3 . 5  -  Traitement


La prescription d’antibiotiques dans les angines à SGA a plusieurs objectifs :

  • accélérer la disparition des symptômes ;
  • diminuer la dissémination du SGA à l’entourage : les patients ne sont plus contagieux 24 heures après le début du traitement antibiotique. Sans traitement, l’éradication du streptocoque SGA peut être obtenue dans des délais plus longs, pouvant atteindre jusqu’à 4 mois ;
  • prévenir les complications post-streptococciques non suppuratives, notamment le RAA ;
  • réduire le risque de suppuration locorégionale

1.Prise en charge des angines non liées au SGA

Aucune étude ne prouve l’utilité du traitement antibiotique dans les angines d’origine virale.

Si les bactéries isolées dans les prélèvements de gorge chez des patients atteints d’angines sont nombreuses, certaines n’ont aucun rôle pathogène démontré et sont des commensaux : Hæmophilus influenzae et para-influenzae, Branhamella catarrhalis (ex Moraxella catarrhalis), pneumocoque, staphylocoque, anaérobies divers.

Les streptocoques des groupes C, G, F, le gonocoque (adulte, contexte +++), Arcanobacterium Hæmolyticum sont rarement en cause. Quant à Corynebacterium diphtheriae, il est exceptionnellement en cause dans l’angine en France.

Ces bactéries :

- ne donnent qu’exceptionnellement des complications: streptocoques des groupes C, G, F, Arcanobacterium Hæmolyticum ;
- ne sont pas toujours sensibles à la pénicilline et ne poussent pas sur les milieux de culture utilisés pour les angines à streptocoques : gonocoque. Autrement dit, ni un traitement systématique par la pénicilline, ni les prélèvements de gorge systématiques ne permettent de dépister et traiter ces patients ;
- ont un contexte ou des symptômes cliniques suffisamment évocateurs pour déclencher les examens et les traitements nécessaires (angine ulcéronécrotique, à fausses membranes).

Seules les angines diphtérique, gonococcique ou les angines nécrotiques (angine de Vincent, angine de Ludwig) justifient d’un traitement antibiotique adapté.

2. Traitement antibiotique des angines à SGA

2.1 Buts du traitement

La prescription d’antibiotiques dans les angines à SGA a plusieurs objectifs :

  • accélérer la disparition des symptômes : même si la guérison spontanée des symptômes est de règle, leur durée est réduite d’environ 24 heures par les antibiotiques à condition d’être prescrits précocement.
  • diminuer la dissémination du SGA à l’entourage : les patients ne sont plus contagieux 24 heures après le début du traitement antibiotique. Sans traitement, l’éradication du SGA peut être obtenue dans des délais plus longs, pouvant atteindre jusqu’à 4 mois. La diminution du portage pharyngé par les antibiotiques se traduit par la négativation des cultures de SGA chez au moins 90% des patients à la fin d’un traitement correctement conduit.
  • prévenir les complications post-streptococciques non suppuratives, notamment le RAA : Les seules études contrôlées ayant établi le pouvoir préventif (prévention primaire et secondaire) des antibiotiques sur le RAA ont été menées avec la pénicilline G injectable dans l’angine. Chez les patients présentant une angine à SGA (vérifiée par culture) traités par pénicilline G intramusculaire, le taux de RAA est réduit d’environ 25%.
  • réduire le risque de suppuration locorégionale : la diminution de l’incidence des phlegmons pourrait toutefois être expliquée tant par l’évolution des conditions socio-économiques que par les antibiotiques. Les phlegmons périamygdaliens peuvent tout de même survenir après un traitement antibiotique bien conduit d’une angine.

Le traitement précoce accélère la disparition des symptômes et réduit la période d’infectivité. Le traitement retardé n’altère pas l’effet protecteur de l’antibiothérapie vis-à-vis du risque de survenue d’un RAA : l’antibiothérapie peut être débutée jusqu’au neuvième jour après le début des signes et être encore efficace sur la prévention du RAA. Ces constatations autorisent des délais d’évaluation diagnostique avant la mise en route de l’antibiothérapie.

