1 . 2  -  Apports nutritionnels

1 . 2 . 1  -  Apports hydriques conseillés


L’eau représente 75 % du poids du corps les premières semaines de vie et 60 % à l’âge d’un an. Le nourrisson est très dépendant des apports hydriques du fait de ce contenu en eau élevé et de l’immaturité des fonctions de concentration-dilution des urines. Les besoins hydriques doivent être d’autant plus importants, par kilogramme de poids, que l’enfant est plus jeune.

Il faut être attentif au risque accru de déshydratation lorsque les pertes hydriques sont augmentées : diarrhée, vomissements, fièvre, ou température ambiante élevée.

Les apports hydriques sont couverts initialement par l’alimentation lactée exclusive, puis par l’eau des aliments et des boissons dès le début de la diversification alimentaire.

Les apports hydriques conseillés, exprimés en mL/kg/j, sont à connaître (tableau 50.1).

Tableau 50.1 Besoins hydriques de l’enfant
ÂgeBesoins hydriques
Naissance150 mL/kg/j
< 6 mois120 mL/kg/j
1–2 ans100 mL/kg/j
2–5 ans80 mL/kg/j
> 5 ans55 mL/kg/j

1 . 2 . 2  -  Apports énergétiques conseillés


Les besoins énergétiques, exprimés en kilocalories (kcal ; 1 kcal = 4,185 kiloJoules [kJ]), sont d’autant plus élevés que l’enfant est en phase de croissance rapide, notamment au cours des 2 premières années et pendant la puberté. Le poids de naissance double vers 4–5 mois, triple vers un an, et quadruple vers 2,5 ans. Le gain statural est de 25 cm la 1re année, 10 cm la 2e année et 8 cm la 3e année.

L’estimation des besoins énergétiques peut être réalisée par l’analyse des ingesta spontanés d’un groupe d’individus en bonne santé, ou par l’analyse des différentes composantes de la dépense énergétique (DE) totale (dite méthode factorielle).

Les apports énergétiques conseillés sont indiqués dans le tableau 50.2.

Tableau 50.2 Apports nutritionnels conseillés chez les enfants vivant en France
ÂgeÉnergie1 MJ/jProtéines2 g/jFer

mg/j
Vitamine D3 μg/jCalcium

mg/j
0–1 mois0,385/kg/j10,06–1020–25400–500
1–2 mois1,6 G

1,5 F
10,16–1020–25400
2–3 mois1,9 G

1,7 F
9,86–1020–25400
3–4 mois2,3 G

2,0 F
9,16–1020–25400
4–6 mois2,4 G

2,1 F
8,8–9,06–1020–25400
6–12 mois2,5 G

2,3 F
9,4–9,96–1020–25500
1–2 ans2,7–4,0* G

2,6–3,8* F
10,2710500
2–3 ans4,5–5,1* G

4,1–4,7* F
11,7710500
3–4 ans4,8–5,4* G

4,5–5,1* F
710500
4–5 ans5,3–5,9* G

4,9–5,6* F
15 G

14 F
75700
5–6 ans5,7–6,4*

5,3–6,0*
16 G

15 F
75700
6–7 ans6,9–7,7* G

6,3–7,1* F
18 G

17 F
75700
7–8 ans7,3–8,2* G

6,7–7,6* F
20 G

19 F
75900
8–9 ans7,8–8,8* G

7,2–8,1* F
22 G

21 F
75900
9–10 ans8,2–9,3* G

7,7–8,6* F
24 G

25 F
75900
10–18 ans7,3–19,0* G

6,9–14,* F
27–50$ G

27–43$ F
10£

13§ G

16§ F
51 200
1 1 mégajoule (MJ) = 1 000 kJ = 239 kcal ; 2 1 gramme de protéine = 6,25 g d’azote ; 3 1 μg de vitamine D = 40 Unités Internationales. G : Garçon ; F : Fille. * Variations prenant en compte le niveau d’activité physique faible ou élevé. $ Variations prenant en compte l’âge. £ De 10 à 13 ans. § De 14 à18 ans.

La DE de base est la DE mesurée le matin, chez un sujet à jeun depuis 12 heures, éveillé mais au repos, allongé et dans une ambiance proche de la neutralité thermique. Cette notion est souvent remplacée, en particulier pour le jeune enfant chez qui un jeûne prolongé n’est pas possible, par la DE de repos (DER), mesurée dans les mêmes conditions de température et de repos, le plus à distance possible d’un repas. La DER est de l’ordre de 50–70 kcal/kg/j avant 1 an, 40–50 kcal/kg/j de 1 à 10 ans, et 30–40 kcal/kg/j de 10 à 15 ans.

La DE liée à l’activité physique est très variable selon l’âge et le type d’activité physique. Faible avant l’âge de 6 mois (10–20 kcal/kg/j), elle augmente ensuite pour atteindre 25–40 kcal/kg/j jusqu’à 1 an. C’est chez l’adolescent qu’elle est la plus variable : la DE totale peut varier de 2 000 à 3 500 kcal/j chez un garçon de 50 kg selon son activité physique.

