3  -  Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge (TVP et EP)

La MTEV est une urgence diagnostique et thérapeutique. Le diagnostic doit être confirmé aussi rapidement que possible par des explorations complémentaires.
L’institution immédiate d’un traitement anticoagulant avant réalisation des explorations est justifiée en présence d’une probabilité clinique élevée de TVP ou d’EP.

Il est néanmoins possible d’identifier des situations particulièrement urgentes nécessitant une prise en charge spécifique :

  • liées à l’affection : thrombose veineuse profonde avec ischémie du membre, embolie pulmonaire avec défaillance hémodynamique, TVP dans le cadre d’une thrombopénie induite par l’héparine,
  • liées au patient : grossesse, contre-indications au traitement anticoagulant.

3 . 1  -  Thrombose veineuse profonde avec ischémie du membre (phlegmatia cerulea)

Il s’agit d’une ischémie aiguë liée à une occlusion complète du confluent veineux fémoral. Le membre inférieur est volumineux, tendu, douloureux et cyanique. Les pouls périphériques ne sont pas perçus. L’évolution vers un tableau de gangrène veineuse est annoncée par l’apparition de pétéchies, de tâches ecchymotiques puis de phlyctènes.
Le diagnostic doit être immédiatement confirmé par l’échographie- doppler afin de ne pas retarder un geste de restauration d’urgence de la perméabilité veineuse. Ce geste
repose sur la thrombectomie en urgence ou sur la thrombolyse.

3 . 2  -  Embolie pulmonaire grave

Une embolie pulmonaire grave est une EP avec défaillance hémodynamique. Les signes cliniques d’EP grave sont une tension artérielle systolique ≤90 mm hg, une oligurie, une confusion mentale et une syncope inaugurale. La constatation de ces signes cliniques doit entraîner une surveillance en unité de soins intensifs et un traitement par thrombolyse. Il n’y a pas de parallélisme strict entre la gravité clinique de l’EP et l’étendue des lésions observées en imagerie.

3 . 3  -  Grossesse

La grossesse pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques :

  • diagnostic : augmentation physiologique des D-dimères, difficulté de visualisation de l’étage ilio-cave en échodoppler au cours du dernier trimestre, caractère irradiant des examens radiologiques (phlébographie, angioscanner) ;
  • thérapeutique : antivitaminiques K autorisés uniquement au cours du 2° trimestre et difficiles à manier, risque hémorragique accru, problème spécifique de l’accouchement (césarienne et interruption cave).

3 . 4  -  Thrombopénie induite par l'héparine

Une TIH doit être évoquée devant une diminution typiquement brutale et importante, mais parfois progressive de la numération plaquettaire, survenant généralement à partir
du 5e jour de traitement. La thrombopénie est souvent franche, inférieure à 100 000/mm3. Plus rarement il s’agit d’une diminution relative de leur nombre d'au moins 50 % par rapport à une valeur préalable au traitement. La thrombopénie peut survenir plus tôt si le malade a précédemment et récemment été exposé à une héparine ou à un
héparinoïde. Le diagnostic de TIH est moins vraisemblable au-delà de trois semaines de traitement.

La TIH est associée à des manifestations thrombotiques. Les thromboses artérielles sont particulièrement graves et parfois léthales ou cause d’amputations., mais aujourd'hui assez rares du fait d’une meilleure utilisation des anticoagulants. Les thromboses veineuses sont plus fréquentes, souvent sévères et compliquées d'embolies
pulmonaires. Elles sont parfois cliniquement latentes, et doivent être recherchées systématiquement en cas de TIH.

Les anticorps anti-héparine ou plus exactement anti-complexe héparine-facteur 4 plaquettaire sont recherchés par la technique ELISA. Les tests fonctionnels sont les tests d’agrégation plaquettaire. Ils sont longs, non standardisés et peu sensibles.
Dès la suspicion clinique du diagnostic de TIH, l'arrêt de l'héparine est impératif sans attendre les résultats des tests biologiques.

Chez les malades ayant une TIH certaine ou probable asymptomatique, il est préférable de prescrire un traitement antithrombotique de substitution car le risque de thrombose ultérieure est très élevé dans cette situation. Les antivitamines K sont à éviter dans l’immédiat devant une TIH car ils majorent initialement le risque thrombotique en diminuant rapidement le taux de protéine C, un inhibiteur physiologique de la coagulation dont la demi-vie est courte (< 6 h). Leur utilisation exclusive peut favoriser la
survenue d'une gangrène veineuse des membres inférieurs. Les antiagrégants plaquettaires conventionnels comme l'aspirine sont inefficaces. Les HBPM sont dans plus de 90 % des cas reconnues par les anticorps associés à la TIH et ne peuvent donc pas être utilisées sans risque. Deux thérapeutiques peuvent être choisies préférentiellement : le danaparoïde sodique (Orgaran®) et la lépirudine (Refludan®).
Leur maniement est réservé à des équipes spécialisées. La TIH n’est pas une indication pour la mise en place d’un filtre cave. La surveillance régulière de la numération plaquettaire deux fois par semaine est nécessaire chez tous les malades traités par une héparine quel qu'en soit le type (HNF ou HBPM) et l'indication (traitements curatifs et préventifs). Le fondaparinux ne semble pas donner de TIH et son utilisation ne nécessite pas de contrôle des plaquettes. Il est préférable lorsque cela est possible de réduire la durée des traitements par les héparines avec un relais précoce de l’héparine par les antivitamines K. Chez un malade ayant un antécédent récent de TIH, la prescription d'héparine est contre-indiquée. Si un traitement anticoagulant est nécessaire, le danaparoïde est un choix possible mais avec une surveillance rigoureuse de la
numération des plaquettes, en raison du risque faible mais réel d’allergie croisée. La lépirudine peut également être utilisée en cas de manifestation thrombotique associée. Il n’y a pas d’allergie croisée entre lépirudine et héparine.

3 . 5  -  Contre-indications au traitement anticoagulant

Syndrome hémorragique grave en évolution (hémorragie cérébro-méningée, digestive, hématurie macroscopique grave), manifestations hémorragiques liées à des troubles
graves de l’hémostase (hémophilie, maladie de Willebrand… ). Une TVP proximale en présence d’une de ces situations fait discuter la mise en place d’un filtre cave.

4/6