L’efficacité des antibiotiques est prouvée en prévention du RAA ;

  • le RAA a quasiment disparu dans les pays industrialisés et cette diminution d’incidence a largement débuté avant l’apparition des antibiotiques ;
  • des RAA peuvent survenir dans un tiers voire la moitié des cas chez des patients n’ayant eu aucun signe d’angine ou chez des patients ayant été traités par antibiotiques;
  • les risques du traitement antibiotique sont établis, notamment le risque individuel d’effets indésirables et les risques écologiques liés à l’évolution de la résistance bactérienne, attribuée en partie à l’ampleur de la consommation d’antibiotiques.

2.2 Modalités thérapeutiques des angines à SGA

Le traitement de l’angine à SGA doit faire privilégier les traitements de courte durée (< 10 jours) afin d’améliorer l’observance et de réduire la pression de sélection sur la flore bactérienne.

Les traitements non antibiotiques

Des traitements symptomatiques visant à améliorer le confort, notamment antalgiques et antipyrétiques sont recommandés. Il n’y a pas de données permettant d’établir l’intérêt ni des AINS à dose anti-inflammatoire ni des corticoïdes par voie générale dans le traitement des angines à SGA. Les corticoïdes peuvent parfois être indiqués dans certaines formes sévères d’angines à EBV (mononucléose infectieuse).

Il n’existe pas de place pour les bithérapies associant paracétamol plus AINS.

Les antibiotiques

A l’heure actuelle, au moins dans les pays développés, seuls les critères « éradication du streptocoque » et «raccourcissement des symptômes » sont utilisés pour juger de l’efficacité des traitements antibiotiques, le RAA ayant une incidence trop faible.

Les ß-lactamines : les souches de SGA sont sensibles aux ß-lactamines, y compris celles ayant développé des résistances vis-à-vis d’autres antibiotiques dont notamment les macrolides.

o  Pénicilline V : la pénicilline G injectable est le traitement historique de référence dans toutes les recommandations car son efficacité est démontrée en termes de prévention du RAA [OR : 0,25 ; IC 95% : 0,16-0,42]. La pénicilline V orale est devenue, par extension, le traitement de référence. Ce traitement a été validé pour une durée de 10 jours. Il s’agit encore aujourd’hui d’un traitement efficace bien toléré et de spectre étroit. Il est toutefois peu utilisé en pratique, compte tenu de la durée de traitement impérative de 10 jours. Le traitement par pénicilline V n’est donc plus un traitement recommandé en première intention.

o Aminopénicillines orales : l’efficacité de l’ampicilline et de l’amoxicilline pendant 10 jours est comparable à celle de la pénicilline V 10 jours. Le traitement par amoxicilline en 6 jours a une efficacité équivalente à la pénicilline V 10 jours en prenant en compte les taux d’éradication bactérienne et une meilleure observance chez l’enfant et chez l’adulte. Ainsi, en raison de la persistance de la sensibilité des SGA vis-à-vis de l’amoxicilline, de l’évolution des résistances bactériennes et de la possibilité d’un traitement raccourci de 6 jours facilitant l’observance, l’amoxicilline est le traitement recommandé.

o  Céphalosporines orales : les céphalosporines par voie orale permettent d’obtenir des résultats équivalents par rapport au traitement par pénicilline V. Certaines céphalosporines orales de seconde (C2G) et troisième génération (C3G) ont des durées de traitement raccourcies permettant une meilleure observance : 4 jours pour céfuroxime-axetil, 5 jours pour cefpodoxime et céfotiam. L’utilisation des céphalosporines doit être cependant limitée afin de diminuer l’impact sur la flore digestive et notamment le pneumocoque. Les céphalosporines sont réservées aux patients ayant une allergie à la pénicilline sans allergie aux céphalosporines.

