3
-
Physiopathologie de la MIN
Tous les experts conviennent qu’il s’agit d’un sujet difficile, non dépourvu d’incertitudes. Quelle part revient à la constitution de l’enfant, à la maladie, à la position de couchage, aux comportements de l’entourage, aux conditions d’environnement ?
La MIN est un accident multifactoriel survenant à un âge vulnérable dû à une succession d'événements qui s'associent et s'amplifient.
3
.
1
-
Les facteurs de risque (fdr)
De nombreuses études épidémiologiques ont permis de mieux préciser les facteurs de risque des morts inattendues du nourrisson. On peut les regrouper en 3 grandes catégories. Ainsi, la règle des « 3 M : Milieu – Maladie - Maturation» a été élaborée.
3
.
1
.
1
-
Le Milieu
Cette catégorie regroupe des fdr très connus comme la positon du couchage, la température ambiante, les intoxications tabagique et médicamenteuse, d'autres controversés comme les conditions socio-économiques de la famille mais aussi certains fdr plus récemment incriminés comme les conditions de couchage ou sous-estimés comme les sévices.
3
.
1
.
1
.
1
-
La position de sommeil
La position de sommeil en décubitus ventral (DV) a été dénoncée comme facteur de risque majeur depuis plus de 30 ans. En effet dès 1975, Tonkin fait l'hypothèse que l'obstruction aérienne de l'oropharynx pendant le sommeil paradoxal est le mécanisme causal de la mort subite du nourrisson, et qu'il est renforcé lorsque l'enfant était couché sur le ventre. Cette analyse rencontre immédiatement le soutien de Beckwith. Kravitz reprend cette idée quelques années plus tard. En France, le premier à attirer l'attention des pédiatres sur les méfaits de la position ventrale est Sénécal en 1987. La conviction des spécialistes tend à s'établir plus fermement vers 1990-1991.
Marie-Hélène Bouvier-Colle, Françoise Hatton, ., Mort subite du nourrisson : aspects épidémiologiques, histoire et statistiques ; médecine thérapeutique, vol 4, N°8, octobre 1998 ; pages 633-640
D'un point de vue physiopathologique, pendant son sommeil, le nourrisson ne peut contrôler son homéostasieDéfinitionintroduit en biologie par Claude Bernard et défini comme la capacité que peut avoir un système quelconque à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures, il fut repris par un américain du nom de Cannon qui parlait de l'homéostasie comme « la sagesse du corps ». En effet, pour lui, l’homéostasie est l’équilibre dynamique qui nous maintient en vie. C'est la maintenance de l'ensemble des paramètres physico-chimiques de l'organisme qui doivent rester relativement constants (glycémie, température, taux de sel dans le sang, etc.).. Sachant que la thermolyse est essentiellement assurée par la face, le DVdiminue les possibilités d’échanges thermiques, créant ainsi les conditions d’une ascension de la température corporelle. Une infection intercurrente même bénigne, un excès de température majore alors le risque d’hyperthermie. D'autre part, couché sur le ventre, le nourrisson risque, le nez enfoui dans l'oreiller, par un phénomène de « rebreafing » ou « ré-inspiration à circuit fermé », de ventiler dans un micro environnement enrichi en gaz carbonique et appauvri en oxygène engendrant ainsi une hypercapnieDéfinitionL'hypercapnie ou l'hypercarbie est un phénomène qui survient lorsque la pression partielle de CO2 dans le sang artériel (PaCO2) devient trop importante ; on parle alors de surcharge du sang artériel en CO2..
En 2004, Carpenter RG, and coll. , dans une étude européenne regroupant 20 centres démontrent que 48 % des MIN sont attribuées au DV et au décubitus latéral (DL), avec un OR de 13,1. Ce dernier atteint 45,4 en cas de retournement du côté sur le ventre.
