3 . 2  -  Drépanocytose

3 . 2 . 1  -  Généralités


Définition

La drépanocytose est une maladie génétique autosomique récessive.

Elle concerne surtout les sujets d’origine africaine et antillaise. Cette population est concernée par le dépistage néonatal ciblé de J3 pour cette maladie, lorsque les parents sont originaires de ces pays.

Une enquête familiale avec dépistage éventuel de la fratrie, ainsi qu’un conseil génétique en cas de future grossesse doivent être systématiquement proposés.

Le syndrome drépanocytaire majeur regroupe 3 types de manifestations :

  • anémie hémolytique chronique ;
  • phénomènes vaso-occlusifs ;
  • susceptibilité aux infections (en particulier à germes encapsulés).

Les sujets hétérozygotes AS (ou trait drépanocytaire) sont asymptomatiques.

Les sujets homozygotes SS et double hétérozygote SC ou thalasso-drépanocytaires sont susceptibles de présenter des signes de syndrome drépanocytaire majeur.

Anémie hémolytique chronique, phénomènes vaso-occlusifs, infections.

Physiopathologie

La drépanocytose est liée à une anomalie de structure de la chaîne β de la globine.

Celle-ci est responsable d’une hémoglobine S anormale, se polymérisant au sein du globule rouge (GR) en situation désoxygénée. Les GR sont déformés alors en forme de faucille (drépanocytes). Ils se bloquent au niveau des petits vaisseaux, entraînent une hypoxie et une ischémie en aval, puis sont détruits par hémolyse.

Les facteurs favorisants des complications aiguës doivent être connus.

On peut citer : l’hypoxie (effort excessif, altitude), le refroidissement (bain), la fièvre ou une température extérieure élevée sans adaptation corrélée des apports hydriques, la déshydratation (vomissements, diarrhée), le stress, la prise de toxiques (excitants, alcool, tabac, drogues illicites), certains médicaments (corticothérapie).

Éviter toute corticothérapie par voie systémique chez le drépanocytaire.

3 . 2 . 2  -  Diagnostic

  • Le diagnostic peut être évoqué chez un enfant à risque sur :
    • les résultats du dépistage néonatal ciblé de J3 ;
    • les signes cliniques d’anémie hémolytique chronique (pâleur, ictère, splénomégalie) ;
    • la survenue d’une crise vaso-occlusive (CVO) ou d’une autre complication aiguë.
  • La confirmation diagnostique repose sur des arguments biologiques :
    • hémogramme : anémie normo-/macrocytaire régénérative de type hémolytique ;
    • frottis sanguin : drépanocytes (globules rouges falciformes) ;
    • électrophorèse de l’hémoglobine : bande d’HbS, absence de bande d’HbA.
  • Le bilan initial recommandé au diagnostic comprend :
    • NFS (chiffre d’hémoglobine de base), réticulocytes ;
    • groupe sanguin avec phénotypage étendu (carte de groupe définitive après l’âge de 1 an) ;
    • dosage du G6PD, dosage du fer sérique et de la capacité totale de fixation de la transferrine.

3 . 2 . 3  -  Complications


Les complications sont décrites dans le tableau 42.4.

Tableau 42.4 Complications de la drépanocytose
Complications aiguësCrises vaso-occlusives douloureuses– Syndrome pieds-mains ou dactylite (œdème douloureux du dos des mains/des pieds)
– Douleurs des os longs des membres
– Douleurs abdominales pseudo-chirurgicales
Accidents vaso-occlusifs graves– Syndrome thoracique aigu (détresse respiratoire avec douleurs thoraciques)
– Accident vasculaire cérébral
– Priapisme
– Ischémie rénale, ischémie rétinienne
Épisodes infectieux (pneumocoque, salmonelle, H. influenzae…)– Pneumopathie
– Ostéomyélite
– Méningite
Aggravation aiguë de l’anémie– Séquestration splénique aiguë (splénomégalie par séquestration du volume sanguin)
– Érythroblastopénie aiguë transitoire (liée à une infection à parvovirus B19)
Complications chroniquesDéfaillances organiques– Cardiomégalie, insuffisance respiratoire
– Asplénie fonctionnelle
– Lithiase vésiculaire, hématurie, tubulopathie
– Séquelles neurologiques, rétinopathie proliférative, ulcère de jambe
Retard de croissance 
  • Examens complémentaires à réaliser dans la plupart de ces situations :
    • bilan de base : NFS, réticulocytes, RAI, CRP, ionogramme sanguin ;
    • en cas de fièvre : hémoculture, ECBU, radiographie de thorax, ± PL (selon la clinique) ;
    • selon le contexte : échographie abdominale, imagerie cérébrale, sérologie parvovirus ;
    • examens d’imagerie ostéoarticulaire : pas en 1re intention en cas de CVO des membres, sauf en cas d’antécédents de traumatisme ou de signes locaux persistants.
  • Séquestration splénique :
    • augmentation brutale du volume de la rate, syndrome anémique ;
    • anémie aiguë arégénérative.
  • Atteintes ischémiques d’organe de pronostic sévère :
    • syndrome thoracique aigu :
      • fièvre, douleurs thoraciques, détresse respiratoire,
      • infiltrat radiographique intéressant au moins 1 segment ;
    • accident vasculaire cérébral ;
    • priapisme.

