On distingue trois grandes entités cliniques : la toxoplasmose acquise postnatale du sujet immunocompétent, la toxoplasmose du sujet immunodéprimé et la toxoplasmose congénitale.
Cette distinction clinique a également des conséquences diagnostiques ; schématiquement :
Elle est asymptomatique dans plus de 80 % des cas.
Les formes symptomatiques classiques associent fièvre, adénopathies et asthénie. Le patient présente une fébricule pendant quelques jours ou quelques semaines, qui disparaît spontanément. Les adénopathies sont plus volontiers cervicales, peu volumineuses, n'adhérant pas aux plans profonds et ne fistulisant pas, mais les autres territoires ganglionnaires peuvent être atteints. L'évolution est habituellement bénigne et la guérison spontanée ; cependant, l'asthénie peut être profonde et persister plusieurs mois. Des formes plus graves de toxoplasmose acquise ont été rapportées chez des immunocompétents. Les rares cas décrits en France trouvent leur origine principalement en Guyane, avec pour facteur de risque la consommation de viande de gibier sauvage ou d'eau de surface dans la forêt amazonienne. Ce sont des souches de toxoplasme circulant dans un environnement éloigné de l'Homme (cycle sauvage) et mal adaptées à lui qui sont en cause. D'autres cas ont été rapportés suite à des consommations de viande importée du continent américain, également liés à des souches génétiquement différentes de celles circulant en France. Ces souches ont aussi été à l'origine de cas de réinfection chez des patients déjà immunisés. Des formes oculaires acquises (rétinochoroïdites) avec une tendance à la récidive sont possibles ; leur fréquence et leur sévérité sont plus élevées en Amérique du Sud et, sans doute, en Afrique, en raison de la différence génétique des souches.
Cette maladie grave est constamment mortelle sans traitement, sauf dans les formes oculaires isolées, qui peuvent cependant conduire à la cécité en cas de lésion maculaire. Les descriptions classiques distinguent les formes localisées et les formes disséminées mais la réalité est souvent moins tranchée. La toxoplasmose de l'immunodéprimé peut être secondaire soit à la réactivation d'une toxoplasmose ancienne, soit à une primo-infection. La réactivation d'une toxoplasmose est observée chez les patients souffrant d'un déficit important de l'immunité cellulaire T. En pratique, il s'agit le plus souvent de patients infectés par le VIH avec un taux de CD4 inférieur à 100/mm3 ou de patients greffés avec des cellules souches hématopoïétiques ou transplantés d'organe, sans prophylaxie. Peuvent également être concernés les patients atteints de cancer, d'hémopathies malignes (principalement lymphoïdes) ou de déficit immunitaire congénital. Les chimiothérapies ou biothérapies immunosuppressives et la corticothérapie prescrites dans le cadre de maladies inflammatoires chroniques sont des éléments favorisants.
La primo-infection chez l'immunodéprimé peut être d'origine alimentaire mais elle est le plus souvent secondaire à une transmission par le greffon lors de la greffe d'un organe solide. L'organe le plus souvent en cause est le myocarde (risque supérieur à 50 % en cas de discordance entre donneur séropositif et receveur séronégatif pour la toxoplasmose).
La localisation la plus fréquente est cérébrale. Le tableau clinique est celui d'un abcès (figure 6.5). La symptomatologie associe des céphalées persistantes, une fièvre dans 50 % des cas et, secondairement, un déficit focalisé en rapport avec la localisation du ou des abcès. La révélation sous forme de crise comitiale est fréquente. Des tableaux d'encéphalite diffuse sont également décrits. En cas d'abcès, le diagnostic repose sur une imagerie caractéristique (image en « cocarde » révélée après injection d'un produit de contraste) qui justifie un traitement antitoxoplasmique d'épreuve dans un contexte d'immunodépression.
La deuxième localisation en termes de fréquence est oculaire (figure 6.6). Le patient se plaint d'une baisse d'acuité visuelle, d'impression de « mouches volantes » et d'une rougeur oculaire. Le diagnostic ophtalmologique peut être confirmé par la détection de l'ADN parasitaire et d'anticorps spécifiques dans les fluides oculaires. Au cours de l'infection par le VIH, une localisation cérébrale est associée dans 40 % des cas.
La toxoplasmose pulmonaire se traduit par une pneumopathie interstitielle fébrile dyspnéisante évoquant la pneumocystose.
Le tachyzoïte de T. gondii pouvant pénétrer dans n'importe quel type de cellules, la littérature est riche de cas rapportés dans les localisations les plus diverses, le diagnostic étant apporté par l'examen anatomopathologique, l'inoculation à l'animal ou, plus fréquemment, la biologie moléculaire.
Le problème est celui d'une fièvre isolée dont le diagnostic n'est parfois fait que lors de la survenue de localisations viscérales secondaires, en particulier pulmonaires. Chez le patient greffé de cellules souches hématopoïétiques, le diagnostic est souvent fait lors des PCR systématiques de dépistage.
La toxoplasmose congénitale résulte de la contamination du fœtus au cours de la grossesse. En France, on estime entre 2 500 et 4 000 le nombre de séroconversions durant la grossesse. Environ 250 toxoplasmoses congénitales sont notifiées chaque année depuis 2007 au Centre national de référence (soit environ deux à trois cas pour 10 000 naissances), entraînant des formes symptomatiques à la naissance dans 10 % des cas (dont un quart de formes sévères) et plus de 10 % d'interruptions médicales de grossesse. La circonstance la plus habituelle est la survenue d'une primo-infection chez la femme enceinte : lors de la phase de parasitémie initiale, il peut se produire une colonisation du placenta suivie d'une transmission au fœtus. La transmission peut exceptionnellement se produire lors d'une récurrence parasitémique chez une femme enceinte immunodéprimée (toxoplasmose de réactivation).
Il existe un risque très faible de transmission en cas de contamination périconceptionnelle (même antérieure à la conception) car la parasitémie initiale peut persister plusieurs semaines.
La toxoplasmose congénitale peut être responsable d'un avortement spontané lors d'infections en début de grossesse ou de mort fœtale in utero.
Si la grossesse est menée à son terme, on décrit traditionnellement trois présentations cliniques :
L'atteinte oculaire peut s'observer dans trois circonstances : au cours de la toxoplasmose congénitale, chez les patients immunodéprimés, et au cours d'une toxoplasmose acquise postnatale de l'immunocompétent. Dans ce dernier cas, les localisations oculaires peuvent être parfois retardées de plusieurs mois par rapport à la primo-infection. Le diagnostic repose sur l'aspect du fond d'œil, mais peut nécessiter une confirmation biologique sur un prélèvement intraoculaire (figure 6.6)