Le décubitus dorsal (DD)n’a pas que des avantages. En effet, il entraîne indiscutablement un risque important de plagiocéphalieDéfinitiondu grec « plagios » = oblique et « kephalê » = tête est un signe clinique rhumatologique se traduisant par un aplatissement unilatéral de la voûte crânienne. positionnelle ou posturale de bon pronostic, mais qui pourrait être diminué en plaçant l’enfant avec la tête tournée alternativement d’un côté ou de l’autre, ou en changeant périodiquement l’orientation de l’enfant par rapport à la lumière de sa chambre ou par rapport à ses jouets. Il a été également montré qu’en position dorsale le développement moteur de l’enfant était légèrement retardé mais, fort heureusement, on n’observe plus aucune différence à partir de l’âge de 18 mois entre les nourrissons couchés sur le ventre et ceux couchés sur le dos. De très grandes craintes concernent le risque de reflux gastro-œsophagien et de fausses routes alimentaires lorsque l’enfant est couché sur le dos. Toutes les études menées dans les différents pays s’accordent pour dire qu’il n’y a aucune inquiétude de ce type à avoir. On note même dans la plupart des études une diminution des accidents de fausse route chez les enfants couchés sur le dos.
Beaucoup de parents, de soignants et de médecins, restent réticents, pour des raisons très diverses, à recommander systématiquement le DD. C’est la raison pour laquelle, beaucoup d’enfants sont encore couchés sur le côté. Cette position est évidemment bien moins dangereuse que la position ventrale, mais elle comporte un risque, celui de changement spontané de position de l’enfant pendant son sommeil : ce changement aboutit dans la plupart des cas à une position dorsale, mais, dans les autres cas, l’enfant bascule sur le ventre, le remettant ainsi en situation dangereuse (OR 2). Toute une série de dispositifs sont proposés par les fabricants de matériel de puériculture pour caler le bébé afin qu’il ne puisse pas se retourner : aucun de ces dispositifs n’a fait la preuve de son efficacité, et ne peut donc être médicalement recommandé. Certains moyens de contention peuvent d’ailleurs s’avérer potentiellement dangereux.
En 2006, Blair, Ward Platt and coll. , dans une étude comparant 325 MSN à 1 300 nourrissons appariés en âge montrent que 83 % des décès surviennent la nuit, mais que le risque de DL est significativement plus marqué parmi les décès diurnes par rapport aux décès nocturnes (p = 0,0001).
3
.
1
.
1
.
2
-
L'intoxication tabagique
Le tabac est un facteur de risque qui a été démontré par de nombreuses études.
La pathogénie de cette morbidité n'est pas clairement établie car, très souvent, l'intoxication tabagique in utero se poursuit par un tabagisme passif du nourrisson et peut être associée à d'autres prises de toxiques.
Ce risque est d’autant plus fort que la mère a fumé pendant toute la grossesse. Il diminue lorsque l’arrêt du tabac intervient tôt en cours de la grossesse. En 2006, Blair, Sidebotham and coll. , dans une étude anglaise sur 20 ans, retrouvent un pourcentage de mères fumeuses pendant la grossesse et ayant perdu un enfant de MIN évoluant de 57 % à 86 % (p=0,0004), alors qu’il est de 27 % dans un groupe contrôle de mères ayant perdu un bébé quelle que soit la cause.
D'autres études démontrent que le tabagisme passif est également incriminé puisque le risque qui existe déjà lorsque seul le père fume, est augmenté en proportion du nombre de fumeurs dans la maison.
3
.
1
.
1
.
3
-
L'intoxication médicamenteuse
De plus en plus fréquente, ce type d'intoxication est, le plus souvent, polymédicamenteuse, massive, chronique et associée aux opiacés et à d'autres addictions maternelles.
L'étude suisse de 2007 de Kahlert, Rudin et Kind portant sur 13 ans rapporte un OR de 69 chez des mères toxicomanes VIH positives.
3
.
1
.
1
.
