2  -  Alimentation : avec quoi ?

2 . 1  -  Rationnel


L’évolution de la maturation des différentes fonctions physiologiques, en particulier digestives, rénales et neurosensorielles permet d’individualiser schématiquement trois périodes clés dans l’alimentation du nourrisson et de jeune enfant.

Alimentation lactée exclusive : de la naissance à 4–6 mois

L’équipement enzymatique du tube digestif permet la digestion des protéines, des lipides et des glucides du lait maternel ou des préparations lactées, mais pas encore de grandes quantités d’amidon. Les limites des capacités rénales (concentration-dilution des urines) justifient de veiller à la charge osmotique du régime, c’est-à-dire aux apports en protéines et en sel.

Diversification alimentaire : de 4–6 mois à 12 mois

C’est une période de transition, caractérisée par l’introduction progressive d’aliments autres que le lait. L’enfant est alors plus apte à tolérer des protéines étrangères. Il va progressivement exprimer ses préférences alimentaires.

Alimentation totalement diversifiée : après 12 mois


Après l’âge de 1 an, une alimentation de type adulte est possible, tout en veillant à la prévention des principales carences nutritionnelles à cet âge (fer, vitamine D, AGPI-LC).

2 . 2  -  Alimentation lactée exclusive

2 . 2 . 1  -  Allaitement (maternel)


Les avantages de l’allaitement sont nombreux :

  • réponse et adaptation aux besoins physiologiques de l’enfant par une modification de la composition du lait selon l’âge et le terme de l’enfant, le nycthémère et le moment de la tétée (début ou fin) ;
  • protection en partie contre les risques infectieux (diarrhées, infections ORL) ;
  • réduction du risque de manifestations allergiques (eczéma, asthme) chez les nourrissons à risque pendant les 2–3 premières années de vie, sous réserve qu’il soit exclusif pendant au moins 3–4 mois ;
  • association à un moindre risque de surpoids et d’obésité pendant l’enfance et l’adolescence ;
  • en faveur des interactions mère-enfant ;
  • avantage économique non négligeable par rapport aux coûts des préparations lactées.

La promotion de l’allaitement, inscrite dans tous les textes réglementaires concernant l’alimentation du nourrisson, est l’affaire de tous les professionnels de santé.

Le lait maternel est le modèle nutritionnel pour l’alimentation du nourrisson, et constitue la référence retenue pour le calcul des besoins et donc des ANC dans cette tranche d’âge. Il couvre à lui seul, à l’exception de la vitamine D et de la vitamine K, tous les besoins du nourrisson de la naissance à 6 mois.

L’allaitement peut donc être exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois, partiel ensuite et poursuivi tant qu’il est souhaité par la mère et l’enfant, en association avec une diversification alimentaire de bonne qualité.

Les contre-indications de l’allaitement sont très peu nombreuses (voir chapitre 1).

2 . 2 . 2  -  Préparations lactées « standard »


Généralités


Le lait de vache n’est pas adapté à l’alimentation du nourrisson, en raison de son contenu trop riche en protéines et en sodium, et trop faible en acides gras essentiels, en fer et en vitamines. Il est formellement proscrit avant l’âge d’un an.

Toutes les préparations lactées pour nourrissons (0–1 an) commercialisées en France répondent aux règles de fabrication et de composition décrites dans la directive européenne 2006/141/CE du 22 décembre 2006, transposée en droit français par l’arrêté du 11 avril 2008. Ces préparations sont utilisées en l’absence d’allaitement ou en complément de celui-ci.

La préparation lactée doit être choisie en fonction de l’état nutritionnel du nouveau-né, de son niveau de maturité digestive et rénale, et des éventuels antécédents familiaux d’allergie. En cas de mauvaise tolérance avérée de la préparation choisie, le praticien peut être amené à en changer, en évitant la « valse des laits », qui n’a le plus souvent aucune justification scientifique.

On distingue selon l’âge de l’enfant et sa période d’alimentation :

  • préparations pour nourrissons (dénommées couramment laits « 1er âge ») : de la naissance à l’âge de 4–6 mois ;
  • préparations de suite (dénommées couramment laits « 2e âge ») : de l’âge de 4–6 mois à 12 mois ;
  • préparations pour enfant en bas âge (dénommées couramment « laits de croissance ») : entre les âges de 1 et 3 ans.

Préparations pour nourrissons (0 à 4–6 mois)

Ce sont des « denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons pendant les premiers mois de leur vie et répondant à elles seules aux besoins nutritionnels de ces nourrissons jusqu’à l’introduction d’une alimentation complémentaire appropriée ».

Les protéines autorisées dans les préparations pour nourrissons sont les protéines de lait de vache, les protéines de soja et, depuis 2013, les protéines de lait de chèvre. Les graisses sont le plus souvent d’origine végétale, plus rarement d’origine lactée.

Préparations de suite (4–6 mois à 1 an)

Ce sont des « denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons lorsqu’une alimentation complémentaire appropriée est introduite et constituant le principal élément liquide d’une alimentation progressivement diversifiée de ces nourrissons ».

