4  -  Pathologie tumorale

Les tumeurs des glandes salivaires représentent un chapitre important de la pathologie cervico-maxillo-faciale. Leur traduction clinique relativement univoque (nodule isolé) fait qu’en l’absence de données fournies par les examens complémentaires, l’exploration chirurgicale constitue le temps essentiel par l’examen anatomopathologique qu’elle autorise.

Sont présentées ci-après essentiellement les tumeurs de la glande parotide, les plus fréquentes, et dont la chirurgie d’exérèse est rendue délicate par la présence au sein de la glande du nerf facial et de l’artère carotide externe.

4 . 1  -  Épidémiologie

Les tumeurs des glandes salivaires constituent 3 % des tumeurs de la face et du cou. Toutes les glandes salivaires peuvent être intéressées par des tumeurs bénignes ou malignes. La glande le plus souvent touchée est la glande parotide (85 % des tumeurs salivaires, +++). Les autres glandes le sont plus rarement : 5 % à 10 % pour la glande submandibulaire et 10 % à 15 % pour les glandes salivaires accessoires.

Dans plus de 95 % des cas, ces tumeurs sont épithéliales :

  • 66 % sont des tumeurs épithéliales bénignes, dont 50 % sont des adénomes pléomorphes ;
  • 14 % sont des tumeurs à malignité intermédiaire : tumeurs mucoépidermoïdes et tumeurs à cellules acineuses ;
  • 20 % sont des tumeurs malignes (carcinomes adénates kystiques).


Mais la distribution est différente dans les deux groupes de glandes : les tumeurs des glandes salivaires principales sont trois fois sur quatre bénignes, alors que 60 % des tumeurs des glandes salivaires accessoires sont malignes.

Chez l’enfant, les deux tumeurs les plus fréquentes sont l’hémangiome pour les tumeurs bénignes et le rhabdomyosarcome embryonnaire pour les cancers.

4 . 2  -  Anatomopathologie

Les tumeurs des glandes salivaires sont classées en tumeurs épithéliales et en tumeurs conjonctives (tableau 8.I).

Tableau 8.I Classification OMS des tumeurs des glandes salivaires (version simplifiée)

4 . 3  -  Tumeurs de la glande parotide

Les tumeurs de la glande parotide sont dominées par l’adénome pléomorphe.

Clinique

Signes d’appel

Tuméfaction isolée de la région parotidienne apparue depuis plusieurs mois ou plusieurs années. Cette tumeur est située dans la loge parotidienne, c’est-à-dire en arrière du bord postérieur du ramus mandibulaire, en avant du bord antérieur du muscle sternocléidomastoïdien, au-dessous du méat auditif externe et au-dessus d’une ligne horizontale qui prolonge le bord basilaire du corpus mandibulaire. Dans les cas typiques, la tuméfaction parotidienne est pré- ou infra-auriculaire et peut soulever le lobule de l’oreille. Dans d’autres cas, plus rares, il peut s’agir d’une tumeur située dans le prolongement antérieur jugal ou encore d’une tumeur à expression pharyngée.

Signes d’examen

L’examen physique a deux objectifs principaux : affirmer la nature parotidienne de la masse et rechercher des signes de malignité.

  • Examen exobuccal

-- Analyse de la tuméfaction parotidienne : l’examen précise son siège, sa forme, sa taille, sa consistance, sa mobilité par rapport aux plans profonds ostéomusculaires et superficiels cutanés. Le plus souvent, il s’agit d’une tumeur du lobe superficiel de la parotide, de forme arrondie ou bosselée, de taille modérée (1 à 3 cm), de consistance ferme ou élastique, non douloureuse, mobile par rapport aux plans superficiels et profonds. La fixité et l’extériorisation à la peau témoignent d’une tumeur maligne évoluée et non d’une tumeur mixte ; ce sont des facteurs de très mauvais pronostic.
-- Analyse des autres glandes homo- ou controlatérales du collier salivaire.
-- Analyse des adénopathies satellites prétragiennes ou jugulocarotidiennes (ganglion de Kuttner), d’une paralysie faciale, d’un trismus, autant de symptômes évocateurs d’une affection maligne extériorisée.

Ces données sont consignées sur un schéma daté.

  • Examen endobuccal

-- Analyse du conduit parotidien (ou canal de Sténon) et de son ostium (en regard du collet de la deuxième molaire supérieure), de la salive qui s’en écoule ; celle-ci doit être claire et de débit normal (par comparaison avec le côté opposé).
-- Analyse du prolongement pharyngien de la glande parotide, qui refoule la loge amygdalienne lorsqu’il est hypertrophié.


Signes d’évolution

-- En cas de tumeur bénigne, l’évolution est progressive sur plusieurs années, la tuméfaction atteignant parfois un volume considérable, sans perte des caractères de bénignité.
-- En cas de tumeur maligne, l’évolution peut dans 50 % des cas être d’allure bénigne (stade de bénignité apparente ou de malignité” enclose “). L’évolution peut également être d’allure rapide (stade de malignité” extériorisée “), accompagnée des signes de gravité : douleurs, paralysie faciale (fig. 8.5), trismus, adénopathie satellite.

Principales caractéristiques cliniques des tumeurs de la glande parotide

  • Adénome pléomorphe
    • Adulte de 40–50 ans
    • Tuméfaction parotidienne unilatérale, connue, d’évolution lente, dure, indolore
    • Peau mobilisable en regard
    • Pas de paralysie faciale ni adénopathie
  • Cystadénolymphome
    • Sujet âgé ou atteint par le VIH
    • Tuméfaction ferme, multifocale voire bilatérale
    • Pas de paralysie faciale ni adénopathie
  • Carcinome adénoïde kystique
    • Adulte de 40–50 ans
    • Tuméfaction douloureuse, dure
    • Associée à une paralysie faciale et à des adénopathies cervicales
Figure 8.5. Tumeur maligne de la glande parotide : paralysie faciale périphérique droite
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