Introduction

La trypanosomose humaine américaine, ou maladie de Chagas, transmise par des punaises, reste un problème de santé publique majeur pour dix-huit pays d'Amérique latine, malgré les importants progrès accomplis ces quinze dernières années en matière de lutte antivectorielle. Il s'agit d'une zoonose, avec un réservoir animal domestique et sauvage important. En 2009, sa prévalence était encore évaluée à 8 à 11 millions de cas (18 millions en 1990) et son incidence annuelle à 150 000 à 200 000 cas (500 000 à 700 000 en 1990). Elle reste prévalente dans le bassin amazonien, en Bolivie, a été retrouvée en Guyane française et est signalée aux États-Unis et en Europe chez des migrants. Elle est encore responsable de 14 000 décès par an.

1  -  Épidémiologie

1 . 1  -  Agent pathogène

Trypanosoma cruzi, protozoaire flagellé, existe sous deux formes :

  • dans le sang : forme extracellulaire, mobile (trypomastigote, 15 μm à 20 μm) ;
  • dans les cellules : forme immobile, sans flagelle (amastigote, 2 μm à 3 μm).

1 . 2  -  Vecteur

Les vecteurs sont des insectes hématophages dans les deux sexes et à tous les stades. Ce sont de grosses punaises qui appartiennent à la famille des Réduvidés et à la sous-famille des Triatominés, dont il existe de nombreuses espèces. Triatoma infestans (figure 9.1) et Rhodnius prolixus jouent un rôle très important dans la transmission du parasite à l'Homme.

Fig. 9.1 « Vinchuca » (Triatoma infestans), punaise hématophage d'Amérique du Sud ; adulte
Fig. 9.1 « Vinchuca » (Triatoma infestans), punaise hématophage d'Amérique du Sud ; adulte.

Les triatomes passent par cinq stades larvaires avant d'atteindre l'âge adulte. Une larve parasitée reste infectante jusqu'à l'âge adulte (transmission trans-stadiale).

1 . 3  -  Cycle

Trypanosoma cruzi est éliminé dans les déjections de son vecteur sous forme trypomastigote. Il pénètre de manière active au travers des muqueuses saines (le plus souvent conjonctivale ou buccale) ou de la peau (lésion de grattage, point de piqûre). Il se multiplie alors in situ dans les monocytes-macrophages sous forme amastigote. Il en ressort sous forme trypomastigote pour gagner, par voie sanguine, la plupart des organes : cœur, système monocytes-macrophages, plexus des systèmes nerveux autonomes, système nerveux central.

Le vecteur s'infecte en absorbant du sang contenant des trypomastigotes, très rares en phase chronique. Celles-ci se multiplient dans l'intestin de l'insecte en 15 jours d'évolution.

Le réservoir animal est immense et compte plus de 180 espèces ou sous-espèces de mammifères sauvages et domestiques :

  • le réservoir domestique est constitué essentiellement par les chiens, les chats, les souris et les rats ;
  • le réservoir sauvage est varié, l'opossum et le tatou jouant un rôle de premier plan.

En milieu rural, T. cruzi se transmet classiquement par les déjections déposées sur l'hôte lors de la piqûre des triatomes.

En milieu urbain, en revanche, c'est la transmission congénitale ou la transfusion sanguine (sang total, culot, plaquettes, plasma fraîchement congelé, cryoprécipités) qui prévaut. Les dons d'organes (surtout de rein, mais aussi de cœur et de cellules souches hématopoïétiques, tant à partir de cadavres que de sujets vivants) ont été à l'origine d'un certain nombre de cas. Les accidents de laboratoire sont fréquents et redoutés. Récemment, des contaminations par l'ingestion de jus de fruit laissés à l'air libre et souillés par les déjections des punaises ont été signalées.

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