4  -  Diagnostic biologique

4 . 1  -  Signes d’orientation

4 . 1 . 1  -  Orientation clinique

La diversité des tableaux cliniques du paludisme a été présentée. Le diagnostic du paludisme est une urgence, tout accès palustre survenant chez un sujet non prémuni (cas du paludisme d’importation) pouvant évoluer en quelques heures vers un paludisme grave potentiellement mortel.

En pratique, il faut retenir les règles suivantes :

  • « toute fièvre au retour d’une zone d’endémie est un paludisme jusqu’à preuve du contraire » ;
  • face à une suspicion d’accès palustre, il convient de rechercher immédiatement des signes cliniques de gravité, notamment neurologiques (plus fréquents et plus faciles à mettre en évidence) : la présence d’un signe neurologique, quel qu’il soit, impose l’hospitalisation en urgence du malade.

4 . 1 . 2  -  Orientation biologique

Thrombopénie
La thrombopénie, définie comme un taux de plaquettes sanguines inférieur à 150 000/mm3, est une anomalie fréquente et précoce au cours du paludisme, indépendamment de l’espèce plasmodiale en cause et du tableau clinique. Elle est d’intensité variable, mais parfois sévère (moins de 50 000/mm3). C’est un très bon signe d’orientation mais sa valeur pronostique est encore controversée.

Anémie
Une anémie hémolytique est un bon signe d’orientation mais elle peut manquer, surtout au début d’un accès de primo-invasion. L’anémie est plus souvent présente chez un sujet présentant des accès de reviviscence ou une rechute.

4 . 2  -  Diagnostic biologique direct

Le diagnostic biologique direct d’un accès palustre, réalisé sur le sang circulant, doit répondre à quatre impératifs :
  • y a-t-il des érythrocytes infectés par un parasite du genre Plasmodium ?
  • si la réponse est positive :
    • quelle espèce est identifiée ?
    • quel(s) stades(s) parasitaires(s) est/sont présents (les gamétocytes seuls ne sont pas considérés comme responsables de la symptomatologie) ?
  • enfin, le résultat de l’analyse doit être rendu par le biologiste au médecin prescripteur dans un délai de moins de 2 heures après le prélèvement.

4 . 2 . 1  -  Prélèvement

En zone d’endémie, le plus simple est de recueillir, sur une lame porte-objet de microscope, une ou deux gouttes de sang par piqûre au doigt (face latérale de l’annulaire), au lobe de l’oreille ou au talon (chez l’enfant) et de confectionner immédiatement les étalements (frottis minces et goutte épaisse).

En France, en pratique, deux tubes de sang (dont un pour contrôle selon les recommandations de la conférence de consensus, 2007) sont prélevés par ponction veineuse sur anticoagulant (EDTA) et adressés en urgence au laboratoire.

4 . 2 . 2  -  Techniques de référence

Goutte épaisse
Cette technique, très ancienne, réalise une microconcentration et reste la méthode de référence. Elle consiste à examiner quelques microlitres de sang après hémolyse des globules rouges et coloration selon la méthode de Giemsa (figure 5.8). C’est une excellente technique mais de réalisation un peu délicate et qui nécessite une bonne expérience pour la lecture ; en outre, le diagnostic d’espèce n’est pas toujours possible. Le nombre de parasites pour 200, 500 ou 1 000 leucocytes peut être compté. Le seuil de détection de la technique est de 10 à 20 parasites par microlitre de sang (environ 0,0002 à 0,0004 %).

Fig. 5.8 Goutte épaisse colorée au Giemsa : trophozoïtes de Plasmodium falciparum et deux noyaux de globules blancs
Fig. 5.8 Goutte épaisse colorée au Giemsa : trophozoïtes de Plasmodium falciparum et deux noyaux de globules blancs

Frottis mince
La lame est colorée selon la méthode de May-Grünwald-Giemsa ou de Giemsa après fixation à l’alcool. Les parasites, colorés en rouge (noyau) et bleu (cytoplasme), sont retrouvés à l’intérieur des globules rouges (pas d’hémolyse dans cette technique) (figures 5.9 à 5.16). Le diagnostic positif et le diagnostic d’espèce s’en trouvent facilités. En revanche, la quantité de sang examinée est plus faible que sur une goutte épaisse et cette méthode peut être mise en défaut en cas de parasitémie faible — sensibilité théorique dix à vingt fois moindre qu’avec la goutte épaisse. La parasitémie en pourcentage d’hématies parasitées doit être mesurée. Le seuil de détection de la technique est de 100 à 200 parasites par microlitre (environ 0,002 à 0,004 %).