4
-
Les conditions socio-économiques
Les facteurs socio-économiques sont encore controversés et, pour certains auteurs ils sont non spécifiques. Toutefois, les observations cliniques françaises récentes de C. Carpentier suggèrent que les cas de MIN tendent à se concentrer au sein de la population extrêmement défavorisée. Ce constat, fait dans la région Nord-Pas-de-Calais et qu'il faudrait vérifier dans d'autres régions, demande de poursuivre avec la plus grande énergie les efforts de prévention s'adressant aux populations les plus démunies.
Depuis l’application des conseils simples de prévention, les MIN surviennent dorénavant plus fréquemment lorsque les conditions socio-économiques de la famille sont défavorables. Il est probable que les messages de prévention y sont plus difficiles à faire appliquer. En 2006, Blair, Ward Platt and coll. mettent en évidence qu'en 20 ans, le pourcentage de familles socialement défavorisées en cas de MIN est passé au Royaume-Uni de 47 % à 74 %, notamment en cas d’âge maternel inférieur à 20 ans, de mère isolée, de prématurité, de familles de quatre enfants et plus. Leur conclusion est qu'arriver à convaincre ces familles permettrait de diminuer encore plus le risque de MIN.
3
.
1
.
1
.
5
-
Les conditions du couchage
Le DD est largement reconnu comme facteur de risque de MIN. Certains auteurs ont étudié les répercussions des conditions du couchage du nourrisson et ont mis en valeur certains fdr se rajoutant à la position du nourrisson pendant son sommeil.
-
L'environnement du couchage
En 2005, l'académie américaine de pédiatrie, puis en 2006 Blair, Ward Platt and coll. qui avaient déjà mené une étude sur la position du nourrisson pendant son sommeil, mettent en évidence que le risque de MIN augmente d’une part avec l’utilisation de couvertures, couettes et l’emmaillotement de l’enfant avec le risque d’étouffement, et d’autre part lorsque la température de la chambre est élevée avec le risque d’une hyperthermie maligne en cas d’infection.
-
Le partage du lit ou « co-sleeping « ou « bed-sharing »
Le partage du lit n'est pas un facteur de risque à lui seul, mais il majore les risques de MIN quand il est associé à d'autres facteurs de risque connus et cités plus haut comme le tabac.
En effet, en 2006, l’étude européenne de Carpenter et coll. montre qu’en cas de partage de lit, le risque de MSN est d’autant plus fort qu’il s’agit d’une mère fumeuse, si les deux parents fument, ont bu de l’alcool, pris des drogues ou s’ils sont très fatigués. Pour les mères qui ne fument pas, l’OR est plus faible mais est significatif seulement pendant les 8 premières semaines de vie. De même, la même année, dans une étude néo-zélandaise, Thomson and coll. démontrent que le tabac maternel et le « bed sharing » constituent des facteurs de risque lorsque les MIN sont survenues en position dorsale ou latérale de sommeil, c’est-à-dire indépendamment de la position ventrale.
Ce risque est aussi retrouvé dans d’autres études, lorsque la mère fume et/ou est âgée de moins de 19 ans, mais uniquement chez les enfants âgés de moins de 11 semaines, surtout si le nourrisson dort entre deux personnes et pour une courte période de moins de 2 heures. Ce risque persiste même si la mère ne fume pas ou allaite.
Plusieurs études ont démontré qu'à l’association entre MIN et « bed sharing » le facteur jeune âge du nourrisson est un élément important. Ce fdr supplémentaire est bien mis en évidence dans l'étude hollandaise en 2006 de Ruys and coll., où 26 % des MIN de moins de 6 mois ont partagé le lit d’un adulte, contre 9,4 % dans une population contrôle appariée, avec un OR d’autant plus fort que l’enfant est jeune et sans influence de l’allaitement maternel. Le « bed sharing » est passé de 5,5 à 12,8 % aux États-Unis entre 1993 et 2000. En 2003, Willinger and Coll. analysent 1 000 entretiens annuels auprès de 8 453 personnes gardant des nourrissons et montrent que 45 % des enfants ont passé au moins une partie de la nuit dans le lit d’un adulte au cours des deux semaines précédentes. Parmi les facteurs de risque, ils retrouvent le jeune âge maternel (< 18 ans), l’origine ethnique (noire, asiatique), le faible niveau de revenus et l’âge de l’enfant (moins de 8 semaines).
