3  -  Étiologies


L’hématurie micro- ou macroscopique est un symptôme fréquent qui nécessite toujours une enquête étiologique. La démarche diagnostique doit rechercher en 1re intention les causes les plus fréquentes ou présentant un caractère de gravité :

  • tumeurs urothéliales+++ (vessie, voie excrétrice supérieure), rénales ;
  • infections urinaires++, lithiases ;
  • néphropathies.

Lors d’une hématurie macroscopique isolée, le bilan doit éliminer une origine urologique avant de s’orienter vers une cause néphrologique.

Un traitement anticoagulant peut favoriser une hématurie mais n’est jamais à considérer comme responsable de 1re intention. Il ne doit pas dispenser d’un bilan onco-urologique exhaustif.

3 . 1  -  Urologiques


1) Tumeurs urothéliales
(cf. chap 12 : item 311 du nouveau programme et Item 160 bis de l’ancien programme)

  • 10 000 nouveaux cas par an en France.
  • Facteurs de risques fréquemment associés : âge ≥ 50 ans, sexe masculin, tabac, exposition professionnelle (amines aromatiques…).
  • Peuvent concerner la vessie ou les voies excrétrices urinaires supérieures.
  • Bilan : cystoscopie et uroscanner ± cytologies.

2) Tumeurs rénales (cf. chap 10 : item 308 du nouveau programme et Item 158 de l’ancien programme)

  • Près de 10 000 nouveaux cas de cancer par an en France.
  • Peuvent être révélées par une hématurie microscopique ou macroscopique totale.
  • De nature bénigne (angiomyolipome) ou maligne (adénocarcinome le plus souvent).
  • Souvent asymptomatiques ou associées à une douleur lombaire chronique.
  • Objectivées sur une échographie ou un scanner abdomino-pelvien injecté.

3) Infections urinaires (cf. chap 7 : item 157 du nouveau programme et Item 93 de l’ancien programme)

  • Cause la plus fréquente, sera accompagnée d’un tableau clinique évocateur (brûlures mictionnelles, pollakiurie, douleurs lombaires…).
  • Diagnostic confirmé par la réalisation d’un ECBU, ou d’une bandelette urinaire.
  • Atteinte possible de tout l’arbre urinaire : cystite+++ (hématurie macroscopique), pyélonéphrite (hématurie le plus souvent microscopique), prostatite.
  • Germes habituels (Escherichia coli, entérobactéries…) ou
  • Germes en rapport avec un contexte épidémiologique :
    • tuberculose urinaire : immunodépression, localisation pulmonaire, leucocyturie aseptique, calcifications des parois vésicales ou urétérales (aspect de vessie porcelaine) ;
    • bilharziose : zone d’endémie (Afrique du Nord, péninsule arabique). Associée à une hyperéosinophilie. Diagnostic réalisé sur un examen direct des urines à la recherche d’un œuf, 3 jours de suite (sensibilité faible), ou au mieux lors d’un prélèvement de muqueuse vésicale (et rectale) par voie endoscopique.

4) Lithiases urinaires (cf. chap 16 : item 262 du nouveau programme et Item 259 de l’ancien programme)

  • Concernent 5 à 15 % de la population.
  • Peut être pauci-symptomatique ou révélée par un épisode de colique néphrétique.
  • Intérêt du scanner abdomino-pelvien (ou du couple ASP + échographie) lors d’un épisode douloureux ou de l’uroscanner en dehors d’une phase aiguë.

5) Traumatisme (cf. Items 329 et 330 du nouveau programme et item 201 de l’ancien programme)

  • Contexte évident.
  • Les lésions atteintes peuvent être une fracture du parenchyme rénale, une atteinte du pédicule vasculaire ou encore une plaie vésicale.
  • La stabilité hémodynamique orientera le choix de l’examen : uroscanner ± l’artériographie en cas d’atteinte du pédicule, échographie si patient instable.

6) Prostatique (cf. chap 9 : items 307 et 123 du nouveau programme et Items 156, 247)

  • Hématurie macroscopique initiale.
  • Signe rarement révélateur de cancer de prostate, est plus souvent associé à une prostatite ou une hypertrophie, et reste un diagnostic d’élimination.

7) Iatrogène

  • Secondaire à un sondage, la pose d’un cathéter sus-pubien ou une résection endoscopique (« chute d’escarres »).
  • Post-lithotritie extracorporelle ou biopsie rénale.

