9  -  Traitement

9 . 1  -  Traitement de l’insuffisance cardiaque chronique

1. But du traitement

- Il est tout d’abord préventif :

  • des pathologies pouvant évoluer vers l’insuffisance cardiaque (HTA, cardiopathies ischémiques, valvulopathies…),
  • de la progression de la dysfonction systolique du VG asymptomatique vers l’insuffisance cardiaque ;

- Maintenir ou améliorer la qualité de vie, éviter les réhospitalisations.
- Prolonger la survie.

2. Stratégie thérapeutique

- Traitement de la cause de l’insuffisance cardiaque si possible.
- Traitement des facteurs favorisants une décompensation (infection, anémie, arythmie…).
- Contrôle des signes d’insuffisance cardiaque congestive.
- Introduction des traitements pour lesquels une diminution de la mortalité a été prouvée.

3. Mesures hygiéno-diététiques et générales

- Régime hyposodé (< 6 g de sel/jour).
- Exercice physique régulier n’entraînant pas de dyspnée.
- Réadaptation cardiovasculaire pouvant être bénéfique notamment pour la qualité de vie en cas d’insuffisance cardiaque stable (stade II ou III de la NYHA).
- Arrêt du tabac, de l’alcool.
- Traitement d’un surpoids ou d’une dénutrition.
- Vaccination antigrippale.
- Connaître les traitements à éviter ou à employer avec précautions : AINS et coxibs, anti-arythmiques de classe I, inhibiteurs calciques bradycardisants (vérapamil et diltiazem), antidépresseurs tricycliques, lithium, corticoïdes.
- Éducation thérapeutique du patient par une équipe multidisciplinaire.

4. Traitements médicamenteux (tableau 1)

Tableau 1. Traitement médicamenteux de la dysfonction systolique du ventricule gauche.
IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion ; ARA II : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II ; VG : ventricule gauche ; IC : insuffisance cardiaque ; IDM : infarctus du myocarde.

a. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Ils sont recommandés en première intention chez tous les patients, symptomatiques ou asymptomatiques, présentant une dysfonction systolique du VG (FEVG < 40–45 %).
Ils améliorent la survie, les symptômes, la capacité fonctionnelle et réduisent le nombre d’hospitalisation.
Mécanisme d’action : inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, vasodilatateurs artériels et veineux, diminuent la précharge et la postcharge, luttent contre le remodelage ventriculaire gauche.
Contre-indications : hypotension sévère, hyperkaliémie. L’insuffisance rénale est une contre-indication relative : en cas d’insuffisance rénale modérée, un IEC peut être prescrit sous réserve qu’il n’entraîne pas de dégradation significative de la fonction rénale.
Principaux effets secondaires : toux, insuffisance rénale, hyperkaliémie, hypotension.
Ils doivent être initiés à petites doses et augmenter par paliers jusqu’à la dose maximale tolérée ou jusqu’à la dose recommandée.
Surveillance régulière de la créatininémie et de la kaliémie.
Spécialités les plus utilisées dans les grands essais cliniques : captopril (Lopril®), énalapril (Renitec®), lisinopril (Zestril®), ramipril (Triatec®).

b. Diurétiques (sauf anti-aldostérone)

Ils sont prescrits à visée symptomatique.
Leur effet sur la survie ne sont pas connus.
Ils luttent contre la rétention hydrosodée et permettent donc d’améliorer les signes congestifs.
Les diurétiques de l’anse (furosémide : Lasilix®) sont les plus utilisés.
Les diurétiques thiazidiques sont moins utilisés, mais peuvent être associés aux diurétiques de l’anse en cas de réponse insuffisante sous surveillance rénale étroite ou seuls en cas d’insuffisance cardiaque peu évoluée.

c. Bêtabloquants

Contre-indiqués en cas de décompensation cardiaque, ils ne doivent être prescrits qu’en cas d’état stable (sans surcharge volumique) chez les patients présentant une dysfonction systolique du VG d’origine ischémique ou non, en association au traitement par IEC et en l’absence de contre-indication.
Ils s’opposent aux effets délétères de la stimulation sympathique.
Ils réduisent le nombre d’hospitalisations, améliorent les capacités fonctionnelles et diminuent la mortalité à long terme.
Les seules spécialités indiquées dans l’insuffisance cardiaque sont : le bisoprolol (Cardensiel® ou Soprol®), le carvédilol (Kredex®), le métoprolol succinate (Seloken®) et le nébivolol (Nébilox®).
Introduction à doses très progressives.

d. Antagonistes des récepteurs de l’aldostérone

Spironolactone (Aldostérone®), éplérénone (Inspra®).
Ils sont indiqués en association avec le traitement par :
- IEC, β-bloqueurs et diurétiques en cas d’insuffisance cardiaque évoluée (stade II ou IV de la NYHA), car ils améliorent la survie ;
- IEC et β-bloqueurs en cas d’insuffisance cardiaque post-infarctus avec dysfonction systolique du VG et signes d’insuffisance cardiaque et/ou diabète (amélioration de la morbidité et de la mortalité).
Seule AMM de l’éplérénone : insuffisance cardiaque post-infarctus avec dysfonction systolique du VG en association avec le traitement par IEC et β-bloqueurs.

e. Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II

Spécialités indiquées dans l’insuffisance cardiaque : candésartan (Atacand® ou Kenzen®) ou valsartan (Nisis® ou Tareg®).
Alternative au traitement par IEC en cas de mauvaise tolérance de celui-ci (amélioration de la morbidité et mortalité).
En association avec les IEC, si le patient reste symptomatique.

f. Agents inotropes positifs

Leur usage est réservé au milieu hospitalier par voie IV en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire avec signes éventuels de bas débit.
- Amines sympathicomimétiques :

  • action inotrope positive ;
  • dobutamine, plus rarement adrénaline et noradrénaline ;
  • la dopamine a une action diurétique à faibles doses et inotrope positive ainsi que vasoconstrictrice à plus fortes doses.

