On regroupe sous le nom de toxoplasmose toutes les manifestations cliniques ou biologiques dues au toxoplasme, protozoaire parasite de la classe des Coccidies dont le nom est Toxoplasma gondii. Cette parasitose cosmopolite est habituellement bénigne, mais potentiellement grave chez le fœtus et l'immunodéprimé. Elle fait l'objet, en France, de dispositions légales que tout médecin doit connaître et appliquer. Le toxoplasme a été décrit pour la première fois en 1908 à l'Institut Pasteur de Tunis par Nicolle et Manceaux chez un petit rongeur, le gondi. Mais le cycle n'a été totalement élucidé qu'en 1969 avec la découverte du rôle du chat dans la transmission. On estime que 600 000 à 700 000 nouvelles infections surviennent chaque année en France, dont 2 700 chez des femmes enceintes, dont l'enfant est ainsi exposé au risque de toxoplasmose congénitale (près de 250 cas annuels notifiés au Centre national de référence de la toxoplasmose: http:/cnrtoxoplasmose.chu-reims.fr) La toxoplasmose de l'immunodéprimé est une infection grave susceptible de se manifester dans toutes les situations d'immunodépression.
Toxoplasma gondii existe sous trois formes évolutives différentes :
le tachyzoïte (figure 6.1), stade intracellulaire de 6 μm à 8 μm de long sur 3 μm à 4 μm, qui peut parasiter n'importe quelle cellule nucléée de l'organisme, dont celles du système des phagocytes mononucléés, au sein desquelles il va se multiplier rapidement ;
le bradyzoïte, qui résulte de la transformation du stade tachyzoïte au cours de son évolution chez l'hôte intermédiaire. Morphologiquement très proche, il s'en distingue par un métabolisme ralenti conduisant à un état de latence (peu ou pas de multiplication). Les bradyzoïtes sont regroupés (quelques dizaines à plusieurs milliers) au sein de kystes intracellulaires (figure 6.2), où ils sont inaccessibles aux défenses immunitaires et aux traitements actuels. La taille des kystes varie de 20 à 100 μm. Ils siègent principalement dans les neurones, les astrocytes, les cellules musculaires et les cellules rétiniennes ;
le sporozoïte, résultat de la reproduction sexuée qui a lieu dans les cellules de l'épithélium intestinal de l'hôte définitif. Il est contenu dans des oocystes (figure 6.3), qui peuvent survivre sur le sol plus d'un an dans un climat humide. Les oocystes sont de forme ovoïde et mesurent environ 12 μm.
Le cycle de T. gondii peut se dérouler selon différentes modalités (figure 6.4). Il peut s'agir :
Les félidés s'infectent par ingestion des hôtes intermédiaires infectés qui hébergent des kystes dans leurs tissus. Les bradyzoïtes libérés des kystes (figure 6.2) dans le tube digestif du chat pénètrent dans les cellules épithéliales intestinales. Après une phase de multiplication asexuée par schizogonie, certains parasites peuvent se transformer dans les cellules épithéliales en gamétocytes, puis en gamètes soit mâles soit femelles (phase de gamétogonie). L'union d'un gamète mâle et d'un gamète femelle aboutit à la formation d'un oocyste non sporulé qui est émis dans les fèces du chat. En quelques jours, dans le milieu extérieur, se produit une sporulation au sein de l'oocyste qui donne naissance aux sporozoïtes contenus dans des oocystes matures ou sporulés (fig 6.3). Ces oocystes sporulés qui souillent le sol, les végétaux et l'eau sont à l'origine de la contamination des hôtes intermédiaires. Après ingestion des oocystes par l'hôte intermédiaire, les sporozoïtes libérés des oocystes envahissent les cellules intestinales et se transforment en tachyzoïtes. Les tachyzoïtes se multiplient dans n'importe quelle cellule nucléée et se disséminent dans l'organisme. Après quelques jours d'évolution, les tachyzoïtes ralentissent leur multiplication et se transforment en bradyzoïtes au sein de structures kystiques intratissulaires. Les kystes prédominent dans les muscles et le système nerveux des animaux infectés. Ils sont à l'origine de l'infection des félidés par carnivorisme.
La particularité du toxoplasme est la possibilité de transmission du parasite entre hôtes intermédiaires : les bradyzoïtes contenus dans les kystes sont également infectants pour d'autres hôtes intermédiaires. Le toxoplasme pourra donc se propager par carnivorisme, entre hôtes intermédiaires, dans un cycle totalement asexué ne faisant pas intervenir l'hôte définitif.
La contamination de l'Homme s'effectue selon trois modalités principales :
Les seuls chats représentant un risque direct sont les jeunes animaux qui chassent pour se nourrir. Un chat d'appartement urbain, nourri avec des aliments industriels, ne représente pas un « danger toxoplasmique ». Par ailleurs, les chats n'éliminent des oocystes que pendant quelques semaines au cours de leur vie, généralement lors de la primo-infection. Ces oocystes doivent séjourner un certain temps (2 à 5 jours) dans le milieu extérieur pour être infectants, car ils sont émis non sporulés. Enfin, la plupart des femmes enceintes, associant chat et toxoplasmose, prennent de grandes précautions à l'égard de cet animal.
Les différentes modalités de transmission ainsi que la capacité du toxoplasme à infecter n'importe quel animal homéotherme expliquent le succès de ce parasite cosmopolite. On estime qu'entre un tiers et un quart de la population mondiale est infecté. La prévalence de l'infection toxoplasmique augmente avec l'âge et varie en fonction de l'environnement et des habitudes alimentaires.
Dans les pays développés, la contamination serait essentiellement liée à la consommation de viande infectée. La prévalence est faible, inférieure à 25 % au Royaume-Uni, en Scandinavie et en Amérique du Nord. En France et dans les autres pays européens, les chiffres sont plus élevés, de l'ordre de 40 % à 60 %. Les dernières données françaises (2010) font état d'une séroprévalence de 36,7 % chez les femmes enceintes. Il existe des disparités régionales, bien étudiées en France, les chiffres variant de 28 % dans les zones montagneuses à climat hivernal froid (Vosges, Jura, Massif central, Alpes) à 58 % dans le Sud-Ouest.
En Asie du Sud-Est et au Japon, la prévalence est très faible, inférieure à 10 % ; elle est de l'ordre de 20 % à 30 % dans le sous-continent indien et au Proche-Orient.
Dans les pays tropicaux d'Afrique et d'Amérique, la contamination est plutôt liée à l'ingestion d'oocystes issus de chats domestiques et de félidés sauvages. Le rôle de la consommation d'eau souillée par les oocystes y a été mis en avant. La prévalence est faible dans les zones où le climat est chaud et sec, peu favorable à la survie des oocystes sur le sol ; elle est élevée, jusqu'à 80 % parfois, dans les régions humides.