4
-
L’ASE, les professionnels de sante, les patients (enfants et parents) : quelles interactions.
Pour un professionnel de santé, reconnaître une situation d’Enfant en Danger et mettre en œuvre les actions requises, impliquent une bonne connaissance de la loi.
D'après l'article 434-3 du code pénal, "le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende"
.
D’après le code de déontologie des sages-femmes (code de déontologie des sages-femmes, version consolidée du 17 juillet 2012) :
-
Article R4127-315 du CSP : Une sage-femme qui se trouve en présence d'une femme ou d'un nouveau-né en danger immédiat ou qui est informée d'un tel danger doit lui porter assistance ou s'assurer que les soins nécessaires sont donnés.
-
Article R4127-316 du CSP, modifié par le décret n°2012-881 du 17 juillet 2012. Lorsqu'une sage-femme discerne qu'une femme auprès de laquelle elle est appelée ou son enfant, est victime de sévices, elle doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour les protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S'il s'agit d'un enfant mineur ou d'une femme qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, elle doit, sauf circonstances particulières qu'elle apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives.
Toujours d’après la loi, ce cadre constitue une situation très particulière de levée du secret professionnel : Selon l’article 226-14 du code pénal le secret professionnel n’est pas applicable à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou de punitions dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de moins de quinze ans.
Enfin, la protection de l’enfance a été réformée en 2007 par la loi 2007-293 du 5 mars 2007. La loi a mis en avant 3 axes de réforme:
- le renforcement de la prévention
- l’amélioration du dispositif d’alerte et de signalement
- la diversification des modes d’intervention auprès de l’enfant et de sa famille
Elle a aussi affirmé ou réaffirmé 3 principes forts:
- l’individualisation de la prise en charge avec obligation d’établir un projet pour l’enfant.
- la continuité et la cohérence des actions menées pour l’enfant et sa famille
- la primauté de l’intérêt de l’enfant, du respect de ses droits et la prise en compte de ses besoins fondamentaux.
Elle renforce la dimension multi partenariale de la protection de l’enfance par la mise en place de protocoles entre les Conseils Généraux et les différents partenaires concourant à la protection de l’enfance avec l’objectif notamment de centraliser le recueil des informations préoccupantes.
4
.
1
-
L’articulation professionnels de santé / ASE dans les situations préoccupantes
La cellule départementale de recueil de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (IP), assure la réception, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes transmises par le cadre des protocoles de partenariat, ou dans le cadre de du numéro téléphonique national « 119 ».
Les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance peuvent aussi être des ressources pour comprendre les actions à mettre en œuvre. Par exemple dans une situation complexe où les professionnels de santé sont en difficulté pour savoir se positionner ou non dans la rédaction et la transmission d’une IP, ils peuvent solliciter l’ASE pour être conseillé. Ce travail de concertation peut se mettre en place par exemple dans la cadre de synthèse ou de commission dans lesquels différentes professions (psychologues, travailleurs sociaux, professionnels de santé, professionnels de PMI) sont réunis.
4
.
2
-
La place de la famille : parent, enfant ou jeune en fonction de leur âge et de leur maturité
L’information des parents (ou toute autre personne exerçant l’autorité parentale) est fondamentale et permet de les mobiliser dans la résolution des difficultés qu’ils rencontrent Les parents doivent être informés de :
- toute information préoccupante transmise au Président du Conseil général, sauf intérêt contraire de l’enfant (article 226- 2-1 CASF).
- du partage d’informations les concernant entre professionnels de la protection de l’enfance, sauf intérêt contraire de l’enfant.
- des informations communiquées à d’autres services afin de garantir la continuité et la cohérence des actions menées, sauf en cas de danger pour l’enfant.
- des informations recherchées auprès d’autres partenaires dans le cadre de l’évaluation.
- du contenu du rapport d’évaluation et de ses conclusions.
- du contenu du rapport de signalement.
4
.
3
-
Protocoles de partenariat entre le conseil général et ses partenaires dans le champ de la protection de l’enfance.
