- Pré-requis et Objectifs
- Cours
Toute TS de l’enfant et de l’adolescent, quelle qu’en soit la gravité, devrait bénéficier d’un temps d’évaluation hospitalière.
Pourtant, seulement 20 % des TS de l’adolescent sont hospitalisées.
Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce constat : absence de repérage de l’acte, banalisation par l’entourage, réticences des familles ou des médecins, absence d’organisation des services d’accueil, absence de place hospitalière, absence de structure adaptée aux adolescents.
Il n’existe pourtant pas de parallélisme entre la gravité de l’acte et l’évolution ultérieure. L’intérêt de l’hospitalisation a été confirmé par des études prospectives et rétrospectives portant surtout sur le risque de récidive et l’adaptation sociale.
Le lieu d’hospitalisation est le plus possible adapté à l’âge de l’enfant ou l’adolescent.
Les unités polyvalentes de soins pour adolescents se développent en France. Les services d’accueil doivent comporter les ressources nécessaires au bilan somatique, psychique et social. Beaucoup d’enfants et adolescents sont hospitalisés après une TS en secteur pédiatrique où interviennent des unités de psychiatrie de liaison.
La durée minimum d’hospitalisation recommandée est de 3 jours mais est variable.
L’hospitalisation des adolescents pour TS est un « moment à ne pas rater ». Elle va permettre les évaluations indispensables et elle « entérine aussi la notion de crise », ce qui est indispensable à la prise en charge en offrant un lieu tiers en dehors de sa famille.
Évaluation somatique
Dès le service d’urgences, l’objectif est de prendre en charge la gravité somatique immédiate et d’expliquer les raisons de l’hospitalisation. L’équipe des urgences exerce un rôle de réparation du corps, sans aucun jugement de valeur sur le geste suicidaire.
L’évaluation somatique permet de mesurer les conséquences physiques de la TS, pouvant faire l’objet d’une prise en charge : recherche et traitement d’une intoxication, surveillance en réanimation selon l’état clinique et les risques induits, prise en charge traumatologique, etc.
L’intervention de l’équipe multidisciplinaire qui prendra en charge ultérieurement l’enfant ou l’adolescent est souhaitable dès ce temps de l’urgence. Des explications sont données aux parents sur la nécessité d’une hospitalisation.
Au cours de l’hospitalisation, l’évaluation somatique est poursuivie.
Des comorbidités physiques sont recherchées. Les évaluations du développement pubertaire, de l’état staturo-pondéral, la recherche de scarifications ou d’automutilations sont indispensables. Il peut parfois être utile de proposer un dépistage d’infections sexuellement transmissibles ou encore un test diagnostique de grossesse.
Tout ceci doit se faire en parfaite confidentialité avec l’adolescent. L’examen du corps permet souvent d’initier un dialogue autour des problèmes de l’adolescent. « Le corps est le moyen d’agir et la cible des agissements ».
Évaluation psychologique
Elle est effectuée par le psychiatre en liaison avec l’équipe somatique. Elle a lieu dès que possible, en tenant compte de l’état physique de l’adolescent.
Elle doit être systématique et articulée sur la prise en charge ultérieure.
On recherche des facteurs de risque de récidive à court terme (voir supra) et l’existence d’une pathologie psychiatrique sous-jacente en particulier une dépression. Il est important d’analyser et de rechercher des antécédents de traumatisme psychique ou physique : maltraitance sexuelle ou physique, carences, événements douloureux.
L’utilisation de l’échelle de Beck sur l’intentionnalité suicidaire est recommandée mais assez peu utilisée (voir Annexe 64.1). Des évaluations complémentaires sont parfois nécessaires à l’aide de tests projectifs pour le dépistage des pathologies psychiatriques.
A. Circonstances objectives de la TS |
1. Isolement (une personne était-elle présente ou a-t-elle été jointe par téléphone par le suicidant ?) |
2. Gestion du temps (la TS a-t-elle été planifiée de manière que le patient ne puisse pas être découvert ?) |
3. Précautions prises pour ne pas être découvert (par exemple TS dans une pièce fermée à clé) |
4. Dissimulation de la TS aux personnes présentes (le sujet a-t-il évoqué sa TS lorsqu’il a été sollicité ?) |
5. Actes réalisés en prévision de la mort (changements de projets, cadeaux inhabituels) |
6. Préparation de la TS |
7. Intention écrite de TS |
8. Communication verbale de l’intention suicidaire |
9. But de la tentative (y avait-il une intention de disparaître ?) |
B. Propos rapporté par le patient |
10. Attentes par rapport à la létalité du geste (le patient pensait-il qu’il allait mourir ?) |
11. Appréciation de la létalité de la méthode employée (le patient a-t-il utilisé un moyen plus dangereux que ce qu’il croyait être ?) |
12. Gravité perçue du geste suicidaire (le patient pensait-il que ce geste suicidaire était suffisant pour mourir ?) |
13. Attitude ambivalente par rapport à la vie (le patient souhaitait-il réellement mourir ?) |
14. Perception de l’irréversibilité de l’acte (le patient était-il persuadé de mourir malgré d’éventuels soins médicaux ?) |
15. Degré de préméditation (le geste a-t-il été impulsif ou a-t-il succédé à plusieurs heures de réflexion à son sujet ?) |
16. Réaction à l’issue de la prise en charge (le patient regrette-t-il d’être en vie ?) |
17. Représentation de la mort (la mort est-elle représentée de façon positive ?) |
18. Nombre de TS antérieures (y a-t-il eu dans le passé plusieurs TS ? Ont-elles été rapprochées ?) |
Évaluation sociale
Cette évaluation est toujours nécessaire, en lien avec le service social.
