2  -  Diagnostiquer une mucoviscidose

2 . 1  -  Quand évoquer le diagnostic ?

2 . 1 . 1  -  Diagnostic anténatal ciblé


Généralités

Au cours d’une grossesse, le diagnostic peut être recherché en cas de :

  • découverte de signes échographiques évocateurs dans le cadre d’une surveillance systématique anténatale ;
  • conseil génétique dans un contexte familial ou d’hétérozygotie connue.

Un diagnostic anténatal de mucoviscidose peut motiver une demande d’interruption médicale de grossesse, au titre de « maladie d’une particulière gravité et incurable au moment du diagnostic ».

Comme dans toute démarche de diagnostic anténatal, les parents doivent avoir reçu une information claire, objective, complète et adaptée à leur compréhension.

On doit évaluer avec eux le rapport bénéfices/risques du diagnostic anténatal (risque de fausse couche iatrogène de 0,5 % en cas d’amniocentèse, 1–2 % en cas de biopsie de trophoblaste).

Suspicion échographique anténatale en l’absence d’histoire familiale

Les anomalies échographiques faisant évoquer le diagnostic sont :

  • des calcifications intestinales, une hyperéchogénicité intestinale ;
  • des images évoquant une atrésie du grêle ou une péritonite méconiale.

La conduite diagnostique consiste à réaliser dans un 1er temps une étude génétique chez les deux parents, avec tracé de l’arbre généalogique et recherche de la mutation F508del, ainsi que des autres mutations habituelles (sur une trousse de 30 mutations) après information éclairée en consultation et consentement signé de chacun des deux parents.

Si les deux parents sont hétérozygotes, il y a un risque élevé (1/4) d’atteinte fœtale. Le recours à une étude en biologie moléculaire peut être alors proposé chez le fœtus.

Si aucun des deux parents n’est porteur de mutation, le diagnostic est quasiment éliminé.

En revanche, si l’un des deux parents est hétérozygote pour une mutation courante, l’incertitude demeure quant à l’éventualité que l’autre soit porteur d’une mutation rare. Le recours à une étude par biologie moléculaire chez le fœtus est discuté avec les parents.

Si le fœtus n’est pas porteur de la mutation décelée chez l’un des deux parents, il est alors indemne.

Si le fœtus est par contre porteur de cette mutation décelée, la crainte est qu’il soit également porteur d’une mutation rare hypothétiquement présente chez l’autre parent, et donc qu’il soit homozygote et malade. Un séquençage complet du gène à la recherche d’autres mutations moins courantes est alors débuté ; mais sa réalisation est souvent difficile et longue, ne résolvant que très rarement ce dilemme diagnostique.

Histoire familiale (situation de conseil génétique)


Un conseil génétique se justifie si le risque d’avoir un enfant atteint est de 1/4 :

  • antécédent de mucoviscidose chez un enfant du couple ;
  • situation d’hétérozygotie connue chez l’un des deux parents ;
  • (et parfois) couples ayant des apparentés proches avec enfant atteint.

Dans la situation où il existe un antécédent de mucoviscidose chez un enfant du couple, les deux parents (sains) sont donc obligatoirement hétérozygotes.

Si les mutations sont identifiées, la recherche de celles-ci chez le fœtus doit être réalisée sur une biopsie de trophoblaste dès 12 SA.

Si les mutations ne sont pas identifiées, des dosages biologiques (immunoenzymes intestinales, PAL et γGT, leucine aminopeptidase) par amniocentèse au terme de 18 SA, apportent des arguments diagnostiques (situation de plus en plus rare).

Dans la situation où il existe une situation d’hétérozygotie chez l’un des deux parents, la recherche d’une mutation fréquente peut être réalisée chez l’autre parent.

Diagnostic anténatal = ciblé : signes évocateurs échographiques, conseil génétique.

Recours à la biologie moléculaire selon le contexte.

2 . 1 . 2  -  Dépistage néonatal


Le dépistage néonatal pour la mucoviscidose est généralisé en France depuis 2002 (fig. 39.1).

Figure 1 : Algorithme du dépistage néonatal de la mucoviscidose (HAS, 2009)

L’intérêt de ce dépistage réside dans la prise en charge précoce des manifestations pulmonaires et digestives de la mucoviscidose, semblant ralentir l’évolution de la maladie, et améliorer son pronostic en terme de survie.

Le dépistage est réalisé à partir du sang recueilli à 72 heures de vie sur papier buvard pour le test de Guthrie, après recueil du consentement signé des parents (pour la recherche génétique éventuelle).

Il repose sur le dosage de la trypsine immunoréactive (TIR), enzyme pancréatique dont un taux élevé reflète une souffrance pancréatique, suivi d’un diagnostic moléculaire en cas de résultat élevé.

En cas de mutation identifiée sur au moins un allèle, l’enfant est convoqué au CRCM régional pour confirmation diagnostique par un test de la sueur. En l’absence de mutation retrouvée, l’enfant ne sera convoqué au CRCM que si un nouveau dosage de TIR prélevé à 3 semaines reste élevé.

