2 . 3  -  La fonction immunologique

L'absence de rejet du fœtus, qui constitue une greffe semi-allogéniqueDéfinitionDeux individus de la même espèce à moitié différents génétiquement., par la mère, reste un sujet controversé de la grossesse. En effet, dès la naissance, la mère rejette toute greffe tissulaire provenant de son enfant, alors qu'elle a accepté cette « allogreffe » naturelle pendant plusieurs mois.

Pour que la « greffe fœtale » prenne, la mère doit développer une « tolérance » à l'égard de son enfant. Cette réaction repose sur l'antigénicité spécifique de l'embryon et du placenta et sur les modifications transitoires du système immunitaire maternel. Le placenta se situe donc à l'interface des deux systèmes immunitaires.

2 . 3 . 1  -  Le statut immunitaire de la femme enceinte

L'immunité cellulaire de la femme enceinte est légèrement diminuée avec entre autre une baisse de l'activité des cellules NK (Natural Killer, non-B-non-T-lymphocyte) et une diminution des possibilités chimiotactiques des cellules phagocytaires. La réponse lymphocytaire T est plutôt orientée vers le versant immunosuppresseur. Cette diminution de l'immunité cellulaire explique le retard au rejet de l'allogreffe de peau par exemple et l'augmentation des infections virales pendant la grossesse.

L'immunité humorale est normale pendant la grossesse. Les lymphocytes B ne sont pas modifiés, les immunoglobulines sont en quantité normale sauf pour les IgG, au 3ème trimestre qui sont diminués à cause d'un passage de plus en plus important dans la circulation fœtale.

Ces modifications de l'immunité maternelle pendant la grossesse paraissent dues aux protéines de la grossesse et aux hormones stéroïdes dont la progestérone. Cette dernière dont les valeurs sont particulièrement élevées au cours de la grossesse, semble jouer un rôle immunodépressif important qui serait pondéré par la protéine PIBF (Progesterone Induced Blocking Factor).

2 . 3 . 2  -  L'antigénicité du fœtus et du placenta

L'embryon présente à la surface de ses cellules des protéines HLA différents de celles de sa mère, puisque la moitié de ses gènes lui sont apportées par le pronucléus paternel.

Les tissus fœtaux et plus particulièrement ceux du placenta qui constituent l'interface directe entre la mère et son fœtus, à savoir le syncytiotrophoblaste et le cytotrophoblaste des villosités n'expriment pas d'antigènes d'histocompatibilité (complexe HLA-A-B-C complexe majeur d'histocompatibilité). Ceci le rend inapte à fournir le signal nécessaire à l'induction d'une réaction immunitaire.

En revanche, après l'implantation, le cytotrophoblaste présente des antigènes d'histocompatibilité monomorphes de type HLA G qui sont invariables entre individus de la même espèce. Cet antigène exercerait à la fois une fonction antivirale, une fonction immunosuppressive et des fonctions de type non immunologique.

De plus, le placenta bloque l'apparition et les effets des cellules cytotoxiques maternelles. Le trophoblaste n'exprimant pas de HLA, les cellules trophoblastiques ne peuvent être identifiées comme étrangères par les lymphocytes T cytotoxiques et elles échappent à leur action.

Les cellules NK, macrophages tueurs, ont une action sur les cellules dépourvues de marqueurs HLA classiques, ce qui est le cas des cellules du trophoblaste qui devraient donc être détruites par les NK. Toutefois, les NK sont dotées d'un système de reconnaissance du marqueur HLA-G qui inhibe leur action cytolytique. Comme les cellules du trophoblaste possèdent le marqueur HLA-G, elles inhibent l'action cytolytique des NK. Ainsi quel que soit le groupe HLA du père, le fœtus semble être à l'abri du système de défense immunitaire maternel.

Au total, la réaction immunitaire maternelle est non seulement présente pendant la grossesse, mais elle est nécessaire à son bon déroulement. Les couples présentant des fausses couches à répétition ont en général une insuffisance de cette réponse. Cette constatation est à la base du traitement préventif de ce type de fausses couches par injection à la mère de leucocytes du père, ceci afin de créer artificiellement l'immunisation nécessaire à la grossesse.

À l'inverse, certaines fausses couches survenant après des grossesses normales peuvent être attribuées à une exagération de cette réponse immunitaire.

Le bon déroulement de la grossesse sous-entend donc un équilibre entre les mécanismes effecteurs de la réponse immunitaire et les mécanismes régulateurs qui la contrôlent.

2 . 4  -  La fonction protectrice

Le placenta est une de protection, imparfaite pour certains éléments. Ces « imperfections » peuvent être favorables ou non au fœtus. Il est donc important de les connaître afin de les utiliser ou de les combattre au mieux en pratique obstétricale.

2 . 4 . 1  -  Les immunoglobulines

Le fœtus humain et le nouveau-né ont un système immunitaire immature et l’acquisition des immunoglobulines G (IgG) s’effectue exclusivement en période prénatale via le placenta.

2 . 4 . 2  -  Les médicaments et toxiques

Le passage transplacentaire des médicaments de la mère au fœtus est tributaire de leurs propriétés physicochimiques, des facteurs maternels et fœtaux et placentaires (flux sanguin, métabolisme, terme de la grossesse, expression de transporteur). Le passage transplacentaire des médicaments utilise les mécanismes classiques des échanges fœto-placentaires : phagocytose, pinocytose, diffusion active, facilitée, transport actif. Si historiquement le placenta était considéré comme une barrière protectrice, les données actuelles nous démontrent qu’il ne peut assurer qu’une protection sélective du fœtus.

2 . 4 . 3  -  Les agents infectieux

Les virus passent aisément le placenta et peuvent entraîner soit des avortements spontanés en tout début de grossesse ou des embryopathies si le virus est contracté entre le 1er et le 3ème mois ou des fœtopathies et des infections après le 3ème mois ou lors de l'accouchement par voie vaginale. C'est le cas de la rubéole, du cytomégalovirus, du parvovirus B19, de l'herpès simplex, du VIH…

Les parasites et les bactéries peuvent passer pour certains lors d’épisodes septicémiques, c’est le cas du tréponème pâle (agent de la syphilis), du toxoplasme, du pneumocoque, du streptocoque, de l’Escherichia coli… Le bacille de Koch, agent de la tuberculose ne passe pratiquement pas la barrière placentaire.

Enfin, le passage peut être différent en fonction du moment de la grossesse, le tréponème et le toxoplasme passent beaucoup plus facilement en fin de grossesse.

2 . 4 . 4  -  Les cellules sanguines

Elles ne peuvent passer que par effraction membranaire au cours de l’accouchement ou lors d’un traumatisme.

Le passage de lymphocytes est certain dans le sens enfant-mère et incertain dans l’autre sens.

Un passage d’hématies se fait le plus souvent dans le sens enfant-mère, à cause du gradient de pression entre les deux circulations. Ceci explique les anémies néonatales et les allo-immunisations anti-Rhésus. Le passage inverse est rare mais il existe néanmoins.

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