Cours
1.2.3. Interactions bactériennes
La coexistence au sein d'une même communauté – le biofilm dentaire – d'un si grand nombre de populations bactériennes (quelques 800 espèces recensées dans la cavité buccale) implique et explique que chaque cellule bactérienne entretient un réseau de relations avec ses voisines.
Deux types de relations interbactériennes caractérisent la plaque dentaire : les interactions adhésives et les interactions nutritionnelles.
1.2.3.1. Interactions adhésives
Les interactions adhésives entre bactéries assurent la cohésion et la ténacité du biofilm.
L'adhérence interbactérienne homotypique est celle qui permet la cohésion entre bactéries d'une même espèce au sein d'une microcolonie. Le plus souvent, il s'agit d'un glycocalyx mis en commun entre tous les éléments du même clone, qui les englobe à la manière d'une chape ; par exemple, la gangue polysaccharidique d'une microcolonie de Streptococcus mutans.
L'adhérence interbactérienne hétérotypique est celle qui permet la cohésion entre bactéries de genres et d'espèces différents. Certains auteurs la désignent, en anglais, sous le nom de "coaggregation". Chaque bactérie disposant d'un ou plusieurs moyens de se fixer à une autre, et le nombre d'espèces bactériennes différentes susceptibles de se fixer les unes aux autres étant très grand, on ne s'étonnera pas de la grande diversité des mécanismes. Seuls quelques uns de ces mécanismes, mettant en jeu diverses molécules à la surface de chacun des partenaires, telles que des adhésines, sont actuellement connus.
Adhérence entre actinomyces et streptococcus
Il est relativement simple de mettre en évidence des relations d'adhérence interbactérienne hétérotypique mettant en jeu seulement deux partenaires. L'exemple le plus connu est celui des formations en "épi de maïs" ou "corn cob", mais on peut également citer les formations en "brosse" ("bristle brushes") ou en "écouvillon" constituées de bactéries filamenteuses auxquelles se fixent des bacilles à Gram négatif.
En savoir plus
Ces structures, décrites depuis longtemps, car facilement observables au microscope dans la plaque, consistent en un filament central, Corynebacterium (Bacterionema) matruchotii, colonisé par un grand nombre de Streptococcus crista.
Dans ce modèle, les molécules interactives sont toutefois encore inconnues ; tout au plus a-t-on pu mettre en évidence, à la surface des streptocoques, un faisceau monopolaire de fibrilles assurant le contact avec la surface du filament.
Il est connu qu'une formation intracellulaire de cristaux d'hydroxyapatite peut se produire chez C. matruchotii, entraînant une calcification. Les structures en épis de maïs pourraient donc favoriser la formation de tartre. La même espèce S. crista donne aussi des formations semblables aux "épis de maïs" avec Fusobacterium nucleatum.
Dans un autre modèle d'adhérence interbactérienne hétérotypique entre Actinomyces viscosus et Streptococcus sanguinis, on a pu mettre en évidence sur l'actinomycète une lectine spécifique à la surface du streptocoque ; de plus, une lectine de spécificité inconnue sur le streptocoque participe à l'adhérence.
Interactions et adhérence bactériennes sur la surface dentaire
Dans certains cas, le pontage entre bactéries n'est pas effectué par une cellule bactérienne, mais par l'intermédiaire de vésicules produites par une troisième espèce. Les vésicules sont des extensions de la membrane externe et sont donc riches en adhésines, que certaines bactéries à Gram négatif libèrent dans le milieu environnant.
Bien qu'elle soit encore mal documentée, on comprend que l'adhérence interbactérienne hétérotypique est d'une importance fondamentale pour expliquer comment une telle diversité bactérienne se traduit par cette unité cohésive qu'est le biofilm dentaire. Sous l'angle de la prévention, la notion de cohésion des bactéries entre elles au sein de la plaque revêt aussi une grande importance. A défaut d'être capable d'éliminer de la cavité buccale les bactéries indésirables, on peut envisager qu'il soit préférable de rompre les chaînes d'adhérence interbactérienne hétérotypique, effectuant ainsi la désorganisation souhaitée de la plaque.