La protection de l’enfance dans les structures sanitaire, sociales, ou éducatives fait l’objet de procédures (ou protocoles) codifiées entre ces structures et le Conseil Général, dans le respect du cadre légal et les principes fondateurs de la loi 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance dans les pratiques professionnelles, sur la base de :
- l’intérêt de l’enfant
- la responsabilité des parents
- le respect de la place de l’usager.
Chaque structure de santé a une procédure interne qui permet de guider tout professionnel confronté à une telle situation, de connaître les actions à mettre en œuvre. Elle prévoit en général une analyse pluridisciplinaire de la situation par différents professionnels : médecins, sages-femmes, assistantes sociales, infirmières, psychologues. Cette concertation entre professionnels de la structure va permettre de proposer une orientation qui peut se situer à 3 niveaux :
- le passage de relais et/ou le partenariat intra ou inter institutionnel
- le recueil d’information préoccupante concernant un enfant en danger ou en risque et transmission au conseil général, qui en retour informera la structure de la suite donnée à l'information préoccupante.
- le signalement au procureur de la république : situations graves, IP additionnée d’un certificat médical, d’un rapport circonstancié, établi par le professionnel ayant recueilli les éléments.
4
.
4
-
La transmission d’information : devoir de protection, respect du secret professionnel, rédaction d’une information préoccupante.
4
.
4
.
1
-
Secret professionnel et protection de l’enfance
L’article 226-2-2 du CASF affirme 5 grands principes pour le partage d’informations à des fins de protection de l’enfance :
- il est une possibilité, pas une obligation
- il est conditionné par l’information préalable des personnes concernées (parents, tuteurs… de l’enfant) sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant
- il a un but unique : évaluer la situation et déterminer les actions de protection à mettre en œuvre
- il est STRICTEMENT limité à ce qui est NECESSAIRE
- il se fait entre personnes soumises au secret professionnel, qui mettent en œuvre ou apportent leurs concours à la protection de l’enfance
Les principes régissant le secret professionnel dans le cadre de la protection de l’enfance, sont abordés sous forme de Questions-Réponses, à partir de la fiche « communication et partage d’information à caractère secret appliqués aux professionnels de santé» [6] fiche technique n°2, mars 2010, 5p, groupe d’appui de la réforme de la protection de l’enfance, disponible en ligne (http://www.reforme-enfance.fr/groupedappui.html).
Questions :
a. Dans quelles situations les professionnels qui concourent à la protection de l’enfance, sont autorisés à partager entre elles des informations à caractère secret ?
b. Quel texte législatif l’affirme ?
c. Quel doit être l’objectif unique du partage d’information ?
d. Quelles démarche préalable est nécessaire au partage d’information entre professionnels ? et quelle exception autorise à s’en affranchir ?
e. Comment définir le secret professionnel ?
f. Quelle est la sanction pénale appliquée à un professionnel qui aurait trahi le secret professionnel ?
g. Quelle action mettre en œuvre pour un professionnel de santé qui a connaissance d’une information préoccupante ?
Réponses :
Les professionnels participant à la protection de l’enfance sont autorisés à partager des informations à caractère secret dans les situations décrites à l’article L 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles.
L’objectif du partage d’information est l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance.
Avant tout partage d’information entre professionnel, les parents ou détenteurs de l’autorité parentale doivent en être informés, sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant.
Le secret professionnel est défini comme l’interdiction de révéler des informations à caractère secret dont la personne a eu connaissance dans l’exercice de sa profession.
La sanction pénale appliquée à un professionnel qui aurait trahi le secret professionnel est un an d’emprisonnement et 15.000€ d’amende.
Un professionnel qui a connaissance d’une information préoccupante concernant un mineur en danger ou risquant de l’être, doit la transmettre sans délai au président du conseil général (art L. 226-2-1 du CASF).
4
.
4
.
2
-
Secret des informations médicales et protection de l’enfance
D'après la « Communication et partage d’information à caractère secret appliqués aux professionnels de santé» groupe d’appui de la réforme de la protection de l’enfance, fiche technique n°2, mars 2010, 5pp, p 5, http://www.reforme-enfance.fr/groupedappui.html
Le partage d’informations à des fins thérapeutiques et de soins est autorisé entre professionnels de santé, pour des informations à caractère secret concernant une même personne, mais doivent respecter quatre conditions :
- se faire uniquement entre professionnels de santé
- être précédé de l’information du patiente et de l’obtention de sa non-opposition au partage d’informations
- la prise en charge du patient se fait par la même équipe
- le but du partage est thérapeutique.