Fig. 5.9 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, gamétocyte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.9 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, gamétocyte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.10 Frottis de sang : leucocyte mélanifère (MGG)
Fig. 5.10 Frottis de sang : leucocyte mélanifère (MGG)
Fig. 5.11 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, trophozoïtes (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.11 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, trophozoïtes (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.12 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, nombreux trophozoïtes ; parasitémie à environ 12 % (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.12 Frottis de sang : Plasmodium falciparum, nombreux trophozoïtes ; parasitémie à environ 12 % (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.13 Frottis de sang : Plasmodium ovale, schizonte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.13 Frottis de sang : Plasmodium ovale, schizonte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.14 Frottis de sang : Plasmodium vivax, trophozoïtes et schizonte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.14 Frottis de sang : Plasmodium vivax, trophozoïtes et schizonte (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.15 Frottis de sang : Plasmodium malariae, schizonte en plaque équatoriale (MGG ; × 1 000)
Fig. 5.15 Frottis de sang : Plasmodium malariae, schizonte en plaque équatoriale (MGG ; × 1 000).
Fig. 5.16 Frottis de sang : Plasmodium knowlesi (MGG ; × 2 000)
Fig. 5.16 Frottis de sang : Plasmodium knowlesi (MGG ; × 2 000).

A. Trophozoïtes jeunes. B. Trophozoïtes âgés. C. Schizontes.

Source : Singh B. et al.Lancet, 2004 ; 363 : 1017

Les recommandations de la conférence de consensus en 2007 demandent d’associer frottis mince et goutte épaisse pour ce diagnostic et c’est cette association qui est inscrite à la nomenclature des actes de biologie médicale en France.

La mise en évidence d’hématies parasitées par un protozoaire évoquant P. falciparum chez un sujet n’ayant jamais vécu en zone d’endémie doit faire penser à un paludisme d’aéroport, accidentel par exposition au sang (rarement transfusion) ou bien faire rechercher une babésiose (protozoose des bovins, chiens…) par piqûre de tique chez un sujet à risque (splénectomisé).

2 . 2 . 3  -  Autres techniques

Pour pallier les difficultés de lecture de la goutte épaisse et faciliter le diagnostic biologique du paludisme, d’autres techniques ont été développées.

Tests de diagnostic rapide immunochromatographiques (TDR)
Le principe de ces tests est la détection de protéines spécifiques de Plasmodium (antigènes HRP-2, enzymes parasitaires, LDH ou aldolase) en chromatographie sur un support solide. Certains de ces tests permettent d’affirmer un diagnostic de genre (présence de Plasmodium) pour les quatre espèces les plus communes — P. knowlesi est très mal mis en évidence par les tests actuels — et un diagnostic d’espèce pour P. falciparum et P. vivax. Ces tests rapides, très simples d’utilisation et conditionnés en emballages unitaires, ont une excellente spécificité pour toutes les espèces et une bonne sensibilité pour P. falciparum et P. vivax (entre le frottis sanguin et la goutte épaisse pour P. falciparum avec l’antigène HRP-2), moins bonne pour P. ovale et P. malariae (antigène commun). Aucun de ces tests ne permet de mesurer la parasitémie ; l’antigène HRP-2 reste détectable plusieurs jours à plusieurs semaines après la disparition de P. falciparum du sang.

En France, ils doivent être considérés comme une aide au diagnostic mais ne doivent pas être utilisés seuls pour le diagnostic en remplacement des techniques microscopiques classiques fondées sur la coloration d’une goutte épaisse et d’un frottis sanguin mince. En zone d’endémie, l’utilisation de ces tests rapides comme seul outil diagnostique dans les algorithmes de prise en charge du paludisme est recommandée lorsque l’examen microscopique n’est pas possible.

Biologie moléculaire
Des techniques de biologie moléculaire ont été développées pour le diagnostic du paludisme. Leur sensibilité est excellente et elles permettent un diagnostic d’espèce. Elles peuvent donc constituer une aide au diagnostic dans certains cas difficiles. Mais leur temps de réalisation et leur coût ne sont pas encore compatibles pour une utilisation en routine. De plus, les techniques actuelles, fondées sur la détection d’ADN, ne permettent pas le diagnostic de stade parasitaire, avec un réel risque de traiter un patient porteur de gamétocytes de P. falciparum par exemple (guérison d’un accès récent) et qui consulte en urgence avec une autre cause de fièvre.

2 . 3  -  Diagnostic biologique indirect

La sérologie n’est d’aucun apport pour le diagnostic d’urgence de l’accès palustre ; une sérologie positive signe uniquement un contact préalable avec le parasite.

Les indications de la sérologie sont :

  • le diagnostic rétrospectif d’un accès palustre (par exemple, patient traité en zone d’endémie sans argument biologique de certitude) ;
  • le diagnostic d’un paludisme viscéral évolutif ou d’une splénomégalie palustre hyperréactive ;
  • le contrôle des donneurs de sang ou d’organes à risque ;
  • les enquêtes épidémiologiques.
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