La DE de thermorégulation varie en fonction de l’environnement thermique, de l’âge de l’enfant et de sa protection vestimentaire. À titre d’exemple, un nourrisson nu, exposé à une température extérieure qui passe de 32 °C à 28 °C voit sa DE liée à la thermorégulation augmenter de 2–4 kcal/kg/j. L’hyperthermie augmente sa DE de 6–9 kcal/kg/j par degré de température corporelle supplémentaire.

Le coût énergétique de la croissance correspond à l’énergie nécessaire à la synthèse de nouveaux tissus et à l’énergie déposée dans ces tissus sous forme de lipides et de protéines. Le coût énergétique de la croissance est maximal durant les 6 premiers mois de la vie, où il représente 20–25 % des ingesta, avant de diminuer ensuite rapidement. Il est d’environ 5 kcal par gramme de gain pondéral.

Les apports nutritionnels doivent couvrir la dépense énergétique de repos, la thermorégulation, la transformation des nutriments en source d’énergie et l’activité physique. Chez l’enfant et l’adolescent, ils doivent aussi couvrir la croissance. Le coût énergétique de la croissance est maximal durant les 6 premiers mois de la vie où il représente 20 à 25 % des ingesta, avant de diminuer ensuite rapidement.

1 . 2 . 3  -  Apports conseillés en macronutriments : glucides, protides et lipides


Apports conseillés en protéines

Les protéines constituent la source d’azote de l’organisme. Elles apportent les acides aminés que l’organisme ne peut synthétiser, dénommés indispensables, assurent le développement musculaire et squelettique, et la production de protéines fonctionnelles (immunoglobulines, hémoglobine, enzymes). Les protéines ne sont pas destinées à contribuer à la couverture des besoins énergétiques.

Les ANC en protéines sont de l’ordre de 10 g/j jusqu’à l’âge de 2 ans, puis d’environ 1 g/kg/j. Les protéines ne devraient pas contribuer à plus de 15 % des apports énergétiques.

Apports conseillés en lipides

En raison de leur densité calorique de 9 kcal/g, les lipides contribuent beaucoup à la couverture des besoins énergétiques. Les apports lipidiques doivent également assurer les besoins en vitamines liposolubles (A, D, E et K), et en acides gras essentiels (AGE). Les lipides devraient contribuer à 45–50 % des apports énergétiques jusque 2–3 ans et 35–40 % ensuite.

Les AGE sont constitués de 2 acides gras polyinsaturés : l’acide linoléique (C18:2n-6) et l’acide α-linolénique (C18:3n-3). Ce sont les constituants indispensables des membranes cellulaires, en particulier du tissu cérébral. Leur carence, très rare dans les pays développés, se manifeste par un retard de croissance staturo-pondéral, des anomalies cutanéophanériennes, des infections à répétition et des perturbations du développement psychomoteur. Les ANC sont pour l’acide linoléique de 2,7 % de l’apport énergétique total (AET) de la naissance à 3 ans et de 4 % de l’AET de 3 à 18 ans, et pour l’acide α-linolénique de 0,45 % de l’AET de la naissance à 3 ans et de 1 % de l’AET de 3 à 18 ans. À partir des AGE se produisent une série d’élongations et de désaturations aboutissant à des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC), principalement l’acide arachidonique (C20:4n-6) pour la série n-6 et l’acide docosahexaénoïque (C22:6 n-3) pour la série n-3. Ces AGPI-LC (présents dans le lait maternel) jouent un rôle très important dans le développement du système nerveux central et de la rétine, ainsi que dans l’immunité et le contrôle de l’inflammation.

Apports conseillés en glucides

Les glucides ont essentiellement un rôle d’apport calorique. Leur source principale pendant les premiers mois d’alimentation lactée exclusive est le lactose (glucose + galactose). Les glucides devraient contribuer à 50–60 % des apports énergétiques.

1 . 2 . 4  -  Apports conseillés en fer


Les besoins en fer sont importants à couvrir chez le nourrisson, en raison du rôle essentiel du fer dans la synthèse de l’hémoglobine et comme cofacteur de croissance. Le déficit en fer est d’ailleurs le plus fréquent des déficits nutritionnels dans les pays industrialisés.

Quel que soit l’âge, l’absorption intestinale du fer est basse, de l’ordre de 10 % environ, ce qui explique que les ANC atteignent 6–7 mg/j jusqu’à 10 ans pour couvrir des besoins de 1–2 mg/j (tableau 50.2). Le fer héminique (viande, poisson) est mieux absorbé que le fer non héminique (lait, végétaux, œuf). La teneur en fer du lait de vache est très faible, ce qui le rend inadapté à l’alimentation du nourrisson.

Les ANC en fer sont également élevés au moment de la puberté, en particulier pour les filles en raison des pertes menstruelles.