Le partage d’un canapé pour dormir avec l’enfant représente un risque encore plus élevé. L’étude de Blair PS and coll. en 2006 montre aussi que le risque de MIN augmente en cas de partage de canapé.
3
.
1
.
1
.
6
-
Les sévices
Selon la littérature internationale, la part des homicides dans la mortalité infantile est certainement sous-estimée et il existe, des confusions entre homicides, MIN et morts « de cause inconnue », le pourcentage de ces dernières stagnant en France.
Le syndrome de Silverman ou syndrome de l'enfant battu doit systématiquement être évoqué mais il faut insister sur la très grande prudence avec laquelle il convient de chercher les stigmates cutanés, muqueux, osseux, nutritionnels, psychiatriques et sociaux qui étayent ce diagnostic.
Une étude française rétrospective des morts suspectes de nourrissons entre 1996 et 2000 de Tursz et coll. a concerné les services hospitaliers accueillant des enfants décédés, les parquets et les statistiques du CépiDc de l’Inserm, avec recoupement des trois types de données (après accord de la Commission nationale informatique et libertés). Les objectifs exploraient deux domaines : les données statistiques de mortalité infantile d’origine violente et la mesure de la magnitude du problème et les pratiques professionnelles conduisant à cette connaissance épidémiologique. Les résultats concernent 619 cas de 33 hôpitaux et 247 cas de 26 parquets, dans trois régions : Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais. Dans les hôpitaux, le diagnostic de mort suspecte d’être d’origine intentionnelle ou certainement violente intentionnelle (MSV) a concerné 5,3 % des cas ; en cas de suspicion, un signalement judiciaire a été effectué dans 1/3 des cas, avec un retour d’information de la justice très faible (13 %). Dans l’enquête parquets, 80 MSV se répartissent en trois grandes catégories : néonaticides (27), syndrome du bébé secoué (35), « autres » morts violentes intentionnelles (18). La moitié des enfants (néonaticides exclus) ont des antécédents de maltraitance, connus avant le décès dans 1/3 des cas. Dans les deux enquêtes, Tursz a constaté une sous-investigation, concernant notamment le fond d’œil et l’autopsie (la moitié des MIN inexpliquées est diagnostiquée sans autopsie). Le recoupement avec les données du CépiDc a montré la sous-estimation des homicides (de 3 à 15 fois plus nombreux que le chiffre officiel, selon l’enquête) ; les diagnostics de morts accidentelles, morts de cause inconnue et MIN recouvrent souvent des homicides. Le peu de fiabilité des statistiques de mortalité est en grande partie lié à l’insuffisante collaboration entre secteurs (non transmission à l’Inserm des informations hospitalières et des instituts médico-légaux).
3
.
1
.
2
-
La maladie
Cette catégorie regroupe toute forme de maladie, qu'elle soit liée à l'environnement ou propre au nourrisson. Certains fdr ont fait l'objet de nombreuses études et sont reconnus par tous comme l'hyperthermie, le pic hivernal, les malformations ; d'autres font l'objet de publications plus récentes comme les troubles du rythme cardiaque, les maladies métaboliques et les anomalies héréditaires.
3
.
1
.
2
.
1
-
L'hyperthermie
Le risque d’hyperthermie chez le nourrisson est bien connu des professionnels depuis une trentaine d’années, mais reste méconnu de beaucoup de parents. Ce risque est majoré lorsque le nourrisson est couché en DV et encore plus quand il est couvert avec des couvertures épaisses, voire une couette. L’hyperthermie est plus fréquemment observée pendant les périodes hivernales en rapport avec les épidémies d’infections. En effet, l’hyperthermie et des variations brusques et importantes de la température centrale (hyper ou hypothermie) modifient la régulation respiratoire.
