 2–3 ans. Les nourrissons ayant un tableau de MICI ont souvent une maladie monogénique, forme extrême et particulière d’une MICI.

Les symptômes clés des MICI sont les douleurs abdominales récurrentes, les diarrhées chroniques et rectorragies ; des symptômes systémiques peuvent s’associer.

3 . 2 . 2  -  Diagnostic


Évoquer le diagnostic de MICI


Il convient de savoir avant tout différencier des douleurs abdominales organiques et fonctionnelles (voir chapitre 53).

  • Signes évocateurs de maladie de Crohn (MC) :
    • douleurs abdominales récurrentes d’allure organique ;
    • localisation des douleurs abdominales souvent en FID ;
    • perte de poids, perte d’appétit ;
    • accélération du transit (attention : la diarrhée n’est pas toujours sanglante) ;
    • retard de croissance staturo-pondérale (fig. 55.3) ;
    • retard pubertaire ;
    • aphtose buccale ;
    • arthralgies ;
    • fièvre, fatigue.
  • Signes évocateurs de rectocolite hémorragique (RCH) :
    • accélération du transit ;
    • diarrhée presque toujours sanglante ;
    • douleurs abdominales (pas toujours présentes) ;
    • répercussion sur la croissance staturo-pondérale (moindre par rapport à la MC).
Figure 3 : Retard de croissance staturo-pondérale

La courbe de croissance staturo-pondérale est un élément clé du diagnostic de MICI.

Des douleurs abdominales récurrentes avec cassure staturo-pondérale sont très suspectes de maladie de Crohn, tandis que des douleurs abdominales non organiques évoluant depuis des mois voire années sans aucune répercussion sur la courbe ne sont pas inquiétantes.

De même, un épisode de diarrhée sanglante ne fait pas le diagnostic de MICI. En revanche, l’apparition de douleurs abdominales récurrentes avec diarrhées sanglantes et des signes systémiques doivent toujours orienter vers une MICI.

Connaître les spécificités des MICI et leurs complications

Tableau 55.1 Comparaison des signes de MC et RCH chez l’enfant
 MCRCH
Diarrhée
Sanglante
Quasi toujours OccasionnelleQuasi toujours
Quasi toujours
Douleurs abdominalesQuasi toujoursFréquentes
Symptomatologie périnéaleFréquenteRare/absente
Retard de croissanceFréquentRare
MalnutritionFréquentRare
  • Complications de MC :
    • abcès ou fistules (localisation périnéale ou intra-abdominale) ;
    • sténose du grêle ou du côlon (douleur intense typique en crescendo avec relâchement soudain et hyperperistaltisme : syndrome de Koenig) ;
    • érythème noueux, pyoderma gangraenosum.
  • Complications de RCH :
    • mégacôlon toxique (distension toxique du côlon avec haut risque de perforation) ;
    • colite aiguë avec hémorragies importantes ;
    • érythème noueux, pyoderma gangraenosum ;
    • risque de cancer du côlon.

Savoir évoquer d’autres diagnostics

Exemple d’une douleur en fosse iliaque droite :

  • (maladie de Crohn) ;
  • appendicite ;
  • tuberculose intestinale (surtout pour les patients du Maghreb) ;
  • lymphome intestinale ;
  • torsion d’annexe ou ovaire ;
  • infections : Campylobacter, Yersinia, Shigella, Salmonella (tableau souvent très aigu) ;
  • grossesse extra-utérine.

Signes de MICI : diarrhée parfois sanglante (> RCH), retard de croissance (> MC), douleurs abdominales récurrentes.

Enquête paraclinique

  • Enquête de débrouillage :
    • bilan inflammatoire (NFS, VS, CRP, albumine) ;
    • signes de carence en fer et vitaminique, folates, B12 ;
    • coproculture et virologie des selles, recherche de toxine Clostridium difficile (exclure une infection de manière systématique) ;
    • examens sérologiques :
      • ASCA : positifs chez 2/3 de patients atteint de MC,
      • ANCA : positifs chez 3/4 des patients atteints de RCH ;
    • calprotectine fécale (marqueur inflammatoire, si disponible) ;
    • échographie-Doppler intestinale : épaississement pariétal circonférentiel.
  • Confirmation diagnostique :
    • entéro-IRM ;
    • endoscopie avec biopsie : présence d’ulcérations et infiltrat inflammatoire (signes inflammatoires typiques de MC : granulomes gigantocellulaires et épithélioïdes).
  • Analyses génétiques : outil de recherche, mais pas diagnostique.

Débrouillage : bilan inflammatoire, ASCA/ANCA, calprotectine, écho-Doppler intestinale.

Confirmation : endoscopie avec histologie (ulcérations et infiltrats inflammatoires).

3 . 2 . 3  -  Prise en charge thérapeutique


Généralités

Une approche multidisciplinaire est indispensable comme pour toute maladie chronique, avec des particularités reliées à l’âge, notamment l’adolescence.

Spécificités de la prise en charge des MICI chez l’enfant par rapport à l’adulte :

  • formes pédiatriques souvent plus sévères (étendue et activité inflammatoire) ;
  • utilisation plus fréquente d’un immunosuppresseur et/ou d’une biothérapie ;
  • répercussion sur la croissance de l’inflammation chronique : approche nutritionnelle et traitement par nutrition entérale exclusive de la MC.

NB : partie non au programme de l’ECN.

Enfant atteint de MC

  • Traitement d’induction (contrôle de l’inflammation) :
    • considérer la présence ou non d’un retard de croissance staturale et très souvent pubertaire ; en cas de retard : éviter une corticothérapie (surtout prolongée) ;
    • initier un traitement par nutrition entérale exclusive.
  • Traitement d’entretien :
    • immunosuppresseur, le plus souvent thiopurines, plus rarement méthotrexate ;
    • biothérapie (anticorps anti-TNF) pour les cas les plus sévères ;
    • chirurgie réservée pour les complications (sténoses, fistules, abcès).
  • Surveillance étroite de la croissance staturo-pondérale pour ajustement du traitement.

Enfant atteint de RCH

  • Traitement d’induction (contrôle de l’inflammation) :
    • maladie moyennement active : 5-ASA (Pentasa®) ;
    • maladie très active : corticothérapie ;
    • NB : nutrition entérale exclusive non efficace pour RCH.
  • Traitement d’entretien :
    • maladie moyennement active : 5-ASA (Pentasa®) ;
    • maladie très active : immunosuppresseur, le plus souvent thiopurines ;
    • biothérapie (anticorps anti-TNF) pour les cas les plus sévères ;
    • chirurgie (colectomie) en cas de non-réponse aux traitements médicamenteux.
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