Connaître la « carte d’identité » de l’enfant drépanocytaire :
- caractère SS ou SC, déficit en G6PD, carte de groupe avec phénotypage étendu ;
- complications graves (anémie, syndrome thoracique aigu, séquestration splénique) ;
- Hb de base, débord splénique, médecin référent, traitements de fond.

3 . 2 . 4  -  Planification de la prise en charge et suivi de l’enfant


Orientation

Une hospitalisation s’impose :

  • en cas de signes cliniques évoquant une complication aiguë sévère ;
  • en cas de fièvre :
    • T ≥ 38,5 °C : chez un enfant d’âge < 3 ans,
    • T ≥ 39,5 °C ± AEG ± troubles de conscience : à tout âge ;
  • en cas de crise hyperalgique.

L’enfant drépanocytaire doit toujours être considéré comme un patient prioritaire.

Il est nécessaire de mettre en place un circuit d’admission rapide, évitant l’attente au service des urgences.

Principes thérapeutiques des complications

  • La prise en charge des crises vaso-occlusives repose sur les mesures suivantes :
    • éviction du facteur déclenchant, évaluation de la douleur ;
    • hyperhydratation, antalgiques adaptés, oxygénothérapie si nécessaire ;
    • surveillance clinique rapprochée, repos au chaud, présence réconfortante.
  • Le traitement de la douleur est standardisé (voir chapitre 69), avec prescription :
    • à domicile : paracétamol, ibuprofène ;
    • à l’hôpital : inhalation de MEOPA + nalbuphine (Nubain®), morphine en cas d’échec.
  • En cas de suspicion d’infection, une antibiothérapie (ATB) probabiliste doit être prescrite :
    • ATB ambulatoire : amoxicilline ;
    • ATB si hospitalisation : cefotaxime IV ± vancomycine IV.
  • La prise en charge transfusionnelle se fait selon des indications précises :
    • transfusion sanguine avec CGR déleucocytés, phénotypés, ± compatibilisés :
      • anémie aiguë (baisse de 20 % du chiffre d’hémoglobine de base),
      •  syndrome thoracique aigu avec Hb < 9 g/dL, en l’absence de défaillance viscérale ;
    • échange transfusionnel pour obtenir une diminution du taux d’HbS :
      • AVC, syndrome thoracique aigu avec Hb ≥ 9 g/dL ou présence d’une défaillance viscérale,
      • crise douloureuse hyperalgique résistante à la morphine, priapisme résistant.

Principes thérapeutiques au long cours

  • La prévention des infections potentiellement graves implique :
    • une vaccination ciblée (en plus du calendrier vaccinal habituel) :
      • pneumococcique (Pneumo 23®) et méningococcique ACYW135,
      • antigrippale annuelle en période hivernale (si âge > 6 mois),
      • contre l’hépatite A et la typhoïde en cas de voyage en zone d’endémie ;
    • une antibioprophylaxie antipneumococcique :
      • par pénicilline V (Oracilline®) en prise quotidienne,
      • à partir de l’âge de 2 mois et jusqu’à au moins l’âge de 5–10 ans.
  • La prévention des risques de majoration de l’anémie implique :
    • une supplémentation en acide folique (5 mg/j) ;
    • une supplémentation en fer seulement en cas de carence martiale avérée.
  • La prescription d’un éventuel programme d’échanges transfusionnels ou d’hydroxyurée est du ressort de spécialistes.

Suivi

Un réseau de soins doit être organisé autour de l’enfant drépanocytaire.

Le carnet de santé doit mentionner le diagnostic de drépanocytose, le chiffre d’hémoglobine de base et le dernier bilan hématologique (NFS et réticulocytes), la carte de groupe sanguin, le dosage du G6PD, la taille de la rate, les traitements quotidiens, les coordonnées du médecin référent.

Une consultation trimestrielle est recommandée avec un médecin spécialisé.

Un bilan paraclinique annuel est recommandé :

  • de manière systématique :
    • NFS, réticulocytes, bilan martial, sérologie parvovirus,
    • ionogramme sanguin, bilan phosphocalcique, bilan hépatique, microalbuminurie ;
  • selon l’âge de l’enfant :
    • à partir de l’âge de 12–18 mois : échographie-Doppler transcrânienne,
    • à partir de l’âge de 3 ans : radiographie de thorax, échographie abdominale,
    • à partir de l’âge de 6 ans : ECG, échographie cardiaque, radiographie de bassin,
    • à partir de l’âge de 10 ans : bilan ophtalmologique.

La drépanocytose est une maladie prise en charge à 100 %.

L’information et l’éducation thérapeutique des enfants, ainsi que des parents et enseignants sont capitales. On retient comme objectifs : la compréhension de la maladie et des facteurs déclenchants, la connaissance des moyens thérapeutiques des CVO, le repérage des symptômes nécessitant une consultation médicale urgente, la bonne observance du traitement au long cours.

Suivi spécialisé régulier de l’enfant drépanocytaire.

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