3 . 2  -  Néphrologiques


1) Néphropathies glomérulaires


Glomérulonéphrite

Elle se présente sous forme de syndromes néphrotiques ou néphritiques associant une protéinurie glomérulaire, des œdèmes et une hématurie.

L’ECBU met en évidence des hématies déformées et des cylindres hématiques.

Le diagnostic se fait sur la biopsie rénale.

Aiguë post-infectieuse

  • Secondaire à une infection ORL (le plus souvent) à streptocoque.
  • Le tableau clinique révélateur est bruyant, sous la forme d’un syndrome néphritique.
  • Elle est fréquemment associée à une baisse de la fraction C3 du complément.
  • Le diagnostic passe par la recherche en urgence d’Ac anti-membrane basale glomérulaire (MBG) et anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), et la biopsie rénale.

Rapidement progressive (GNrp)

  • Marquée par une dégradation de la fonction rénale en quelques semaines.
  • Associée à une maladie systémique associant une hémoptysie à l’hématurie, le syndrome pneumo-rénal :
    • maladie de Wegener : vascularite à ANCA ;
    • syndrome pneumo-rénal de Goodpasture : présence d’anticorps anti-membrane basale glomérulaire.

Chronique

  • Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger) : cause la plus fréquente des hématuries macroscopiques glomérulaires récidivantes, préférentiellement chez les hommes jeunes. La biopsie confirme le diagnostic en mettant en évidence la présence de dépôts mésangiaux granuleux d’IgA et une prolifération endo-capillaire.
  • Glomérulonéphrite membrano-proliférative.
  • Glomérulonéphrite extra-capillaire.

Syndrome d’Alport

  • Pathologie héréditaire de transmission variable (liée à l’X, autosomique dominante ou récessive). Un contexte familial sera évocateur.
  • Il associe hématurie macroscopique récidivante, surdité bilatérale et atteinte ophtalmologique (cataracte, atteinte maculaire).

2) Néphropathies interstitielles

Néphrite interstitielle aiguë médicamenteuse

  • Son mécanisme est immuno-allergique.
  • Elle peut être associée à d’autres signes allergiques (rash cutané, cytolyse hépatique…).
  • Lors d’une prise médicamenteuse : sulfamides, pénicillines…

3) Néphropathies vasculaires

Nécrose papillaire

  • Souvent associée à un diabète, une drépantcytose ou une prise d’AINS.
  • Elle se présente comme une colique néphrétique (par migration des fragments papillaires dans l’uretère), possiblement associée à une hyperthermie et/ou insuffisance rénale transitoire.
  • L’imagerie injectée (uroscanner ou UIV) ne met pas en évidence de lithiase mais une amputation calicielle.

Infarctus rénal

  • Notion de terrain à risque : post-traumatique, drépanocytose, maladie à potentiel thromboembolique (ACFA).
  • Se manifeste par une hématurie associée à un tableau de douleur lombaire brutale difficilement calmée par les antalgiques.
  • Le diagnostic est réalisé par un scanner abdomino-pelvien injecté, une angio-IRM ou une échographie-Doppler.
  • La prise en charge doit se faire en urgence (dans les 6 heures) par reperméabilisation de l’artère rénale par voie radio-interventionnelle (stent) ou chirurgicale (thrombectomie) sous peine d’ischémie définitive.

4) Polykystose rénale autosomique dominante (PKRD)

  • Développement de kystes rénaux (± hépatiques) dont la rupture des vaisseaux de la paroi peut se faire au niveau de la voie excrétrice, expliquant l’hématurie.
  • Évolution vers l’insuffisance rénale.
  • Diagnostic fait en échographie.

3 . 3  -  Autres étiologies


Les hématuries d’effort
surviennent après une activité physique prolongée. Le plus souvent microscopiques (80 % des cas). Le mécanisme de ces hématuries est mixte associant des microtraumatismes rénaux ou vésicaux (en rapport avec l’exercice) et une perméabilité glomérulaire accrue pendant l’effort. Elles nécessitent une réévaluation après quelques jours de repos. La persistance d’une hématurie micro- ou macroscopique à distance de l’effort nécessite un bilan endoscopique et par imagerie afin de ne pas méconnaître une cause organique.

4/5