1 . 3  -  Aspects cliniques


Les spores d’histoplasme sont phagocytées par les macrophages où elles se transforment en levures (« petites formes ») et se multiplient. L’immunité anti-histoplasme est sous la dépendance des lymphocytes T, en particulier des CD4, et des cytokines pouvant stimuler la fonction macrophagique (rôle important de l’IFNα). Chez les patients VIH aux CD4 bas, l’histoplasmose peut se réveiller de nombreuses années après la primo-infection. Par le biais des macrophages, le champignon diffuse dans tout l’organisme.

Les formes asymptomatiques sont les plus fréquentes. La séro-positivité vis-à-vis de l’histoplasme chez les habitants des régions de l’Ohio ou du Mississipi par exemple peut atteindre 80 % dans l’ensemble de la population testée. Lorsque l’inoculation est importante (forte infestation) on décrit plusieurs formes :

1) une forme pulmonaire aiguë primitive

Après 5 à10 jours d'incubation, cette forme se manifeste par un syndrome pseudo grippal avec fièvre, toux, dyspnée. La radiographie thoracique montre habituellement des adénopathies uni ou bilatérales, un infiltrat parenchymateux ou des images macro ou micronodulaires qui vont secondairement évoluer vers des calcifications. Des réactions immunoallergiques, comme un érythème noueux, accompagnent parfois la primo-infection.

2) une forme disséminée

Cette forme clinique particulière survient plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après la forme primitive. Elle est rencontrée sur un terrain fragilisé, immunodéprimé, notamment chez les sujets VIH positifs. Elle se caractérise par des atteintes viscérales multiples (adénopathies, hépatomégalie, splénomégalie), des lésions buccales (chute des dents, ulcères de la langue et du palais). D’autres localisations plus profondes sont décrites notamment  surrénaliennes  (fréquentes), digestives, hépatiques, cardiaques et neurologiques. Le pronostic est grave. Dans sa forme disséminée, l’histoplasmose peut évoquer une tuberculose, une leishmaniose viscérale et, en Asie, la pénicilliose à Penicillium marneffei. Elle peut aussi simuler une hémopathie ou une maladie de Hodgkin. 

Figure 2 : Bouche : Lésion gingivale Histoplasma capsulatum var. capsulatum
Figure 3 : Bouche : Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum

3) une forme tertiaire ou pulmonaire chronique

Cette forme ressemble à la tuberculose  avec toux, hémoptysie, dyspnée associés à des aspects cavitaires au cliché radiologique. Elle évolue vers l'insuffisance respiratoire et le cœur pulmonaire chronique. Le pronostic est sombre.

- Les patients non VIH positifs présentant, mais pas constamment, un terrain prédisposé  (cancer, diabète, éthylisme, corticothérapie prolongée, etc.) ont une symptomatologie dont les atteintes pulmonaires et ORL (lésions buccales) sont au premier plan: Il est classique de retrouver à l’interrogatoire de ces patients la notion d’une visite de  grottes ou de cavernes en zone d’endémie dans les semaines ou les mois qui précédent les symptômes cliniques. Parfois pour les lésions ORL la notion du séjour ou sa durée peut excéder plusieurs années avant l'apparition des symptômes

- chez les sujets séropositifs  au VIH. Le délai de survenue des symptômes par rapport à la date présumée de contamination est variable, en moyenne 36 mois. On retrouve les facteurs de contamination classiques (visites de grottes avec inhalation probable de poussières virulentes). Les symptômes cliniques (fièvre, altération de l'état général) sont en général assez marqués. Les localisations cutanées dominent. Elles sont à type de papules, nodules ulcéro-hémorragiques avec tâches purpuriques. On observe aussi, avec une certaine fréquence, des localisations digestives (avec hémorragies, diarrhées), viscérales profondes (os, surrénale, rein, cœur, cerveau). Le pronostic de l’histoplasmose à petite forme chez le patient atteint de sida est en général  assez sombre.

1 . 4  -  Diagnostic biologique


1) Prélèvements - examen direct

A partir de produits pathologiques (peau, muqueuses, sérosités, produits d’expectoration, d'une ponction de moelle, du lavage broncho-alvéolaire (LBA), du Liquide Céphalo Rachidien (LCR), des produits de biopsies, etc.), un examen direct est réalisé (frottis, apposition de tissus) et coloré au May-Grünwald-Giemsa (MGG).
C'est l'examen direct qui assure  le diagnostic immédiat.  Il met en évidence le champignon sous forme de petites levures (« les petites formes »), elles sont ovoïdes, sphériques, de 3 à 5 µm de diamètre, colorées intensément en violet et  entourées d’un halo clair (membrane non colorée par le MGG). Elles restent à l’état de blastospores ne produisant aucun filament et sont habituellement intracellulaires. Les levures sont aussi Gram + et colorées en rouge par le Periodic-Acid-Schiff (PAS).

Figure 4 : LBA : petites levures d'Histoplasma capsulatum var. capsulatum (MGG x 1000)
Figure 5 : Frottis de moelle : petites levures d'Histoplasma capsulatum var. capsulatum (MGG x 400)

2) Cultures

Le laboratoire doit être informé de la possibilité d’une histoplasmose. Les cultures doivent être réalisées avec une extrême précaution. Elles ne peuvent être  faites que dans les laboratoires agréés, disposant d'une hotte de sécurité, sur milieu de Sabouraud à 25-30°C. Les cultures se présentent sous forme de colonies blanches duveteuses dont l’examen microscopique montre sur le mycelium des grosses spores spiculées (macroconidies) caractéristiques associées à des petites spores ou  microconidies. Ces formes saprophytiques filamenteuses, très contaminantes, représentent un réel danger pour le personnel des laboratoires.

Figure 6 : Histoplasma capsulatum, aspect microscopique (forme filamenteuse)

3) Examen anatomo-pathologique

Plusieurs types de lésions histopathologiques, correspondant aux réactions de l’hôte, peuvent être observées. Par analogie avec la tuberculose  on distingue schématiquement plusieurs formes selon l’état immunitaire sous-jacent du sujet.

- Une forme tuberculoïde

Cette dernière correspond habituellement à une inoculation habituellement faible et une réponse tissulaire (de l’hôte) efficace. Elle montre des infiltrats lympho-histiocytaires ou granulomateux, riches en macrophages activés et en lymphocytes T CD4 progressivement recrutés in vivo. Les histoplasmes se présentent comme de rares levures ou blastospores de 2 à 3 µm de diamètre entourés d’un halo clair, à l’intérieur de cellules histiocytaires.

L’évolution de cette forme se fait, par analogie à  la tuberculose,  par une nécrose caséiforme.

Surrénales : Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum

- Une forme anergique

Cette forme habituelle chez les patients séropositifs au VIH révèle à l'opposée une réaction tissulaire faible ou nulle. Les macrophages locaux (histiocytes) restent inactifs. L’aspect typique est  celui d’une abondance de levures intracellulaires dans les cellules mais aussi à l’extérieur. Beaucoup d’organes sont touchés (foie, rate, tube digestif, surrénales, os, moelle osseuse, etc.).

Poumon : Histoplasmose à Histoplasma capsulatum (imprégnation argentique x 500)

 - Une forme mixte

Elle  représente une forme intermédiaire entre  la forme tuberculoïde (réactionnelle) et la forme anergique (chez l'immunodéprimé).

- Une forme séquellaire

Dans cette forme, où prédomine la fibrose cicatricielle,on peut retrouver (après coloration argentique) de rares levures qui peuvent être  à l’origine d’une rechute ou d’une éventuelle réactivation.

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