2  -  Evaluation de l'état nutritionnel chez l'adulte

2 . 1  -  Données cliniques

1. Interrogatoire

Il recherche :

– contexte pathologique : existence de troubles digestifs, d’une maladie chronique évolutive, traitements en cours ;
– activité quotidienne : sujet confiné au lit, dans son appartement, ou au contraire maintenant une activité sportive ;
– fatigabilité pour un effort modeste (le simple lever), ou plus important (marche prolongée, montée des escaliers) ;
– poids antérieur du sujet (à telle date).

L’interrogatoire alimentaire cherche une anorexie et/ou une modification des apports alimentaires apparue de façon récente. Il précise d’autre part le niveau des apports énergétiques et azotés, d’après la reprise rétrospective des apports sur les jours précédents.

2. Examen clinique

a. Signes physiques

Les signes physiques à rechercher sont les suivants :

– degré d’activité physique et intellectuelle : fatigabilité lors de l’épreuve du tabouret (possibilité de se relever étant accroupi), état psychique ;
– présence d’oedèmes déclives (en faveur d’une hypoalbuminémie) ;
– modifications de la peau (sèche, écailleuse), des ongles, des cheveux (secs, cassants), des lèvres (chéilose, perlèches), de la langue (glossite) ;
– aspect du faciès et palpation des masses musculaires.

Ce type d’examen, s’il est fait par un médecin expérimenté (ayant déjà vu des malades dénutris, et surtout l’effet d’une renutrition efficace), est remarquablement performant pour apprécier la gravité relative de la dénutrition.

b. Poids corporel

Le poids corporel est mesuré chez un patient déshabillé, vessie vide, à jeun, sur une balance fiable. Sa valeur est rapportée au poids antérieur habituel du sujet (il est important de connaître la vitesse de la perte de poids) et au poids idéal (il existe des tables en fonction de la taille et du sexe). L’indice de masse corporelle (IMC, ou BMI, ) exprime le poids en fonction du carré de la taille (p/t2 en kg/m2). Les normes du BMI sont comprises entre 20 et 25.
En pratique, une valeur de BMI < 17 est toujours la marque d’une dénutrition avérée. Inversement, une surcharge adipeuse mais avec fonte musculaire, comme au cours d’une corticothérapie prolongée, peut donner une valeur normale. Il faut enfin tenir compte de l’existence éventuelle d’oedèmes (la présence d’oedèmes signe l’existence d’une rétention d’eau déjà de 4-5 litres), d’une ascite, ou d’une inflation hydrosodée notamment chez le malade de réanimation, et connaître les difficultés de la pesée du sujet grabataire.

c. Mesures anthropométriques

Les mesures anthropométriques le plus souvent utilisées comprennent l’épaisseur cutanée tricipitale (ECT) mesurée à l’aide d’un compas spécial, le périmètre du bras mesuré au milieu du bras, et le périmètre musculaire brachial tiré des deux mesures précédentes. Le périmètre musculaire brachial est un bon reflet de la masse musculaire de l’organisme.

2 . 2  -  Mesures biologiques

1. Créatinine urinaire

L’élimination sur 24 h de créatinine est le reflet de la masse musculaire de l’organisme. L’excrétion d’1 g/24 h correspond à une masse musculaire de 17 à 20 kg. Le résultat peut être faussé par un recueil incomplet des urines, une insuffisance rénale, ou inversement par un apport alimentaire important de viande. De plus, la créatininurie devient difficile à interpréter dans les situations d’hypercatabolisme musculaire comme par exemple après un traumatisme ou dans les suites immédiates d’une intervention chirurgicale.

2. Albuminémie


Le dosage de l’albumine sérique n’a qu’une faible sensibilité comme marqueur
d’une dénutrition récente ou modérée. En effet, son volume de distribution est large avec des possibilités de redistribution du secteur extravasculaire vers le plasma. Sa demi-vie est longue (20 jours). Elle baisse en cas de malnutrition sévère et ancienne, ou de fuite importante d’origine rénale ou digestive. Mais aussi, sa baisse peut être le témoin d’une hémodilution, d’une insuffisance hépatocellulaire ou d’un syndrome infectieux ou inflammatoire. En pratique, pour interpréter valablement l’hypoalbuminémie, il faut disposer de l’hématocrite, du taux de prothrombine et de la C-réactive protéine (CRP) : indicateurs respectifs des causes d’erreur précédentes. Inversement l’albuminémie peut être faussement corrigée par une hémoconcentration (fréquente chez les malades digestifs).
Sa valeur normale diminue avec l’âge. Elle est comprise entre 38 et 45 g/L.

3. Autres protéines circulantes


a. Transferrine
La demi-vie courte (8 jours) de la transferrine lui permet d’être un marqueur sensible de dénutrition. Mais, ses valeurs normales sont très dispersées variant avec l’âge et le sexe (de 2 à 3,50 g/L). Elle peut être artificiellement augmentée par un état de carence martiale, et abaissée par un syndrome inflammatoire.

b. Rétinol binding protein et préalbumine
Ces 2 protéines circulent liées entre elles dans un complexe macromoléculaire dont les variations sériques sont très sensibles aux carences protéiques. L’intérêt de leur dosage tient à leur demi-vie brève (2 jours pour la préalbumine ou thyroxin binding prealbumin ; 12 heures pour la rétinol binding protein).

2 . 3  -  Evaluation nutritionnelle

Tous ces résultats doivent être interprétés en fonction du contexte pathologique et des autres anomalies biologiques éventuelles (par exemple : insuffisance hépatique ou anémie). Leur réunion permet :

– de classer la dénutrition en :
• énergétique (anomalies du poids et de l’anthropométrie, quasinormalité des protéines circulantes),
• ou protéique (diminution du taux des protéines plasmatiques et parfois des lymphocytes, alors que le poids et l’anthropométrie sont préservés), ou mixte (tous les compartiments sont touchés) ;

– de distinguer dénutrition aiguë rapide et dénutrition chronique progressive en fonction des anomalies protéiques et de la vitesse d’amaigrissement ;

– d’apprécier la gravité de la dénutrition, surtout grâce à l’examen clinique et aux taux sériques d’albumine et de transferrine (rapportés à la valeur de la CRP).

(2)Nutrition humaine. Connaissances et pratiques

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