- Inhibiteurs de la phosphodiestérase :

  • milrinone (Corotrope®) et énoximone (Perfane®) ;
  • inotrope positif, lusitrope positif, vasodilatateur périphérique.

- Lévosimendan :

  • inotrope positif, vasodilatateur périphérique,
  • utilisation encore très restreinte (pas d’AMM).


g. Autres traitements

Les digitaliques (digoxine) sont des agents inotropes positifs et chronotropes négatifs connus depuis plus de 200 ans.
Ils sont actuellement utilisés en cas d’insuffisance cardiaque particulièrement chez les patients en fibrillation auriculaire (en association avec les β-bloqueurs).
Ils sont aussi indiqués chez les patients présentant une dyspnée de classe III ou IV de la NYHA en rythme sinusal et doivent être maintenus chez les patients en classe II de la NYHA en rythme sinusal s’ils ont été prescrits, alors que le patient était en classe III de la NYHA.
Les anticoagulants ne sont prescrits qu’en cas d’arythmie emboligène associée et éventuellement en cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche sévère.

5. Traitements non médicamenteux

a. Traitement électrique

Stimulation multisite
- Implantation d’une sonde de stimulation atriale droite, ventriculaire droite et ventriculaire gauche (dans le sinus coronaire).
- Consiste à essayer de resynchroniser les parois du ventricule gauche ainsi que les deux ventricules et à améliorer le remplissage ventriculaire gauche.
- Amélioration de la morbidité et de la mortalité.
- Indication : dyspnée stades II – IV, malgré un traitement médical bien conduit, FEVG < ou = à 35 % et durée des QRS < ou = à 120 ms.

Défibrillateur automatique implantable

- Prévention primaire de la mort subite si FEVG < ou = à 30–35 %.
- Prévention secondaire en cas de mort subite récupérée.
- Parfois associé à une stimulation multisite : défibrillateur multisite.

b. Transplantation cardiaque

- En cas d’insuffisance cardiaque sévère associée à une dysfonction systolique du ventricule gauche réfractaire au traitement médicamenteux.
- Indiquée chez les sujets jeunes (généralement < 65 ans), en l’absence de comorbidité sévère ou de contre-indication d’ordre psychologique.
- Problème : manque de donneurs.

c. Assistances circulatoires

- Nombreux systèmes, parfois ambulatoires.
- Peuvent être indiquées en cas de :

  • insuffisance cardiaque très sévère avec possibilité de récupération (exemple des myocardites fulminantes) ;
  • attente d’une greffe cardiaque.

9 . 2  -  Traitement de l’OAP

- Traitement urgent +++.
- Hospitalisation en unité de soins intensifs, transfert médicalisé via le 15.
- Position semi-assise, patient laissé à jeun.
- Scope ECG, surveillance fréquence cardiaque, tension artérielle, diurèse, saturation en oxygène (SpO2), recherche de signes de bas débit (marbrures, conscience, refroidissement des extrémités…).
- Oxygénothérapie pour maintenir la SpO2 > 90 % ± ventilation non invasive, voire intubation trachéale et ventilation mécanique (en cas d’intubation, la ventilation s’effectue à l’oxygène pur).
- Arrêt de tout médicament inotrope négatif.
- Diurétiques de l’anse par voie IV pour obtenir rapidement (en 20 minutes) une diurèse d’environ 200 mL, puis posologie adaptée pour maintenir une diurèse d’à peu près 100 mL/h.
- Compensation des pertes potassiques par 1 g de KCl par litre de diurèse.
- Dérivés nitrés par voie IV (vasodilatateur surtout veineux donc diminution de la précharge), isosorbide dinitrate (Risordan®) si tension artérielle systolique > 100 mmHg.
- Anticoagulation préventive par héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaires.
- Traitement du facteur déclenchant si possible.
- En cas d’OAP réfractaire, agents inotropes positifs par voie intraveineuse. Classiquement, amines sympathicomimétiques : dobutamine ± associée à une amine possédant un effet vasoconstricteur prédominant si TA basse, telle que la dopamine à fortes doses ou la noradrénaline.
- En cas d’échappement au traitement médicamenteux, discuter d’une assistance circulatoire.

9 . 3  -  Traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée

- Peu d’études +++.
- Traitement reposant sur des données spéculatives.
- Diurétiques à visée symptomatique si rétention hydrosodée.
- IEC, β-bloqueurs, inhibiteurs calciques bradycardisants ?


Pour en savoir plus :

HAS. Insuffisance cardiaque systolique symptomatique chronique. Guide du médecin HAS ; mars 2007. Site Internet : www.has-sante.fr
Insuffisance cardiaque. In : Société française de cardiologie. Cardiologie et maladies vasculaires. Elsevier Masson ; 2007, chapitre 8 : 661-741.

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