3  -  Dénutrition

La dénutrition peut compliquer l’évolution de nombreuses affections du sujet adulte. Elle peut menacer par elle-même le pronostic vital ; elle peut aussi influencer négativement le déroulement de l’affection causale ou de ses conséquences, par le biais d’un retard de cicatrisation, d’une moindre fiabilité des mécanismes de défense contre l’infection, d’une prolongation de la phase de convalescence. Un état de dénutrition augmente très sensiblement la morbimortalité après un geste chirurgical et la toxicité de la plupart des chimiothérapies.

La dénutrition est le plus souvent chronique mais elle peut aussi se constituer très rapidement, en quelques jours, dans certaines situations caricaturales telles que les comas des traumatisés crâniens ou chez les grands brûlés. Il faut en tout cas toujours la traiter vite, et lorsque c’est possible, tâcher de la prévenir. Son traitement repose sur les techniques d’assistance nutritionnelle, nutrition entérale et nutrition parentérale.

3 . 1  -  Causes

1. Mécanismes

Un sujet adulte en bonne santé conserve un poids normal car ses apports alimentaires en énergie et en protéines sont identiques aux dépenses correspondantes. Pour maintenir son équilibre, le sujet a besoin d’un apport énergétique au moins supérieur à sa dépense énergétique de repos et un apport minimum de 50-60 g de protéines par jour. Ces besoins peuvent être accrus soit du fait de circonstances particulières (effort physique soutenu, exposition prolongée au froid, etc.), soit du fait de conditions pathologiques (fièvre, infection, traumatisme, cancer, pertes protéiques anormales par le tube digestif ou les urines, etc.). Si, à ce moment, il ne se produit pas en réaction une augmentation franche des apports, la balance énergétique et le bilan azoté se négativent entraînant la dénutrition, d’autant plus rapidement que les apports seront plus faibles et le besoin plus élevé.

La dénutrition sera de type énergétique (ex : marasme) si la balance énergétique est négative, de type protéique (ex : kwashiorkor) si c’est le bilan azoté, de type mixte quand les deux sont négatifs. La dénutrition énergétique met un certain temps à se constituer car l’organisme en bilan négatif puise dans ses réserves (le tissu adipeux). La dénutrition protéique est plus rapide car les réserves musculaires et viscérales sont limitées et peu mobilisables ; les synthèses protéiques sont très vite affectées.

2. Principales causes de dénutrition

a. Réduction des apports alimentaires

La dénutrition est essentiellement énergétique, réalisant l’état de marasme. Une dénutrition protéique prédominante type kwashiorkor est observée dans le cas où la réduction alimentaire touche préférentiellement les protéines, ce qui peut être la conséquence d’une alimentation à base de céréales carencées en certains acides aminés essentiels.

La diminution des apports est parfois volontaire (anorexie psychogène) ou secondaire à une baisse de l’appétit, observée dans toute maladie évolutive sévère, à une dysphagie ou des troubles de la déglutition, à des troubles digestifs post-prandiaux.

La maldigestion (par exemple d’origine pancréatique) et la malabsorption intestinale conduisent aussi à une réduction nette des apports alimentaires. Chaque fois qu’elle est pure et ne s’accompagne pas d’un hypercatabolisme ou d’une exsudation, la malabsorption donne un tableau de dénutrition énergétique prédominante (marasme), similaire à l’anorexie. C’est donc d’abord la masse grasse et le poids qui sont diminués, puis secondairement la masse musculaire (créatininurie et périmètre musculaire), tandis que les protéines viscérales sont longtemps préservées.

b. Hypercatabolisme

Cette situation s’observe dans toutes les formes graves et/ou étendues de diverses affections septiques (septicémies, tuberculose évoluée, abcès profond…), néoplasiques (cancer du poumon, du pancréas, leucémie aiguë…), ou inflammatoires (pancréatite aiguë sévère, maladies inflammatoires systémiques). Les protéines sont rapidement touchées et ce type de dénutrition s’accompagne précocement d’une diminution des taux d’albumine et des protéines à demi-vie courte (kwashiorkor) et retentit plus tardivement sur la courbe pondérale.

c. Pertes protéiques anormales

Elles peuvent être cutanées (brûlures, dermatoses aiguës type syndrome de Lyell, escarres étendues), urinaires (syndrome néphrotique) ou digestives (entéropathie exsudative, colites ulcérées). La perte de plasma et de protéines entières telles que l’albumine a des conséquences plus graves pour l’organisme qu’une réduction équivalente des apports alimentaires en protéines car les capacités de synthèse de l’organisme sont assez rapidement dépassées. Il en résulte une hypoalbuminémie et l’apparition rapide d’oedèmes.

Ces différents mécanismes de la dénutrition peuvent s’associer de façon diverse. Par exemple, dans une entérocolite aiguë grave, l’anorexie, la malabsorption, l’hypercatabolisme et l’exsudation protéique additionnent leurs effets pour entraîner une dénutrition rapide.

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