1 . 2 . 5  -  Apports conseillés en calcium


Les ANC en calcium, qui est essentiel pour une minéralisation optimale du squelette, doivent tenir compte du coefficient d’absorption intestinale (fonction de la biodisponibilité du calcium des aliments) et de l’apport en vitamine D.

La puberté est une période clé dans la minéralisation du squelette, où les besoins calciques sont particulièrement élevés (tableau 50.2).

1 . 2 . 6  -  Apports conseillés en vitamines


Apports conseillés en vitamine D


La vitamine D joue un rôle essentiel pour l’absorption intestinale du calcium, la minéralisation osseuse et la prévention du rachitisme. Les ANC en vitamine D sont indiqués dans le tableau 50.2. Les réserves en vitamine D du nouveau-né dépendent étroitement de celles de sa mère, et sont le plus souvent basses en Europe.

Le lait maternel contient peu de vitamine D (25–70 UI/L), les préparations lactées sont enrichies en vitamine D mais insuffisamment.

La prévention du déficit en vitamine D repose sur :

  • la supplémentation des femmes enceintes au début du 7e mois de grossesse (en particulier en cas de dernier trimestre hivernal ou printanier) avec une dose unique de 80 000 à 100 000 UI ;
  • jusqu’à l’âge de 18 mois :
    • la supplémentation de 600–800 UI/j chez l’enfant recevant une préparation lactée,
    • la supplémentation de 1 000–1 200 UI/j chez l’enfant allaité par sa mère ou recevant un lait non enrichi en vitamine D ou en cas de facteurs de risque (forte pigmentation cutanée, pas d’exposition au soleil estival, dermatose empêchant cette exposition, vêtements très couvrants en période estivale, malabsorption digestive, cholestase, insuffisance rénale, syndrome néphrotique, traitement par corticoïdes, rifampicine, phénobarbital ou phénytoïne) ;
  • de l’âge de 18 mois à 5 ans, puis chez l’adolescent après 10 ans : la supplémentation automno-hivernale par la prise de 2 doses de charge de 100 000 UI, l’une en novembre et l’autre en février.

Apports conseillés en vitamine KLa vitamine K joue un rôle essentiel dans la synthèse des facteurs de coagulation, en particulier en période néonatale. Les ANC en vitamine K sont de 5–10 μg/j jusqu’à 2 ans.

Afin de prévenir la maladie hémorragique du nouveau-né, il est recommandé de donner 2 mg de vitamine K per os à la naissance et au 3e jour de vie.

Pour tenir compte de la faible teneur en vitamine K du lait maternel, une supplémentation de 2 mg per os par semaine est recommandée pendant la durée de l’allaitement exclusif.

Points clés sur le déficit en vitamine D ou rachitisme

  • Enquête clinique :
    • bourrelets métaphysaires au niveau des poignets et des chevilles ;
    • chapelet costal : nodosités au niveau des jonctions chondrocostales ;
    • déformation des membres inférieurs en genu varum (voir chapitre 6) ;
    • lésions crâniennes : craniotabès (ramollissement des zones occipitales et pariétales, élastiques à la pression, donnant la sensation de balle de ping-pong en celluloïde) et retard à la fermeture de la fontanelle antérieure ;
    • signes musculo-ligamentaires : hyperlaxité ligamentaire et hypotonie musculaire responsables d’un gros ventre et d’un retard d’acquisition postural ;
    • signes respiratoires : hypotonie associée à des déformations thoraciques responsables de bronchopneumopathies.
  • Enquête biologique :
    • phosphatases alcalines très élevées ;
    • 25(OH)D3 diminuée, 1,25(OH)2D3 d’abord normale puis diminuée ;
    • calcémie parfois normale, parfois diminuée.
  • Enquête radiologique :
    • signes les plus précoces visibles au niveau des métaphyses sur une radiographie du poignet : élargissement transversal de la métaphyse, concavité de la ligne métaphysaire et apparition de spicules latéraux donnant l’aspect dit « en toit de pagode » ; aspect flou, dentelé en peigne, de la ligne métaphysaire, ou simple irrégularité dans les formes discrètes ;
    • retard d’apparition des points d’ossification, qui sont flous et irréguliers.
  • Traitement :
    • meilleur traitement = prophylaxie systématique par de la vitamine D ;
    • rachitisme normocalcémique : vitamine D (200 000 UI en dose de charge puis 2 000 à 5 000 UI/j) ;
    • rachitisme avec hypocalcémie : correction de l’hypocalcémie indispensable avant de débuter la vitaminothérapie.

Connaître pour la pratique médicale :
- les besoins hydriques en fonction de l’âge (prescription d’une réhydratation IV) ;
- les recommandations de supplémentation en vitamine D :
   -- quotidienne jusqu’à l’âge de 18 mois, quel que soit le mode d’alimentation,
   -- puis automno-hivernale jusqu’à l’âge de 5 ans et après 10 ans ;
- la nécessité de supplémentation en vitamine K hebdomadaire en cas d’allaitement exclusif.

2/6