AVERTISSEMENT : dans ce chapitre, seule l’anémie par carence martiale est traitée. Pour les autres causes d’anémie, se référer à un ouvrage d’hématologie.
Le déficit en fer affecte près de 10 % des individus dans les pays industrialisés.
La carence martiale (ou sidéropénie) est marquée par plusieurs étapes successives :
– déplétion du stock de fer ;
– altération de l’érythropoïèse due à une diminution de l’utilisation du fer, se traduisant par une microcytose sans anémie ;
– anémie sidéropénique.
Cette anémie se caractérise par une nette chute du taux d’hémoglobine alors que la déglobulisation reste modérée. Elle est hypochrome (diminution de la concentration globulaire moyenne en hémoglobine (CCHM)) et microcytaire (volume globulaire moyen (VGM) < à 80 μ3).
La capacité totale de fixation de la sidérophiline est augmentée et le coefficient de saturation diminué. La ferritinémie est basse. L’anémie par carence martiale est arégénérative ou peu régénérative (taux de réticulocytes bas).
Le déficit en fer peut résulter de 3 mécanismes possibles, éventuellement associés :
– une perte par saignement (essentiellement digestif ou gynécologique) ;
– une carence par malabsorption ;
– une carence d’apport.
La carence martiale par saignement occulte est la plus fréquente. Chez l’homme et la femme ménopausée, le saignement est essentiellement digestif. Chez la femme non ménopausée, les ménorragies constituent la première cause de carence martiale.
Les principales causes de saignement digestif sont détaillées dans le tableau 31.I.
Les pertes de sang provenant d’autres sources sont rarement à l’origine d’une carence martiale. Les saignements urinaires sont suffisamment inquiétants pour amener le malade à une consultation précoce qui évite la carence martiale.
L’hémosidérose pulmonaire idiopathique ou syndrome de Goodpasture de l’adulte et l’hémolyse intravasculaire chronique avec hémosidérurie chronique (valve mécanique) sont des causes exceptionnelles.
La carence résulte parfois d’une pathomimie (syndrome de Lasthénie de Ferjol) où le malade (le plus souvent une femme de profession médicale ou paramédicale) provoque en cachette le saignement.
L’absorption du fer a lieu principalement dans le duodénum et la partie proximale du jéjunum. Cette absorption dépend de la forme physico-chimique du fer : fer inorganique ou fer héminique. Pour être absorbé, le fer inorganique qui existe sous 2 formes (Fe ++ (ferreux) ou Fe +++ (ferrique)) doit être maintenu en solution par combinaison à des agents chélateurs. L’acide chlorhydrique gastrique est le facteur qui permet au fer inorganique de rester sous forme soluble.
Une malabsorption du fer peut donc s’observer :
– en cas d’achlorhydrie ou d’hypochlorhydrie franche puisque l’absence d’acide chlorhydrique conduit à la précipitation des sels inorganiques de fer sous forme d’hydroxyde de fer aux pH légèrement alcalins de l’intestin ;
– dans toutes les situations qui provoquent une altération de la muqueuse intestinale duodéno-jéjunale ou qui court-circuitent cette zone altèrent l’absorption du fer.
L’absorption du fer inorganique est également très influencée par certains composés de l’alimentation : l’acide ascorbique ou le fructose augmentent l’absorption alors que le thé, les phytates, les végétaux, les phosphates la diminuent.
Le pica est une situation extrême : il s’agit d’un trouble du comportement alimentaire au cours duquel les sujets consomment de grandes quantités d’argile (géophagie) ou d’amidon (amylophagie) qui se lient au fer intra-luminal et limitent son absorption.
Le fer héminique est absorbé beaucoup plus facilement que le fer minéral. L’absorption de cette forme de fer n’est pas influencée par l’acide chlorhydrique. Les principales situations conduisant à une malabsorption du fer sont détaillées dans le tableau 31.II. La cause la plus fréquente de malabsorption est la maladie coeliaque.
Les besoins quotidiens en fer de l’adulte sont d’environ1 mg chez l’homme et 2 mg pour la femme en période d’activité génitale. Une alimentation normale apporte environ 10 à 15 mg de fer dont seulement 5 à 10 % sont absorbés. Une carence en fer peut apparaître soit lorsque l’alimentation est pauvre en fer, notamment héminique ce qui est le cas lors d’un régime végétarien très strict, soit lors d’une augmentation des besoins physiologiques (grossesse surtout en cas de grossesses gémellaires, menstruations abondantes, croissance).
L’origine purement carentielle d’une anémie ferriprive demeure cependant rare et ne peut être retenue que lorsqu’un bilan a éliminé une autre cause, notamment un saignement digestif occulte.