2  -  Orientation diagnostique

2 . 1  -  Démarche diagnostique

2 . 1 . 1  -  Conduire l’enquête clinique


Anamnèse

  • Circonstances de découverte du souffle cardiaque :
    • découverte fortuite lors d’une consultation ;
    • chez le nouveau-né ou le jeune nourrisson :
      • dyspnée et sudation lors de l’allaitement,
      • mauvaise prise pondérale, cassure pondérale ;
    • chez l’enfant plus âgé :
      • dyspnée d’effort, retard de croissance staturo-pondérale,
      • palpitations, malaises ou syncopes, douleurs thoraciques.
  • Antécédents familiaux :
    • cardiopathie congénitale, myocardiopathie,
    • maladie génétique, mort subite, HTA.
  • Antécédents personnels :
    • déroulement de la grossesse : toxiques (alcool), infections, diabète ;
    • nombre et nature des vaisseaux ombilicaux, adaptation à la vie extra-utérine.

Prudence accrue en cas d’antécédents familiaux de cardiopathies.

Repérer chez un nourrisson : dyspnée et sueurs à l’allaitement, mauvaise prise pondérale.

Auscultation cardiaque

  • Caractéristiques du souffle cardiaque :
    • temps :
      • systolique : holo (de B1 à B2, typique de CIV), méso (souffle éjectionnel), télé (prolapsus valvulaire),
      • diastolique : toujours pathologique (fuite aortique ou pulmonaire),
      • continu : systolique et diastolique ;
    • intensité :
      • chiffrée en 1/6e, forte si > 3/6e (pas de corrélation avec la gravité du souffle),
      • variabilité : position, repos/effort, fièvre ;
    • localisation maximale :
      • foyer pulmonaire : sténose pulmonaire, CIA,
      • dos : coarctation de l’aorte, sténose de la branche pulmonaire,
      • xiphoïde : CIV,
      • foyer aortique : sténose aortique, sténose de l’artère pulmonaire droite ;
    • irradiation :
      • en rayons de roue : CIV,
      • dans le cou : sténose valvulaire aortique,
      • dans le dos : CIA, sténose pulmonaire.
  • Autres anomalies auscultatoires cardiaques possiblement associées :
    • éclat ou dédoublement de B2 pulmonaire ;
    • bruits de galop ;
    • roulement diastolique à l’apex ;
    • clic protosystolique (anomalie de la valve aortique type bicuspidie), clic télésystolique (prolapsus mitral).

Caractéristiques du souffle cardiaque : temps, intensité, localisation maximale, irradiation.

Autres points de l’examen physique

  • Données cardiovasculaires :
    • paramètres cardiorespiratoires (FR, FC, PA) ;
    • coloration : cyanose (évocatrice d’un shunt D/G) ;
    • palpation des pouls périphériques :
      • perception moindre voire absence des pouls fémoraux → coarctation de l’aorte,
      • caractère hyperpulsatile des pouls fémoraux → persistance du canal artériel ;
    • œdèmes des membres inférieurs ;
    • hépatomégalie.
  • Signes généraux pertinents :
    • état général, état nutritionnel ;
    • éléments syndromiques (dysmorphie) : trisomie 21 et CAV, syndrome de Turner et coarctation de l’aorte.

Toujours évaluer : cyanose, pouls périphériques, hépatomégalie.

2 . 1 . 2  -  Distinguer un souffle cardiaque fonctionnel ou organique


Arguments cliniques pour un souffle fonctionnel


On distingue donc les souffles fonctionnels (bénins) et les souffles organiques.

Les données anamnestiques et l’examen physique (tableau 41.2) permettent habituellement de reconnaître un souffle cardiaque fonctionnel, et ainsi de le distinguer d’un souffle organique.

Tableau 41.2 Caractéristiques sémiologiques en faveur d’un souffle cardiaque fonctionnel
SymptomatologiePas de symptomatologie fonctionnelle
TempsBref, mésosystolique
Intensité

Faible (< 3/6), non frémissant
Variabilité↓ si orthostatisme ou repos, ↑ si fièvre ou effort
Localisation maximaleEndapexien, foyer pulmonaire
IrradiationsPas ou peu d’irradiation
Anomalies auscultatoires associéesB1 et B2 normaux, diastole libre
Reste de l’examen cardiovasculaireNormal (pouls, PA, circulation périphérique)

L’absence d’un seul critère de souffle fonctionnel permet de le définir comme très probablement organique et doit conduire à demander un avis spécialisé cardiopédiatrique et une échographie cardiaque.

Connaître parfaitement la sémiologie d’un souffle cardiaque fonctionnel.

Justification des examens complémentairesL’échographie cardiaque est l’examen le plus performant pour affirmer qu’il n’y a pas d’anomalie cardiaque à l’origine du souffle cardiaque. Elle est à demander au moindre doute clinique, mais est inutile si le souffle a les caractères d’un souffle fonctionnel.

L’échographie bidimensionnelle permet d’étudier selon diverses incidences l’architecture cardiaque. L’échocardiographie unidimensionnelle dite TM (temps-mouvements) permet de mesurer les cavités et les vaisseaux, ainsi que de calculer les indices de contractilité ventriculaire. Le Doppler, pulsé ou continu, étudie les flux transvalvulaires normaux ainsi que les flux pathologiques (shunts).