Elle précise le contexte familial, scolaire, professionnel et éducatif. On évalue les conditions de vie de l’adolescent : vie en famille ou en collectivité, difficultés d’insertion. Un réel travail de liaison sociale est aussi souvent nécessaire autour des adolescents en grande difficulté : recherche de prises en charge précédentes, contacts avec les éducateurs.
La crise est souvent l’occasion de révélation de difficultés familiales. L’hospitalisation permet d’évaluer la souffrance familiale et parfois de réduire les clivages entre l’adolescent et sa famille.
La prise en charge hospitalière doit être globale et associer plusieurs intervenants.
Elle doit répondre à des règles institutionnelles de travail en équipe, de recherche de continuité des soins, à adapter individuellement à chaque adolescent. L’équipe pluridisciplinaire est composée au mieux d’une équipe mixte de prise en charge somatique et psychique avec un référent psychiatre.
Le soin institutionnel pendant le séjour hospitalier a été comparé par certains à de véritables « soins intensifs » psychiques autour de trois dimensions :
Aucun médicament n’a d’action spécifique sur le risque de récidive suicidaire.
La tentative de suicide ne constitue pas une indication à utiliser des antidépresseurs ou des sédatifs.
L’instauration d’un traitement antidépresseur peut lever l’inhibition et favoriser les récidives de TS ou le suicide. La prescription de psychotropes dans ce contexte doit être limitée et seulement décidée par des psychiatres habitués au diagnostic chez l’adolescent.
L’hospitalisation initiale n’a de sens que si elle s’articule avec un suivi ambulatoire. Cette articulation nécessite un travail d’accompagnement et de liaison avec le référent ou l’équipe psychiatrique et/ou somatique qui organisera la prise en charge ultérieure.
Des facteurs de réussite de cette orientation ont été mis en évidence : durée de séjour hospitalier suffisante, nombre suffisant d’entretiens pendant l’hospitalisation, identification d’un référent hospitalier, existence d’un lien réel entre l’hôpital et l’intervenant ultérieur, prise de rendez-vous immédiate au cours de l’hospitalisation.
Il est important que la première consultation de suite soit proche de la sortie (2 à 7 jours). La plupart des équipes hospitalières proposent actuellement des consultations relais faites par l’équipe initiale et une transition « présentée et personnalisée » à l’équipe de soins ultérieurs. Les modalités de soins psychothérapiques sont adaptées à l’adolescent.
La sortie d’hospitalisation se fait en associant la famille. Les membres de la famille participent aux orientations du projet de soins et l’indication d’une thérapie familiale peut être posée. Leur adhésion au projet est un facteur important d’observance. Le soutien aux familles angoissées par le risque de récidive est nécessaire.
Le médecin traitant peut être associé à la prise en charge de l’adolescent si celui-ci le souhaite. Il aide l’adolescent et sa famille dans cette période post-crise et favorise l’observance de l’adolescent à la prise en charge proposée.
La liaison scolaire ne peut se faire que dans le respect d’une stricte confidentialité imposant de ne transmettre éventuellement des informations qu’au médecin scolaire lié par le secret médical. Cette liaison peut être nécessaire s’il a été repéré des problèmes importants autour de la scolarité pendant l’hospitalisation. Le lien doit être discuté et accepté par l’adolescent et sa famille.
La liaison sociale permet d’organiser la sortie des adolescents en difficultés : lien avec les éducateurs qui suivaient l’adolescent avant la crise, recherche d’une mesure d’aide éducative en cas de repérage de situation sociale difficile.
La prise en charge de l’adolescent suicidant doit permettre d’améliorer significativement des éléments du contexte (personnel, familial, social) qui avaient conduit à la tentative de suicide.
Les Maisons des adolescents ont une place dans ce réseau de soin autour des risques suicidaires.
Elles peuvent par leur accessibilité et leur très forte fréquentation être des lieux de relais dans le parcours des adolescents.
Hospitalisation recommandée pour toute TS.
Évaluations multidisciplinaires « somatique + psychologique + sociale ». Utilisation très rare de chimiothérapie à visée psychiatrique.
Organisation du suivi : consultation proche de la sortie, adhésion de la famille, liens avec le médecin traitant et la scolarité, des éducateurs.