2  -  Diagnostiquer une embolie pulmonaire

L'embolie pulmonaire (EP) se définit comme l'oblitération brusque du tronc ou d'une branche de l'artère pulmonaire par un embole provenant le plus souvent d'une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs (TVP).

2 . 1  -  Aspects cliniques

Comme pour la TVP, le diagnostic d’EP repose autant sur la prise en compte du contexte clinique que sur les données de l’examen. La dyspnée avec tachypnée supérieure à 20/min, la douleur thoracique de type pleural, la tachycardie et les crachats hémoptoïques sont les signes les plus fréquents mais non spécifiques. Les manifestations trompeuses de l'embolie pulmonaire sont très nombreuses : arythmie cardiaque, fièvre modérée, confusion mentale, défaillance cardiaque résistante, bronchospasme grave.... Les données conjointes de la clinique (essentiellement la dyspnée quantifiée par la fréquence respiratoire) et des facteurs de risque permettent l'estimation de la probabilité clinique a priori. Celle-ci est indispensable pour définir la stratégie des examens complémentaires (cf tableau 1). Elle est également utile pour décider de la mise en route immédiate d’un traitement anticoagulant lorsque la probabilité clinique est forte. Une embolie pulmonaire peut aussi être parfaitement silencieuse comme l’ont montré les études systématiques réalisées chez les patients porteurs de TVP (40 à 50 % pour les TVP proximales).

Tableau 1 : Conduite pratique du diagnostic d’embolie pulmonaire

2 . 2  -  Examens complémentaires de base

Radiographie pulmonaire
Elle cherche des signes en faveur d’une embolie, tels qu’une atélectasie en bande, un épanchement pleural isolé, une ascension d’une coupole diaphragmatique ou une
image d’infarctus pulmonaire. Elle permet aussi d’évoquer certains diagnostics différentiels. Mais une radiographie pulmonaire normale n’élimine pas le diagnostic (20 % des cas). Au contraire, une dyspnée associée à une radiographie pulmonaire normale est très évocatrice d’EP.

ECG

Il est surtout utile pour le diagnostic différentiel. Les principaux signes ne sont pas spécifiques : tachycardie sinusale, déviation axiale droite (S1Q3), bloc de branche droit, hypertrophie de l’oreillette droite, aspect d’ischémie antéro-septale. Le caractère récent de ces signes est évocateur.

Gaz du sang

Ils permettent de quantifier le déficit de l’hématose. L’association d’une hypocapnie à l’hypoxie est évocatrice, mais non spécifique d’EP.

D-dimères plasmatiques

Cf paragraphe diagnostic de TVP

2 . 3  -  Examens complémentaires décisionnels

La bonne utilisation des explorations complémentaires suppose une bonne évaluation de la probabilité clinique et le respect d’une stratégie pré-définie (cf T1). De plus les
examens complémentaires sont d’autant plus performants qu’ils sont réalisés précocément.

Échodoppler veineux

Il trouve une TVP des membres inférieurs dans 70% des cas d’embolie pulmonaire.
Devant une suspicion clinique d'EP :

  • la découverte d'une TVP proximale (poplitée ou plus haute) rend très probable le diagnostic d'EP en cas de signe thoracique et a déjà en soi les mêmes conséquences thérapeutiques ; elle est donc habituellement suffisante pour conclure la démarche diagnostique ;
  • la découverte d’une TVP surale ne permet pas d’affirmer une EP et justifie la poursuite des explorations ;
  • l’absence de TVP en échodoppler n’élimine en aucun cas le diagnostic d’EP.
    Par ailleurs, en cas d’embolie pulmonaire affirmée par des examens pulmonaires, la recherche exhaustive du foyer emboligène est indispensable pour une prise en charge spécifique de la TVP.


Scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion

Examen sensible, elle délivre une faible irradiation (une scintigraphie de perfusion est possible en fin de grossesse) sans risque d'allergie. Elle n’est spécifique que dans certains cas. Elle demande la coopération du patient.

  • Une scintigraphie avec une perfusion normale élimine une embolie pulmonaire récente.
  • L’existence de plusieurs zones segmentaires ventilées non perfusées permet au contraire d’affirmer le diagnostic.
  • Les tableaux intermédiaires ne sont pas décisifs et nécessitent la poursuite de la démarche diagnostique. Ces résultats intermédiaires sont malheureusement nombreux (près de deux tiers des cas), d’autant plus qu’il existe des antécédents pulmonaires ou cardiaques, éventualité qui incite à choisir d’emblée d’autres examens.
  • Le résultat de la scintigraphie doit être exprimé en 3 classes: probabilité élevée, probabilité intermédiaire ou faible, scintigraphie normale


Échographie cardiaque

Elle est indiquée en cas de suspicion d’EP grave (avec choc) où elle permet de quantifier l’hypertension artérielle pulmonaire et d’éliminer les principaux diagnostics différentiels (choc cardiogénique d’autre origine, dissection aortique, choc septique...). Elle apporte de précieux renseignements pronostiques dans l’hypertension artérielle pulmonaire d’origine embolique.

Tomodensitométrie hélicoïdale avec injection

L’angioscanner est actuellement l’examen de référence en l’absence de contreindication. C’est un examen spécifique. Il entraîne une irradiation non négligeable et une injection iodée. Il est dépendant de l’opérateur et du matériel.

Angiographie pulmonaire

Artériographie pulmonaire numérisée, elle était la méthode diagnostique de référence. Elle pose des problèmes d'accessibilité, de faisabilité et de coût. C’est un examen invasif dont la mortalité est inférieure à 1%. C'est actuellement un examen de deuxième intention.

2 . 4  -  Diagnostic différentiel

Les pathologies pouvant simuler une embolie pulmonaire sont très nombreuses : bronchite aiguë, crise d'asthme, pneumonie, cancer bronchopulmonaire, douleur pariétale, péricardite, spasme oesophagien, crise d’angoisse. Dans les cas plus sévères, on évoque l’infarctus du myocarde, une infection aiguë chez un BPCO, un choc septique ou une hémorragie sévère occulte, une dissection de l'aorte….

2 . 5  -  Stratégie diagnostique

La multiplicité des examens complémentaires proposés montre bien qu'aucun d'entre eux n’est parfait. La stratégie de référence actuelle comprend l’écho-doppler veineux et
l’angio-TDM. D'autres stratégies sont possibles. Dans tous les cas, il faut connaître les limites de chacun des examens et savoir les intégrer dans une démarche clinique et adaptée aux possibilités locales.

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