Les hyperthermies ne sont pas toutes infectieuses. Elles peuvent être aussi exogènes quand le nourrisson est trop couvert ou trop près d’une source de chaleur. Elles créent alors des pertes d’eau importantes et peuvent aboutir à une déshydratation.
3
.
1
.
2
.
2
-
Le pic hivernal
La recrudescence hivernale, la présence d’une rhinopharyngite avant le décès, les lésions inflammatoires du système respiratoire, la découverte de virus et bactéries dans les lésions sont des facteurs bien documentés.
Lors du bilan post mortem, les germes les plus fréquemment retrouvés sont des virus (Virus Respiratoire Syncitial ou VRS, cytomégalovirus ou CMV, adénovirus) et des bactéries (Haemophilus Influenzae, Bordella Pertussis) ; des médiateurs de l’inflammation (interféron, interleukines) sont présents dans le liquide céphalo-rachidien et le plasma ; des enzymes du métabolisme de détoxification des xénobiotiques (cytochromes) sont anormalement représentés.
3
.
1
.
2
.
3
-
Les malformations
Les « apnées » obstructives sont connues lors des anomalies malformatives de la filière laryngo-pharyngée (syndrome de Pierre-Robin, laryngomalacie, rétrécissement des voies aériennes supérieures) ou lors des problèmes infectieux (laryngite, rhinite, épiglottite) ou chimique (irritation des reflux gastro-œsophagiens graves).
Le reflux gastro-œsophagien peut être la cause d’une inhalation alimentaire massive. Celle-ci est rare. Ces reflux se compliquent aussi de malaise et de perte de connaissance documentés par des enregistrements cardiaques et respiratoires. Avec ou sans œsophagite, le reflux est, dans certains cas, cause d’un réflexe vagal bradycardisant ou apnéisant. Il n’a néanmoins pas été démontré qu’il peut à lui seul et en l’absence de fausse route massive, être responsable de décès.
3
.
1
.
2
.
4
-
Les troubles du rythme cardiaque
Les troubles du rythme cardiaque sont rares. Si le syndrome du QT long, avec ou sans surdité, est exceptionnel chez le nourrisson, les autres troubles du rythme (tachycardie supra ventriculaire ou jonctionnelle, bloc auriculo-ventriculaire) doivent être dépistés dès la période néonatale. Ils sont responsables d’accès de pâleur, de brèves pertes de contact voire d’accès de cyanose ou, lorsqu’ils se prolongent, de l’installation d’une insuffisance cardiaque.
En 2000, une publication américaine de Mallow and coll. ( article de Michel Dehan et Elisabeth Briand ; service de pédiatre et réanimation néonatales ; hôpital Antoine Béclère; Clamart) rapporte qu’un certain nombre de cas de MIN en Italie peuvent être dus à un allongement de l’espace QT, dépistable sur les ECG réalisés au cours de la première semaine de vie. Quelques cas de syndrome de QT long entraînant des récidives de MIN ont été rapportés. Mais de nombreux biais méthodologiques concernant ce travail ont été dénoncés.
Plus récemment, en mars 2010, l’équipe de Bousquet, Livolsi et coll. (Université et hôpitaux universitaires de Strasbourg) (Dr Béatrice Vuaille : Une anomalie dans le cœur de bébés décédés de MSIN ; 3 mars 2010) s’est intéressée aux relations entre l’activité du système parasympathique et la MIN. L’étude, qui montre pour la première fois une surexpression des récepteurs muscariniques cardiaques en association avec la MIN, est menée chez 18 nourrissons décédés de MIN et chez 19 témoins, morts d’autres causes. L’analyse porte sur des prélèvements de ventricule gauche et des échantillons sanguins. Les résultats montrent que la densité des récepteurs cardiaques spécifiques (dits muscariniques) à l’acétylcholine, le médiateur du nerf vague (parasympathique), est doublée et presque triplée dans le groupe MIN comparativement aux témoins. L’anomalie est trouvée chez tous les enfants du groupe MIN. L’activité de l’enzyme acétylcholinestérase érythrocytaire est également augmentée significativement en moyenne dans le groupe des MIN, mais pas chez tous les sujets. Cette hyperactivité enzymatique pourrait correspondre à un mécanisme compensateur de l’organisme qui tente de répondre à l’excès d’acétylcholine. Lorsque ce mécanisme est dépassé, le risque de MIN apparaît dans un contexte où les enfants présenteraient une vulnérabilité par hyperactivité parasympathique.