En outre le partage d’informations médicales doit se faire dans le respect de la déontologie et de l’éthique.
Cette vigilance du respect du secret des informations médicales doit être constante lors de réunion où sont présents professionnels sociaux et professionnels de santé.
Par exemple, un diagnostic médical tel que « patient porteur d’une hépatite C", "enfant hémophile", "patiente schizophrène", "patiente enceinte dont l’enfant est porteur d’une trisomie 21"… Tous ces éléments sont des diagnostics médicaux, et ne peuvent donc être partagés dans des réunions médico-sociales ou des écrits de professionnels médicaux destinés à des travailleurs sociaux ou à des personnels administratifs ou judiciaires.
Comment ne pas divulguer les diagnostic médicaux sans entraver la qualité de la prise en charge de l’enfant à protéger ?
Premier exemple : une femme enceinte qui a une suivi pour une grossesse pathologique en hôpital de jour une fois par semaine.
Une manière de respecter la non-divulgation d’un diagnostic, peut être tout simplement d’indiquer que tel mère a un suivi médical hebdomadaire qui la contraint à ne pas pouvoir s’occuper de ses enfants un matin par semaine.
Deuxième exemple : pour un enfant qui a une mucoviscidose on peut indiquer par exemple qu’il a un suivi médical bimensuel dans un établissement à 1h de transport de chez lui, ainsi qu’une prise en charge à domicile lourde.
=> Dans ces deux exemples le diagnostic n’est pas divulgué, mais la contrainte du suivi médical est bien expliquée.
Enfin, si et seulement si il y a nécessité à communiquer un élément médical dans l’intérêt de l’enfant à protéger, cela peut se faire dans une note additive à l’information préoccupante "à part", sur des certificats médicaux identifiés comme tels, sous plis fermé, estampillé par « secret médical » et destiné par exemple à un autre professionnel médical comme le médecin chef de PMI.
D’ailleurs, afin de favoriser la transmission et le partage d’informations préoccupantes par les professionnels de santé, il est recommandé qu’un médecin soit rattaché à la cellule départementale (CRIP).
4
.
4
.
3
-
comment rediger une information préoccupante destinée a la crip ?
Questions-Réponses à partir de la lecture du Guide technique à l’usage des professionnels 2009
(cf. note : 13)
Questions :
a. Quelles sont les 6 grandes étapes qui jalonnent l’action des professionnels dans le cas d’une situation d’enfance en danger nécessitant la transmission d’une information préoccupante.
b. Dans quelles situations une IP doit être rédigée ? quel critère doit avoir une IP pour être traitée rapidement et efficacement ? Quel document permet de rédiger une IP ?
c. Quels éléments sont nécessaires concernant l’informateur ?
d. Quels éléments sont nécessaires concernant l’enfant concerné, ses parents ou les détenteurs de l’AP ?
e. Que doit contenir l’énoncé des faits motivant l’IP et sur quel mode doit il être rédigé ?
f. Quel autre élément doit être présent sur l’écrit professionnel d’IP ?
Réponses :
Les 6 grandes étapes qui jalonnent l’action des professionnels dans le cas d’une situation d’enfance en danger nécessitant la transmission d’une information préoccupante sont :
1. Apprécier le péril et la nécessité
2. Identifier le danger ou le risque de danger
3. Rédiger une information préoccupante
4. Informer les parents
5. Transmettre l’IP à la cellule de recueil départementale
6. Recevoir l’information des suites données à l’IP par le CG
Une information préoccupante doit être rédigée si la situation fait apparaître un risque de danger ou un danger pour l ‘enfant. Elle doit être précise pour être traitée avec efficacité et rapidité. Pour aider les professionnels dans sa rédaction il existe des fiches annexées à chaque protocole spécifique établi entre conseil général et partenaires.
