2  -  Anorexie mentale de l’adolescent

2 . 1  -  Diagnostic

2 . 1 . 1  -  Tableau clinique


Il s’agit le plus souvent d’une adolescente sans antécédent particulier.

La triade classiquement décrite comprend :

  • un amaigrissement par restriction alimentaire délibérée ;
  • une anorexie ;
  • une aménorrhée (primaire ou secondaire).

D’autres signes sont particulièrement évocateurs :

  • le déni de la maigreur avec dysmorphophobie ;
  • la préoccupation pondérale avec peur de grossir ;
  • la préoccupation culinaire avec calcul des calories ;
  • l’hyperactivité physique et l’hyperinvestissement intellectuel ;
  • l’appauvrissement relationnel, le désintérêt pour la sexualité.

Les signes cliniques précités ne sont pas toujours tous présents.

L’existence de plusieurs d’entre eux chez une adolescente, associée à une cassure pondérale importante doit faire fortement suspecter le diagnostic d’anorexie mentale. L’anorexie mentale est la première cause d’aménorrhée secondaire chez l’adolescente.

Une cause somatique doit avoir été exclue par l’interrogatoire et l’examen. Il est fortement recommandé de vérifier la présence de chacun des critères diagnostiques de l’une des classifications internationales : CIM-10, DSM-V (voir § IV. Annexes).

L’annonce diagnostique doit se faire avec une attitude professionnelle et empathique.

L’établissement d’une alliance thérapeutique dès le début de la prise en charge est essentiel.

En cas d’aménorrhée secondaire ou de cassure pondérale chez une adolescente → rechercher une restriction alimentaire.

2 . 1 . 2  -  Évaluation médicale


Une évaluation globale est recommandée.

Elle doit identifier des signes de gravité, en particulier ceux susceptibles de conduire à l’hospitalisation.

L’anamnèse doit recueillir l’histoire pondérale (courbe de croissance, pourcentage de perte de poids et cinétique), les conduites de restriction alimentaire, les conduites purgatives associées (vomissements, laxatifs, diurétiques) ainsi qu’une potomanie, l’activité physique, les conduites addictives, les antécédents somatiques.

L’évaluation somatique doit détailler les constantes (température, fréquence cardiaque, pression artérielle, poids et IMC) et l’état général, le stade de Tanner, la présence d’œdèmes des membres inférieurs et de troubles du rythme cardiaque, le degré d’hydratation et de fonte musculaire, le transit digestif, des anomalies cutanées (livedo, escarres).

L’évaluation psychique doit préciser un contexte psychiatrique ancien et/ou actuel (dépression, anxiété, suicidalité), le fonctionnement familial, l’évaluation sociale.

Les examens biologiques à réaliser sont : un hémogramme, un ionogramme sanguin (avec fonction rénale et kaliémie), un bilan phosphocalcique, un bilan hépatique, une CRP.

D’autres examens peuvent être nécessaires : un électrocardiogramme (en cas de critères d’hospitalisation), une ostéodensitométrie osseuse (en cas d’évolution depuis plus de 6 mois).

Anorexie mentale : maladie psychiatrique avec potentielle urgence somatique.

2 . 1 . 3  -  Principaux signes de gravité et anomalies métaboliques


L’indication de l’hospitalisation à temps plein se discute au cas par cas.

Elle est indiquée en cas de signes de gravité somatiques, psychiatriques, environnementaux. Plusieurs critères sont habituellement nécessaires (tableau 63.1). Les principales anomalies métaboliques y sont précisées. Les valeurs seuils chez l’enfant ne sont pas définies spécifiquement.

Tableau 63.1 Principaux critères d’hospitalisation (d’après HAS, 2010)
Critères somatiques
Anamnestiques
                     
– Perte de poids rapide : > 2 kg/semaine
– Aphagie totale, refus de boire
– Lipothymies ou malaises d’allure orthostatique
Cliniques
                      
– IMC < 12,7 kg/m2 à 13–14 ans
– IMC < 13,2 kg/m2 à 15–16 ans
– IMC < 14 kg/m2 au-delà de 17 ans
– Fatigabilité voire épuisement, ralentissement idéique et verbal, confusion
– Bradycardies extrêmes (FC < 40/min), tachycardies
– PA < 80/50 mmHg, hypotension orthostatique
– Hypothermie < 35,5 °C, hyperthermie
– Syndrome occlusif
Paracliniques
                      
– Acétonurie à la BU, hypoglycémie < 0,6 g/L
– Hypokaliémie, hyponatrémie, hypophosphorémie, hypomagnésémie
– Élévation de la créatininémie (> 100 μmol/L)
– Cytolyse > 4 N
– Leuconeutropénie < 1 000/mm3, thrombopénie < 60 000/mm3
Critères psychiatriques
Risque suicidaire
                      
– Tentative de suicide réalisée ou avortée, plan suicidaire précis
– Automutilations répétées
Comorbidités
                      
– Dépression, anxiété
– Symptômes psychotiques, abus de substances
– Troubles obsessionnels compulsifs
Anorexie mentale 
                       
– Idées obsédantes intrusives et permanentes
– Nécessité d’une renutrition par sonde nasogastrique
– Exercice physique excessif et compulsif
– Conduites de purge intenses
Critères environnementaux
Entourage 
                       
– Conflits familiaux sévères
– Épuisement parental
Mode évolutif 
                       
 – Manque de coopération, motivation insuffisante
– Échec antérieur d’une prise en charge ambulatoire bien conduite

Elle est au mieux réalisée avec l’adhésion de l’adolescent, mais peut se faire sous contrainte en cas de refus d’hospitalisation et risque vital immédiat (accord parental si mineur, OPP si refus des parents).

Connaître les principaux critères d’hospitalisation de la HAS.

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