Le cefpodoxime a démontré son efficacité chez l’adulte, en traitement de 5 jours au cours d’angines récidivantes sans étiologie particulière (plus de 3 épisodes dans l’année).

Les macrolides : Différentes études ont comparé la clarithromycine, l’azithromycine et la josamycine au traitement de référence représenté par la pénicilline V. Toutes concluaient à une équivalence entre ces deux classes thérapeutiques. Certaines molécules sont données en traitement raccourci de 5 jours (josamycine, clarithromycine), ou de 3 jours (azithromycine), du fait d’une demi-vie prolongée. Cependant, plusieurs pays européens, dont notamment l’Italie et l’Espagne ont constaté des taux de résistance aux macrolides en augmentation inquiétante (>34%). Le principal mécanisme de résistance en France est lié à l’acquisition du gène erm B. Ce gène permet la synthèse d’une méthylase, enzyme qui agit en modifiant la conformation de l’ARN 23S de la sous-unité 50S du ribosome, cible d’action des macrolides. Il s’agit d’une résistance à haut niveau à tous les macrolides (érythromycine, josamycine, spiramycine, azithromycine et clindamycine).

Les streptogramines : Parmi les synergistines, seule la pristinamycine a l’AMM dans les infections ORL. La pristinamycine conserve son activité in vitro sur les SGA résistants aux macrolides sur la base des données disponibles. Cependant du fait d’un taux d’échec bactériologique particulièrement élevé, la Pristinamycine n’est pas indiqué dans le traitement des angines.

Les kétolides : comme pour les macrolides, il existe des résistances acquises des streptocoques du groupe A à la télithromycine. Si la télithromycine est moins touchée, elle partage avec les macrolides le même mécanisme de résistance justifiant des précautions quant à son utilisation. De plus, du fait de sa toxicité elle n’est pas recommandée dans les angines.

2.3 En pratique

La prise en charge des angines érythémateuses ou érythémato-pultacées recommande de ne traiter que les angines à SGA sélectionnées par l’utilisation d’outils diagnostiques (TDR). L’intérêt de cette prescription antibiotique sélective est triple : écologique (moindre augmentation des résistances), individuel (moindre risque d’effets indésirables) et économique.

Devant toute angine érythémateuse ou érythémato-pultacée, l’attitude est la suivante est la suivante :

- un TDR positif confirme l’origine streptococcique et justifie la prescription d’antibiotique.
- un TDR négatif, ne justifie pas de contrôle supplémentaire systématique par culture, ni de traitement antibiotique. Compte tenu de la faible prévalence du SGA et du caractère exceptionnel du RAA en pratique courante en métropole, la sensibilité du TDR est suffisante pour ne pas traiter par antibiotique. Seuls les traitements antalgiques et antipyrétiques sont utiles. Toute angine dont le     TDR est négatif ne doit pas faire considérer qu'il s'agit uniquement d'angine virale, les germes anaérobies, l'association fuso-spirillaire (angine de Vincent) peuvent conduire à une prescription d'antibiotique.

Chez l’adulte, il est possible de ne pas réaliser de TDR si le score de Mac Isaac est inférieur à 2, ce qui suffit à la non-prescription d’antibiotique. Une sensibilisation et une éducation des patients sont indispensables. Elles doivent insister :

- sur l’intérêt de limiter l’indication de l’antibiothérapie au traitement des angines à SGA (à l’exception des rares angines diphtériques, gonococciques ou à bactéries anaérobies) qui sont identifiées par les tests diagnostiques, au cours de la consultation ;
- sur la nécessité d’une bonne observance faisant privilégier les traitements de courte durée.

