3  -  Points clés à propos de certaines causes

3 . 1  -  Maladie cœliaque

3 . 1 . 1  -  Généralités


La maladie cœliaque est définie comme une entéropathie chronique avec atrophie villositaire, associée à une réponse immunitaire muqueuse inappropriée à une séquence de certaines prolamines dont la gliadine (prolamine de blé), survenant chez des sujets génétiquement prédisposés.

Deux facteurs sont donc associés :

  • une prédisposition génétique :
    • HLA DQ2 = 95 % cas, DQ8 = 5 % cas,
    • fréquente (30 à 40 % de la population générale) ;
  • un événement déclenchant ou favorisant le processus immunitaire de la maladie :
    • infection intestinale virale,
    • âge d’introduction (< 3 mois, > 6 mois), quantité de gluten ingérée.

Le système immunitaire reconnaît la gliadine modifiée par la TG2 (transglutaminase) ; les lymphocytes T de la lamina propria sont alors stimulés avec production de cytokines. Il s’ensuit une réaction immunitaire cellulaire et humorale, adaptative et innée, locale mais probablement aussi générale.

L’ensemble de cette réaction immunitaire aboutit à des anomalies de différenciation et de prolifération cellulaire, et ainsi à l’atrophie villositaire.

D’autres facteurs génétiques modulent probablement cette réponse immunitaire, ce qui explique l’existence de plusieurs formes cliniques plus ou moins symptomatiques.

Prédisposition génétique incontournable : HLA DQ2 et DQ8.

3 . 1 . 2  -  Diagnostic


Enquête clinique

  • Anamnèse :
    • cas familiaux ;
    • âge ;
    • enquête alimentaire :
      • type d’allaitement,
      • date d’introduction du gluten dans l’alimentation (farines, pain, gâteau, semoule…),
      • autres aliments introduits (étapes de la diversification) ;
    • histoire de la maladie : symptomatologie.
  • Manifestations cliniques typiques chez le nourrisson :
    • signes digestifs : diarrhée chronique, ballonnement abdominal ;
    • cassure pondérale puis staturale ;
    • anorexie, dénutrition progressive avec amyotrophie (fig. 55.2) ;
    • pâleur, apathie, tristesse.
Figure 2 : Enfant dénutri

Les formes pauci-symptomatiques seraient en augmentation : carence en fer, retard de croissance et de puberté sans symptômes digestifs, douleurs abdominales isolées…

De nombreux contextes doivent faire évoquer l’association possible avec la maladie cœliaque : dermatite herpétiforme, trisomie 21, syndrome de Turner, pathologies auto-immunes dont le diabète de type 1, hypoplasie de l’émail dentaire, hippocratisme digital ; mais aussi certaines atteintes : neurologiques, hépatiques, hématologiques, gynécologiques, rhumatologiques…

Évoquer la maladie cœliaque :
- chez un nourrisson dénutri avec diarrhée chronique et ballonnement abdominal ;
- devant certains symptômes ou syndromes moins typiques, des maladies auto-immunes.

Enquête paraclinique

Le dosage des anticorps est la première étape diagnostique (HAS, 2007) :

  • IgA sériques antitranglutaminases (TGA) en 1re intention :
    • test très fiable (se = 85–98 %, spe = 94–98 %),
    • dosage simultané des IgA totales pour éliminer un déficit (2 % cas) ;
  • IgG antitransglutaminases ou IgG anti-endomysium en cas de déficit en IgA.

Les nouvelles recommandations européennes (de l’ESPGHAN) permettent d’éviter dans certains cas la biopsie intestinale.

Elles suggèrent le recours à un gastropédiatre en cas de positivité des TGA IgA. Si ceux-ci sont à plus de 10 fois la normale, il est recommandé de doser les IgA anti-endomysium et de déterminer le groupe HLA DQ. Devant un tableau clinique typique de maladie cœliaque (diarrhée, ballonnement abdominal, perte de poids avec début de signes de dénutrition), la concordance des 2 anticorps positifs avec un groupe HLA DQ2 ou DQ8 permet de poser le diagnostic et de débuter le traitement sans recours à une biopsie intestinale. Dans tous les autres cas, la biopsie est nécessaire.

Les biopsies révèlent une augmentation de la lymphocytose intraépithéliale, une infiltration lymphoplasmocytaire du chorion, et surtout une atrophie villositaire.

Test diagnostique essentiel et suffisant en 1re intention : IgA antitransglutaminases et dosage pondéral des IgA totales. En cas de déficit en IgA : doser anticorps de classe IgG.

Selon le taux d’anticorps (si positif) : biopsie duodénale ou complément de bilan biologique permettant parfois d’éviter la biopsie.

Test thérapeutique

La preuve définitive du diagnostic sera apportée, sous régime d’exclusion du gluten, par la réponse :

  • clinique : disparition des signes en 1 à 2 semaines, reprise de la croissance ;
  • biologique : négativation des anticorps en quelques mois ;
  • histologique : régression de l’atrophie villositaire en 6 à 12 mois (contrôle rarement réalisé).

Ne jamais débuter un régime avant d’avoir la preuve du diagnostic.

3 . 1 . 3  -  Prise en charge thérapeutique et suivi


Régime d’exclusion

Le régime d’exclusion consiste en l’éviction du gluten (blé, orge, seigle), quel qu’en soit le mode de présentation (plats cuisinés industriels, aliments panés…). La plupart des patients tolèrent l’avoine.

Il peut être couplé initialement et très transitoirement avec un régime sans lactose (notamment durant la phase diarrhéique) et une supplémentation en vitamines et en fer.

Une éducation thérapeutique, avec conseils diététiques et l’aide d’associations de malades, est indispensable pour favoriser l’observance et donc l’efficacité du traitement. Le régime est parfois difficile à accepter pour l’enfant et son entourage, notamment en cas de repas en collectivités ou à l’approche de l’adolescence. Un soutien psychologique peut s’avérer utile.

Un PAI est indispensable à l’école, en rassurant les enseignants sur l’absence de risques immédiats liés à une erreur ponctuelle de régime.

La prescription des produits sans gluten peut donner lieu à des remboursements accordés par la Sécurité sociale, dans certaines limites et sous certaines conditions.

Le régime d’exclusion doit être poursuivi à vie.

Régime alimentaire avec éviction du gluten à vie.

Suivi de l’enfant

L’efficacité et l’observance du régime sont appréciées biologiquement après 6 à 12 mois par l’évaluation des anticorps évoqués à visée diagnostique.

Le mauvais suivi du régime peut s’accompagner chez l’enfant d’un retard de croissance, d’une ostéopénie, et d’une augmentation de l’incidence d’autres maladies auto-immunes. Chez l’adulte, s’y ajoute un risque accru de cancers (lymphomes).

Prévention primaire

L’ESPGHAN a publié des recommandations sur les modalités d’introduction du gluten (2008).

Il est actuellement recommandé d’introduire le gluten chez un nourrisson entre les âges de 4 et 7 mois, si possible accompagné de la poursuite d’un allaitement maternel, en quantités progressivement croissantes.

Introduction du gluten recommandée entre les âges de 4 et 7 mois.

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