4  -  Points clés à propos de certaines causes

4 . 1  -  Ictères bénins

4 . 1 . 1  -  Ictère simple


L’ictère simple (anciennement dénommé : ictère physiologique) est l’ictère néonatal le plus fréquent, mais devant rester un diagnostic d’élimination.

Il concerne 30 à 50 % des nouveau-nés sains, et est lié à un défaut physiologique néonatal de maturité de la glycuroconjugaison de la bilirubine.

Caractéristiques :

  • début après 24 heures de vie ;
  • isolé (examen clinique rigoureusement normal) ;
  • ictère à bilirubine libre d’intensité modérée ;
  • décroissance vers J5–J6 de vie.

L’abstention thérapeutique est de règle.

La disparition de l’ictère est spontanée souvent avant J10 de vie, sans risque séquellaire.

Il convient d’être particulièrement vigilant chez le prématuré pour lequel l’ictère est plus fréquent, plus prolongé, et plus intense, avec un risque neurologique plus élevé. Cette sévérité est liée à l’immaturité hépatique, à une concentration basse d’albumine, à une perméabilité élevée de la barrière hématocérébrale, et à un seuil de toxicité de bilirubine libre plus bas.

4 . 1 . 2  -  Ictère au lait de mère


L’ictère au lait de mère survient chez environ 3 % des enfants nourris au sein.

Il concerne habituellement des nouveau-nés à terme bénéficiant dès les premiers jours de vie d’une lactation maternelle abondante, et est lié entre autre à l’activité lipoprotéine-lipase importante du lait maternel entraînant une libération importante d’acides gras, responsables d’une inhibition de la glycuroconjugaison.

Caractéristiques :

  • début vers J5–J6 de vie (ou faisant suite à un ictère simple) ;
  • isolé (examen clinique rigoureusement normal) ;
  • ictère à bilirubine libre d’intensité modérée ;
  • persistance plusieurs semaines.

Son diagnostic était anciennement confirmé par la diminution de l’ictère après interruption de l’allaitement maternel, ou par le chauffage du lait (caractère thermosensible de l’activité lipoprotéine-lipase).

L’abstention thérapeutique est de règle à l’heure actuelle, comme pour l’ictère simple (pas d’interruption de l’allaitement maternel, pas de chauffage du lait). Les bénéfices de l’allaitement maternel prédominent sur le préjudice d’une coloration ictérique prolongée.

La disparition de l’ictère survient entre 4 et 6 semaines après la naissance.

Deux causes bénignes d’ictères à bilirubine libre : ictère simple et ictère au lait de mère.

Comme toute cause fréquente et bénigne : diagnostics d’élimination.

4 . 2  -  Ictères pathologiques

4 . 2 . 1  -  Hémolyses


Généralités


L’ictère par hyperhémolyse est la première cause d’ictère pathologique.

Il est lié à la production anormalement élevée de bilirubine, consécutive à la lyse des globules rouges.

Il répond à de nombreuses causes, notamment les incompatibilités sanguines maternofœtales et les hémolyses constitutionnelles. Les hémoglobinopathies (drépanocytose, thalassémie) ne se révèlent pas en période néonatale.

Caractéristiques :

  • début précoce avant 24 heures de vie (le plus souvent) ;
  • en cas d’hémolyse sévère : syndrome anémique, hépatosplénomégalie ;
  • ictère à bilirubine libre d’intensité plus forte ;
  • anémie (normo-)macrocytaire, hyper-réticulocytose.

Le risque d’ictère nucléaire est considéré comme plus important.

Incompatibilités sanguines maternofœtales

L’incompatibilité dans le système ABO est la plus fréquente à l’heure actuelle.

La situation est la suivante : mère de groupe O et nouveau-né de groupe A ou B.

Le test de Coombs est en général négatif.

L’incompatibilité dans le système Rhésus devient plus rare.

L’ictère est habituellement plus intense. Le test de Coombs est en général positif.

La prévention de l’allo-immunisation anti-D consiste en l’injection de gammaglobulines anti-D (Rophylac®) chez toute femme enceinte Rhésus (–) et RAI (–) : de manière systématique à 28 SA, et dans les 72 heures suivant une situation à risque (hémorragie, accouchement, fausse couche, geste invasif).

Hémolyses constitutionnelles

La sphérocytose héréditaire (maladie de Minkowski-Chauffard) conduit à une anémie hémolytique corpusculaire liée à une anomalie de membrane, de transmission autosomique dominante. Une complication à connaître est la lithiase biliaire.

Le frottis sanguin met en évidence des globules rouges de forme sphérique.

La splénectomie après l’âge de 5 ans est d’indication large.

Le déficit en G6PD peut induire une anémie hémolytique corpusculaire par déficit enzymatique, de transmission liée à l’X (expression chez tous les garçons atteints mais aussi chez certaines filles). Elle concerne notamment les enfants originaires du pourtour méditerranéen et d’Afrique noire.

Le frottis sanguin met en évidence des corps de Heinz (hémoglobine non réduite ayant précipité) ; le dosage du G6PD à distance de toute transfusion confirme le diagnostic.

La prise en charge consiste en l’éviction des facteurs déclenchants (médicaments oxydants dont la liste doit être impérativement remise aux parents et collée dans le carnet de santé).

4 . 2 . 2  -  Déficits constitutionnels de la glycuroconjugaison


La maladie de Gilbert est fréquente (3–7 % de la population) et bénigne.

Elle est liée à un déficit partiel de l’activité de la bilirubine glucuronyl-transférase. Elle n’est pas responsable à elle seule d’un ictère, mais joue un rôle de cofacteur en favorisant sa persistance et son intensité. Les formes à révélation néonatale sont très rares, sauf si associée avec une sténose hypertrophique du pylore. Elle est responsable plus tard d’épisodes récidivants de subictères, déclenchés par le stress et le jeûne.

Le diagnostic repose sur l’analyse moléculaire du gène codant la bilirubine glucuronyl-transférase.

Aucun traitement n’est nécessaire.

La maladie de Crigler-Najjar est exceptionnelle.

4 . 2 . 3  -  Atrésie biliaire


Elle concerne environ 1 nouveau-né sur 10 000.

Il s’agit d’une urgence diagnostique.

Le diagnostic doit être évoqué dans les jours suivant la naissance devant un tableau clinique évocateur de cholestase : hépatomégalie ferme, urines foncées, selles décolorées (obstacle complet des voies biliaires).

L’administration de vitamine K par voie parentérale est indispensable dès la constatation de ces signes, en raison du risque hémorragique relié à la cholestase.

Le pronostic est conditionné par la précocité de l’intervention chirurgicale de Kasai (avant la 6e semaine de vie), consistant en une hépato-porto-entérostomie.

4 . 2 . 4  -  Autres causes


Il faut toujours évoquer le diagnostic d’infection néonatale (voir chapitre 1).

D’autres causes sont citées dans l’arbre diagnostique (voir fig. 2.1).

Parmi elles, il convient également de retenir : l’infection à E. coli, la résorption d’un hématome lié à un traumatisme obstétrical, l’hypothyroïdie congénitale, la mucoviscidose.

Deux urgences d’ictère à bilirubine libre : incompatibilité maternofœtale et infection maternofœtale.
Deux urgences d’ictère à bilirubine conjuguée : atrésie des voies biliaires, infection à E. coli.

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