(Exemple de fiche de recueil d’IP à transmettre à la cellule de recueil en ANNEXE)
La fiche annexée à chaque protocole partenariale est une aide pour les professionnels, mais n’est pas nécessaire à l’IP : une IP peut être rédigée sur une feuille simple, elle doit alors comporter un certain nombre d’éléments cruciaux pour son traitement :
- des renseignements sur l’identité du professionnel rédacteur de l’information préoccupante (nom, qualité, adresse professionnelle, téléphone, lien éventuel avec l’enfant signalé).
- des renseignements sur la nature de l’information : faits constatés (témoin direct), faits rapportés (faits qu’il n’a pas lui-même constatés), faits supposés, comment l’informateur a-t-il eu connaissance de la situation, en a-t-il informé quelqu’un d’autre (supérieur hiérarchique par exemple) et quand ?
- des renseignements sur l’enfant concerné, et des parents ou titulaires de l’autorité parentale : nom de l’enfant, date de naissance ou âge supposé, nom de la famille, adresse de l’enfant et de la famille, autres personnes vivant au domicile de l’enfant, éventuellement adresse du lieu de garde ou de l’école.
- l’énoncé des faits motivant l’IP : description et date des faits, fréquence des faits signalés, le cas échéant auteur des faits signalés.
- les éléments concernant l’état et les besoins de l’enfant.
- l’information qui a été délivrée aux parents ou détenteurs de l’AP.
Attention, une rigueur est nécessaire pour la manière de rédiger. L’écriture d’une IP doit respecter un mode DESCRIPTIF. Lorsqu’un professionnel n’a pas constaté les faits rapportés, cela doit donc être clair dans la manière de l’écrire.
Par exemple, si une mère vous fait par de violences exercées par son conjoint ou ex-conjoint sur leur(s) enfant(s), écrire que « monsieur X fait subir à ses enfants des actes de violences » ne peut être écrit par le professionnel qui n’a pas constaté les faits. Il devra le formuler ainsi : « Madame X me dit ce jour lors d’une consultation, que monsieur X avait fait subir des actes de violences à leurs enfants, tel jour, à tel moment. »
De la même manière si un professionnel constate des lésions, il ne peut que les décrire, et ne peut en identifier l’auteur. Cette vigilance dans l’écriture est indispensable.
En effet "Il est primordial que le professionnel s’en tienne à ne signaler aux autorités que les faits constatés. En effet, un des risques pour le professionnel, est d’être poursuivi pour dénonciation abusive par une personne désignée comme étant l’agresseur. Rappelons que la constitution du délit de dénonciation calomnieuse (l’article 226-10 du Code pénal) implique que la personne dénonçant les faits sache au moment de cette dénonciation que ces éléments sont partiellement ou totalement inexacts." (cf. note : 14)
Informations complémentaires sur la rédaction d’une information préoccupante :
Quelques conseils complémentaires de rédaction(cf. note : 17) :
- "Les déclarations de l’enfant et celles de la personne qui a reçu en premier ses confidences peuvent être citées entre guillemets, en prenant le soin de consigner les termes exacts utilisés".
- "Il est aussi possible de rapporter ce qui a été dit sur un style indirect, de préférence au conditionnel lorsque le professionnel n’en a pas été le témoin direct, y compris si les déclarations ont trait à l’auteur".
- "Le signalement peut, à la différence du certificat médical, comporter une part d’interprétation des faits à l’origine des troubles constatés et notamment faire allusion à la personne qui pourrait en être l’auteur, sous réserve que cette interprétation paraisse fondée et ne soit pas hasardeuse. Mais il faut absolument éviter d’affirmer que les faits lui sont imputables, l’enquête et, le cas échéant, l’information judiciaire devant permettre de le déterminer".
Notes
-
13 :
information préoccupante et signalement : guide technique à l’usage des professionnels , Conseil Général des Alpes Maritimes, 2009, 38 pp
-
14 :
MAES E, secret professionnel appliqué à la pédiatrie, cas du signalement de l’enfance en danger, enquête prospective auprès des médecins généralistes » thèse pour le DE de docteur en médecine, mai 2004, p 60.
-
17 :
DUVAL-ARNOULD D. DUVAL-ARNOULT M. Droit et santé de l’enfant. Paris, Masson 2002
4/5