Les protéines autorisées dans les préparations de suite sont les mêmes que pour les préparations pour nourrissons. L’intérêt principal des préparations de suite est leur enrichissement en fer, pour tenir compte des besoins élevés à cette période et des apports liés à la diversification alimentaire souvent insuffisants.

Préparations pour enfant en bas âge (1–3 ans)


Leur composition a pour principal objectif la prévention des carences en fer, AGE et vitamine D. Elle n’est pas encore réglementée au niveau européen mais au niveau de chaque État membre. En France, leur composition est très proche de celle des préparations de suite.

L’enfant consomme laitages et fromages ; le lait de vache peut être utilisé dans les préparations culinaires familiales. Il est préférentiellement remplacé pour le petit-déjeuner et le goûter par une préparation pour enfant en bas âge.

Promotion de l’allaitement maternel par tout professionnel de santé.

En l’absence d’allaitement ou en complément de celui-ci :
- de la naissance à 4–6 mois : préparation pour nourrissons (lait « 1er âge ») ;
- de 4–6 mois à 12 mois : préparation de suite (lait « 2e âge ») ;
- de 1 à 3 ans : préparation pour enfant en bas âge (« lait de croissance »).

Le lait de vache est totalement inadapté à l’alimentation du jeune nourrisson.

2 . 2 . 3  -  Préparations lactées spécifiques (dénommées couramment « laits spéciaux »)


Généralités


Les laits spéciaux décrits ci-dessous sont destinés à des nourrissons qui ont des besoins nutritionnels spécifiques ou sont à risque élevé de pathologie ou en situation pathologique avérée.

Laits hypoallergéniques (HA)

Il s’agit de préparations dans lesquelles les protéines du lait de vache ont été partiellement hydrolysées dans le but d’en diminuer l’allergénicité.

Elles sont indiquées en prévention de manifestations allergiques chez les nourrissons à risque d’allergie. Un nourrisson est à risque d’allergie lorsqu’il a au moins un parent du 1er degré (père, mère, frère ou sœur) allergique, soit 25–30 % de la population des nourrissons.

Les laits HA sont utilisés dans cette indication à défaut ou en complément de l’allaitement maternel, de manière exclusive jusqu’à la diversification, en choisissant un produit ayant fait la preuve de son efficacité préventive par des études de bonne qualité scientifique.

Les laits HA n’ont aucune place dans le traitement de l’allergie aux protéines du lait de vache avérée.

Laits antirégurgitations (AR)


Il s’agit de préparations épaissies par l’adjonction d’amidon (de maïs, riz, ou pomme de terre) ou de farine de caroube afin d’augmenter la viscosité.

Les laits AR peuvent être utilisés en cas de régurgitations isolées témoignant d’un RGO non compliqué.

Laits sans lactose

Il s’agit de préparations dans lesquelles le lactose est remplacé par de la dextrine-maltose ou des polymères du glucose, parfois du saccharose.

La justification de l’utilisation des laits sans lactose repose sur la possibilité d’un déficit en lactase (disaccharidase hydrolysant le lactose en galactose et glucose, située au sommet des villosités intestinales) au décours d’un épisode de diarrhée (gastroentérite) infectieuse, en particulier à Rotavirus. Le lactose qui n’est alors plus métabolisé, reste dans la lumière intestinale, provoque un afflux d’eau et une pérennisation de la diarrhée. Cette intolérance au lactose est assez rare (< 5 % des cas) ; elle ne justifie pas l’utilisation systématique de laits sans lactose chez les nourrissons atteints de diarrhée aiguë, en particulier s’ils sont eutrophiques et sans antécédent particulier.

Leur utilisation est justifiée :

  • chez les nourrissons âgés de plus de 4 mois en cas de récidive ou de pérennisation de la diarrhée (plus de 5–7 jours) après la réintroduction du lait qu’avait l’enfant au moment de l’apparition de la diarrhée ; on peut alors conseiller l’utilisation d’un lait sans lactose pendant 1 à 2 semaines, le temps nécessaire à la restauration de l’équipement en lactase de la bordure en brosse intestinale (voir chapitre 21) ;
  • diarrhée aiguë sévère de plus de 10 % de perte de poids corporel, imposant une hospitalisation.

Hydrolysats poussés de protéines

Il s’agit de préparations dans lesquelles les protéines ont été extensivement hydrolysées dans le but d’en réduire le plus possible l’allergénicité. Il peut s’agir de protéines du lait de vache ou, plus récemment, de protéines de riz. Ces hydrolysats sont dépourvus de lactose et, pour certains, d’entre eux, contiennent des triglycérides à chaîne moyenne, d’absorption facilitée.

Ces hydrolysats ont les indications suivantes :

  • allergie aux protéines du lait de vache (APLV), en choisissant un produit ayant fait la preuve de son efficacité par des études de bonne qualité scientifique ;
  • diarrhée aiguë chez un nourrisson de moins de 4 mois, en raison du risque de sensibilisation secondaire aux protéines du lait de vache, pour une durée de 3 semaines (voir chapitre 21).

En cas d’inefficacité des hydrolysats de protéines chez un nourrisson ayant une APLV, il faut utiliser une préparation à base d’acides aminés libres, quasiment anallergénique.

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