La radiographie du thorax n’a plus sa place dans cette indication.

Réalisée pour un autre motif, elle peut orienter vers une cardiopathie en révélant une cardiomégalie.

L’électrocardiogramme n’est pas systématique en cas de souffle cardiaque.

Un tracé complètement normal est rassurant, mais il ne permet pas d’écarter une anomalie cardiaque mineure (petite CIV ou petite CIA, fuite ou sténose valvulaire de faible degré). Il est habituellement pratiqué en cas de souffle organique.

Des recommandations de 2009 incitent à réaliser un ECG chez les enfants âgés de plus de 12 ans pratiquant un sport de compétition, afin de dépister des anomalies infracliniques (cardiomyopathie hypertrophique, syndrome du QT long, dysplasie arythmogène du VD, syndrome de Brugada) ou d’autres orientations vers une cardiopathie encore asymptomatique (CIA, HTAP…). Il est donc utile de réaliser un ECG en cas de souffle cardiaque même fonctionnel à cet âge chez les enfants effectuant un sport de compétition.

Pas de radiographie du thorax systématique en cas de souffle cardiaque.

2 . 1 . 3  -  Conduite pratique


Souffle cardiaque chez un nouveau-né

La découverte d’un souffle cardiaque au cours du 1er mois de vie peut se faire :

  • au cours de l’examen en salle de naissance : conséquence quasi exclusive d’une anomalie valvulaire ou vasculaire (les shunts ne sont pas encore décelables par l’auscultation) ;
  • au bout de quelques jours de vie lors de l’examen de sortie de la maternité : les causes étant alors plus nombreuses.

La découverte d’un souffle cardiaque même isolé chez le nouveau-né doit laisser supposer qu’il peut s’agir plus vraisemblablement d’un souffle organique.

Les souffles organiques témoignent de l’existence d’une cardiopathie congénitale le plus souvent dépistée dans les premiers mois de vie (en l’absence de dépistage anténatal), avec parfois des signes d’appel fonctionnels. Ils témoignent souvent d’une communication malformative entre au moins deux cavités cardiaques, d’un obstacle sur le cœur gauche ou droit, ou bien d’une inadéquation entre les débits sanguins et l’orifice traversé.

L’auscultation attentive du souffle cardiaque permet souvent d’identifier son origine.

Dans tous les cas, la présence d’un souffle à cet âge nécessite un avis spécialisé cardiopédiatrique, ainsi que la réalisation d’une échocardiographie.

Un souffle cardiaque associé à des signes d’insuffisance cardiaque impose un transfert rapide du nouveau-né dans un centre permettant une expertise cardiopédiatrique et, si besoin, une prise en charge en réanimation. L’échocardiographie permet de préciser le type de cardiopathie et définit la prise en charge immédiate et ultérieure.

En cas de souffle cardiaque complètement isolé, le nouveau-né doit bénéficier idéalement avant la sortie de la maternité ou à défaut avant l’âge de 8 jours d’une échocardiographie, afin de préciser le diagnostic et de pouvoir rassurer les parents lorsqu’il s’agit d’une anomalie mineure.

Souffle cardiaque chez un jeune nourrisson

À l’instar du nouveau-né, la découverte d’un souffle cardiaque même isolé chez le nourrisson âgé de moins de 1 an, doit laisser supposer qu’il peut s’agir d’un souffle organique en lien avec une cardiopathie congénitale non encore diagnostiquée.

Ainsi, tout souffle cardiaque découvert avant l’âge de 1 an doit habituellement faire demander un avis cardiopédiatrique avec une échographie cardiaque.

La consultation est urgente en cas de signes évocateurs d’insuffisance cardiaque. Elle peut être en revanche différée en l’absence de signes cliniques évocateurs d’organicité.

Souffle cardiaque chez l’enfant plus âgé

La découverte fortuite (aucune symptomatologie fonctionnelle) d’un souffle cardiaque ayant toutes les caractéristiques auscultatoires d’un souffle fonctionnel, chez un enfant âgé de plus de 1 an (faible probabilité d’avoir une cardiopathie congénitale non diagnostiquée) permet de retenir très probablement le diagnostic de souffle cardiaque anorganique.

Des causes évidentes de souffle peuvent être parfois identifiées : fièvre, anémie.

Aucun examen complémentaire « cardiologique » n’est habituellement indiqué, hormis peut-être un ECG chez l’enfant âgé de plus de 12 ans (voir supra).

Seul un souffle cardiaque d’allure non fonctionnelle, ou bien survenant dans un contexte familial de pathologies cardiaques à risque nécessite une experte cardiopédiatrique.

Certaines malformations cardiaques peuvent passer inaperçues longtemps et être diagnostiquées chez un grand enfant. Les anomalies cardiaques acquises (post-streptococciques) sont exceptionnelles en France.

Une échocardiographie est indiquée en cas de souffle cardiaque si :
- souffle même isolé chez un enfant d’âge < 1 an ;
- souffle d’allure organique quel que soit l’âge ;
- antécédents de pathologies cardiaques familiales (mort subite, myocardiopathie).

Souffle cardiaque + signes d’insuffisance cardiaque aiguë chez un nouveau-né = urgence.

3/6