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Causes du maintien des maladies génétiques malgré la sélection dans les grandes populations
Dans les maladies génétiques soumises à la sélection, un nombre significatif d’allèles ne sont pas transmis à la génération suivante et disparaissent donc du « pool » d’allèles. Malgré ceci, les maladies génétiques se maintiennent à une fréquence stable dans la population. Deux phénomènes peuvent expliquer ceci :
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L’équilibre mutation-sélection
A chaque génération, les mutations survenues « de novo» vont compenser la perte des allèles liés à la sélection.
a) Dans une maladie dominante génétiquement létale (dans laquelle les individus ont une fertilité nulle quelle que soit la durée de leur vie, tous les cas sont liés à des mutations de novo (par exemple les chondrodysplasies létales comme le nanisme tanathophore, les encéphalopathies liées à des mutations de gènes comme MEF2C, EHMT1….)
b) Dans certaines maladies dominantes , la fertilité est diminuée soit parce que les individus ont une durée de vie moyenne réduite (neurofibromatose), soit parce qu’en dépit d’une fécondité normale, ils ont moins d’enfants que la population générale (achondroplasie). Le pourcentage de cas lié à des mutations de novo est donc d’autant plus élevé que la fertilité des individus atteints est faible. On estime 80% des enfants achondroplases naissent de parents normaux.
c) Dans une maladie récessive liée au chromosome X
Dans une maladie génétiquement létale, s=1 pour les individus atteints.
Comme nous avons vus que H (fréquence des femmes hétérozygotes) = 2 I (incidence des individus malades), à chaque génération un tiers du « pool » d’allèles mutés est éliminé. Comme la plupart de ces maladies se maintiennent à une fréquence constante dans la population, ceci veut dire qu’à chaque génération, 1/3 des cas sont liés à des mutations de novo. C’est le cas de la dystrophie musculaire de Duchenne.
Démonstration : (H : fréquence des femmes hétérozygotes ; I = incidence des homes malades ; μ = taux de mutations)
H = 2μ + H/2 + I (1-s) ou H =2μ+ H/2+ If
I = μ + H/2
Dans une maladie génétiquement létale : s = 1 et f = 0
H= 2μ+ H/2
I = μ + H/2
D’où : H = 4μ et I = μ + 2μ -> μ = I/3
Dans certaines maladies liées au chromosome X (hémophilie, dystrophie musculaire de Becker) les hommes atteints ont une fertilité réduite mais peuvent avoir des enfants et transmettront donc la mutation à toutes leurs filles. La proportion de mutation de novo est donc inférieure et la mère d’un cas sporadique a plus de risque d’être hétérozygote.
Dans une maladie non létale, par exemple la dystrophie musculaire de Becker dans laquelle f = 0,7
H =2μ+ H/2+1(0.7)
I =μ + H/2
H =2μ + H/2 + (μ+ H/2) (0.7)
H/2 – 0,7 H/2 = 2,7μ donc 0,3 H/2 = 2,7μ donc H = 18μ
Comme I =μ+H/2 I = 10μ μ = I/10
d) Dans les maladies récessives très rares , la sélection s’exerce à l’encontre des homozygote alors que l’immense majorité des allèles mutés sont portés par des individus hétérozygotes, ce qui permet le maintien des fréquences géniques. Dans une maladie de fréquence q2, le nombre d’allèles éliminés à chaque génération est 2q2 (chaque individu atteint ayant deux allèles) alors que 2pq (c'est-à-dire à peu près 2q) sont transmis par les hétérozygotes à la génération suivantes. Si q2= 1/90 000, la proportion d’allèles éliminés est de 1/300. On estime que le taux de mutation de novo est très faible (mais non nul)
Age paternel et mutations
L’influence de l’âge paternel sur la survenue de mutations dominantes de novo est démontrée. Certaines mutations de novo ont une origine paternelle exclusive. Pour beaucoup d’entre elles, notamment celles conduisant à la neurofibromatose de type I, le syndromes d’Apert, l’achondroplasie, le nanisme tanathophore, le syndrome de Marfan, l’âge moyen des pères à la naissance est significativement plus élevé que l’âge paternel moyen dans la population générale. L’âge paternel avancé favorise aussi la survenue de certaines mutations sur des gènes liés au chromosome X. Dans certaines maladies (maladie de Lesch-Nyhan, hémophilie) l’origine des mutations est exclusivement paternelle (donc grand-paternelle) et l’âge des grands-pères maternels à la naissance de leur fille hétérozygote était significativement plus élevé.
Cette influence a longtemps été attribuée au fait que, contrairement à la méiose féminine où le stock d’ovocytes est fixé à la naissance, les cellules souches donnant naissance aux spermatozoïdes continuent à se diviser toute la vie, favorisant ainsi l’accumulation progressive d’erreurs de réplication dans les gonades masculines.
Des travaux récents ont montré que ceci était lié au fait que certaines mutations conféraient aux spermatogonies un avantage sélectif, favorisant la sélection clonale (Goriely). Ceci a notamment été démontré pour les mutations des gènes FGFR (responsables de pathologies telles que les syndromes d’Apert et de Crouzon, l’achondroplasie…), mutations retrouvées dans certains cancers.
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L’avantage sélectif des hétérozygotes
Dans les maladies récessives fréquentes, intervient un autre phénomène, l’avantage sélectif des hétérozygotes : les hétérozygotes ont une fertilité supérieure celle des homozygotes normaux et transmettent donc à la génération suivante un excès d’allèles mutés, ce qui permet le maintien de la fréquence de la maladie malgré une sélection totale contre les homozygotes. C’est le cas de la drépanocytose et du déficit en G6PD deux maladies du globule rouge particulièrement répandues en Afrique car les hétérozygotes sont résistants au paludisme, facteur de mortalité majeur dans ces régions. La même théorie a été avancée pour la mucoviscidose ; les porteurs hétérozygotes de la mutation ΔF508 auraient une résistance accrue au cholera et autres maladies infectieuses intestinales dont les épidémies ont décimé les populations jusqu’au moyen-âge. Ceci est souvent appelé “overdominance”. (Permet de compenser la perte des gènes liée à l’infertilité des homozygotes)
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