Ce mode de dépistage est assez sensible mais peu spécifique (plus de 2 enfants sur 3 convoqués au CRCM suite à un dépistage positif n’ont pas la mucoviscidose). Le taux de faux négatifs du dépistage (= proportion d’enfants avec mucoviscidose et non reconnus par le dépistage néonatal) est entre 3 et 3,5 %.

Dépistage néonatal = généralisé : TIR à 72 heures de vie ± biologie moléculaire.

2 . 1 . 3  -  Diagnostic chez l’enfant sur des manifestations cliniques évocatrices


Généralités

Rarement désormais, le diagnostic de mucoviscidose peut être fait sur des symptômes au cours de l’enfance, voire à l’âge adulte (enfants nés dans un pays sans dépistage néonatal, ou faux négatif du dépistage néonatal).

Il faut de ce fait continuer à évoquer systématiquement cette pathologie dans certains contextes, particulièrement chez un nourrisson avec des symptômes respiratoires récurrents, notamment s’ils s’accompagnent d’une cassure de la courbe staturo-pondérale.

Manifestations respiratoires et infectieuses

Elles dominent le tableau clinique chez l’enfant. Elles sont responsables de 90 % de la morbidité et de la mortalité et conditionnent ainsi le pronostic et la qualité de vie.

Près de 75 % des nourrissons ayant une mucoviscidose sont symptomatiques dès la 1re année de vie :

  • bronchiolites récidivantes, bronchites « asthmatiformes » ;
  • encombrement bronchique persistant.

L’évolution est marquée chez l’enfant plus grand par l’évolution vers la bronchopathie chronique :

  • toux chronique avec bronchorrhée permanente ;
  • exacerbations récurrentes avec expectorations mucopurulentes, pendant lesquelles la toux se majore, les crachats se modifient (augmentation du volume et de leur viscosité), la tolérance à l’effort diminue et l’appétit s’altère ;
  • dilatations des bronches et leurs complications (notamment hémoptysie) ;
  • distension thoracique majeure, avec emphysème, et risque de pneumothorax ;
  • insuffisance respiratoire chronique, s’associant initialement à une hypoxie nocturne puis diurne, une dyspnée d’effort puis permanente, et se décompensant tardivement avec une hypercapnie et une hypertension pulmonaire.

La colonisation bactérienne survient très tôt dans l’histoire naturelle de la maladie. Les premiers germes en cause sont Haemophilus influenzae et S. aureus.

La colonisation à Pseudomonas aeruginosa représente un tournant évolutif péjoratif de la maladie. La primo-colonisation correspond au 1er isolement de P. aeruginosa dans l’arbre bronchique, sans signes directs (signes cliniques) ou indirects (anticorps spécifiques) d’infection. La colonisation chronique correspond à la présence de P. aeruginosa dans l’arbre bronchique pendant au moins 6 mois, attestée par au moins 3 cultures positives à au moins 1 mois d’intervalle, sans signes directs d’infection.

Des infections mycobactériennes (Mycobacterium abscessus ou avium), aspergillaires (avec des manifestations immunoallergiques, notamment dans le cadre d’une aspergillose bronchopulmonaire allergique) peuvent également survenir.

Manifestations digestives


Le nouveau-né peut présenter :

  • un iléus méconial : syndrome occlusif, retard d’élimination du méconium ;
  • un ictère cholestatique rétentionnel.

Les manifestations digestives chez le nourrisson et l’enfant associent :

  • une insuffisance pancréatique exocrine (95 % des nourrissons) :
    • stéatorrhée (diarrhée chronique avec selles graisseuses et nauséabondes, responsable d’une maldigestion des graisses),
    • avec pour conséquence (si elle n’est pas compensée), un retard pondéral puis statural et une dénutrition, malgré une hyperphagie initiale ;
  • des carences en :
    • vitamines liposolubles A, D, E, K,
    • oligoéléments du fait d’une malabsorption digestive ;
  • une atteinte hépatobiliaire :
    • stéatose hépatique (asymptomatique),
    • lithiases biliaires,
    • cirrhose biliaire multifocale (5–15 % des patients), pouvant évoluer vers l’hypertension portale et plus rarement l’insuffisance hépatocellulaire ;
  • d’autres atteintes :
    • RGO,
    • prolapsus rectal,
    • constipation ± épisodes de subocclusion répétés par obstruction distale du grêle.

La dénutrition est fréquente chez le grand enfant et résulte de l’inadéquation entre les besoins importants liés à l’hypercatabolisme en rapport avec l’infection, les pertes digestives liées à la maldigestion mal compensée, et des ingestas souvent insuffisants.

Autres manifestations


D’autres manifestations cliniques sont évocatrices mais plus rares :

  • ORL : sinusite maxillaire, polypose nasale ;
  • endocriniennes : intolérance au sucre et diabète insulinodépendant ;
  • métaboliques : déshydratation aiguë hyponatrémique avec coups de chaleur ;
  • génitales : infécondité masculine par atrésie bilatérale des canaux déférents systématique chez le garçon, retard pubertaire, hypofertilité féminine ;
  • cardiaques : myocardiopathie non obstructive.

Évoquer la mucoviscidose en cas de « bronchiolites récidivantes » avec cassure pondérale.

Colonisation à Pseudomonas aeruginosa = tournant évolutif péjoratif.

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