Le traitement recommandé est le suivant :

- en première intention : amoxicilline par voie orale à la dose de 50 mg/kg et par jour chez l’enfant et de 2 g/jour chez l’adulte en 2 prises par jour et pour une durée de 6 jours ;

- en cas d'allergie vraie aux pénicillines sans allergie aux céphalosporines (situation la plus fréquente) : céphalosporines de 2ème et 3ème génération par voie orale :
--- chez l’enfant : cefpodoxime (du fait d’une mauvaise acceptabilité et d’une mauvaise adhérence au traitement les suspensions de céfuroxime-axétil ne sont plus recommandées) ;
--- chez l’adulte : céfuroxime-axétil ou cefpodoxime oucéfotiam ;

- en cas de contre-indication à l’ensemble des bêta-lactamines (pénicillines et céphalosporines) :macrolides (ayant une durée de traitement raccourcie validée par l’AMM) : azithromycine, clarithromycine ou josamycine.

La pristinamycine ne fait plus partie des recommandations en raison d’une efficacité non prouvée dans l’angine streptococcique.

Des échecs cliniques peuvent survenir malgré un traitement bien conduit et correctement prescrit. Ils peuvent se manifester par la persistance ou la réapparition des symptômes cliniques. Ils nécessitent une réévaluation clinique avec élimination d’un autre diagnostic. Ceci peut conduire à la réalisation d’un bilan, notamment, à la recherche d’une mononucléose infectieuse ou d’une autre étiologie bactérienne.

La prise en charge d’une scarlatine non sévère non compliquée (traitement et éviction) est la même que celle d’une angine streptococcique. Il est rappelé que l’éviction doit être limitée à 48h de traitement antibiotique.

Des traitements symptomatiques visant à améliorer le confort, notamment antalgiques-antipyrétiques sont recommandés. Ni les anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose anti-inflammatoire, ni les corticoïdes par voie générale ne sont recommandés, en l’absence de données permettant d’établir leur intérêt dans le traitement des angines alors que leurs risques sont notables.

Figure 10
Figure 11

3 . 6  -  Diagnostic différentiel des angines


Au stade de début, ou lors d’un examen superficiel l’angine peut être confondue avec divers diagnostics :

  • Cancer de l’amygdale : L’absence de signes infectieux généraux, l’âge, l’unilatéralité, l’induration profonde et le saignement au toucher, les adénopathies de caractère malin conduisent à la biopsie, clé du diagnostic. Il doit être évoqué systématiquement dans une forme unilatérale.
  • Manifestation buccopharyngée d’une hémopathie :
    • Conséquence d’une neutropénie : agranulocytose pure, d’origine médicamenteuse, toxique, idiopathique…
    • Les lésions, sphacéliques et pseudomembraneuses sont diffuses sur tout le pharynx et d’extension rapide. Elles ne saignent pas, ne suppurent pas. Il n’y a pas d’adénopathie ;
    • L’hémogramme et le myélogramme montent l’agranulocytose sans atteinte des autres lignées sanguines.
    • Leucose aiguë : l’atteinte amygdalienne est associée à une gingivite hypertrophique. Son évolution nécrotique et sa tendance hémorragique doivent faire pratiquer un hémogramme et un myélogramme qui affirment le diagnostic.
  • Zona pharyngien : Dû à l’atteinte du nerf glossopharyngien, il est rare et se caractérise par son éruption vésiculeuse strictement unilatérale, siégeant sur le voile, le tiers supérieur des piliers, le palais osseux, respectant l’amygdale.
  • Aphtose : Elle intéresse plutôt la muqueuse gingivobuccale, mais peut se localiser sur le voile et les piliers : une à plusieurs ulcérations en coup d’ongle ou en pointe d’épingle, à fond jaunâtre, très douloureuses. Elles peuvent entrer dans le cadre d’un syndrome de Behçet.
  • Éruptions bulleuses : Ce sont des affections rares, qui intéressent surtout la dermatologie : pemphigus, maladie de Duhring-Broq…
  • Infarctus du myocarde : Il peut simuler une angine aiguë, par une violente douleur amygdalienne unilatérale. Il n’y a pas de syndrome infectieux général. L’examen de la gorge est normal. L’ECG fait le diagnostic.
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