3
.
1
.
2
.
5
-
Les maladies héréditaires métaboliques
Des anomalies héréditaires du métabolisme des acides gras ont été documentées. Les acides gras deviennent, en cas de jeûne prolongé, l’aliment énergétique en remplacement du glucose. Leur utilisation nécessite des déshydrogénations successives pour fournir des acyl COA. Un déficit de l'enzyme MCAD ou Medium Chain Acyl CoA Deshydrogenase non symptomatique à la naissance, provoque à l’occasion d’un jeûne prolongé une symptomatologie bruyante à type de malaise hypoglycémique sans cétose, d’encéphalopathie, de syndrome de ReyeDéfinitionmaladie neurologique aigue qui peut provoquer une stéatose hépatique et un œdème cérébral. De cause inconnue, il s’observe surtout au décours d’une infection virale et a été associé à l’utilisation d’aspirine et dérivés salicylés., de coma, d’acidose métabolique sévère.
LAUGIER.J, ROZE.JC, SIMEONI.U, SALIBA.E. , Soins aux nouveau-nés : avant, pendant et après la naissance ; Masson,2ème édition, Paris, 2006, 837 pages LAUGIER.J, ROZE.JC, SIMEONI.U, SALIBA.E. Soins aux nouveau-nés : avant, pendant et après la naissance ; Masson,2ème édition, Paris, 2006, 837 pages
En 1996, Lecoq, Mallet et coll., (cf. CR des 5èmes assise internationales sur la MSIN) mènent une grande étude internationale cas/témoin regroupant 8 régions de 5 pays (Allemagne, Danemark, Écosse, France et 4 régions des USA) et portant sur 225 nourrissons décédés de MIN versus 2000 nouveau-nés sains. Les prélèvements sanguins sont effectués en même temps et dans les mêmes conditions que le dépistage néonatal. Les résultats confirment le caractère rare de cette maladie métabolique (1seul cas d'homozygote de la mutation G985 dans le groupe malade) et retrouvent 15 nourrissons hétérozygotes dans le groupe MIN. Ce déficit semble donc être un des fdr de la MIN.
Cette mutation reste rare (entre 1/8 000 et 1/25 000 nouveau-nés sont touchés par un déficit en MCAD en Europe), mais 2/3 à 3/4 des enfants atteints développent une crise métabolique qui mène au décès dans 20% des cas et à des séquelles neurologiques dans 10% des cas en l'absence de traitement. La prise en charge à long terme est simple et consiste à éviter les périodes de jeûne et à augmenter l’apport en hydrates de carbone quand les besoins énergétiques augmentent.
Dans le cadre du Plan national « Maladies rares » 2010-2014, la Direction générale de la Santé (DGS), l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE), la Société française de biologie clinique (SFBC) et la Société française pour l’étude des erreurs innées du métabolisme (SFEIM) ont saisi la HAS afin d’évaluer l’intérêt d’étendre le dépistage néonatal actuel au déficit en MCAD.
3
.
1
.
3
-
La maturation
Cette catégorie regroupe les facteurs de risque liés à la maturation cérébrale du nourrisson comme l'âge de survenue du décès, le terme gestationnel à la naissance, la trophicité du nouveau-né ou des antécédents de souffrance néonatale.
3
.
1
.
3
.
1
-
L'âge de survenue du décès
De nombreux facteurs de risque ont été recherchés et mis en évidence par de très nombreuses études, un ressort comme vraiment spécifique à la MIN : l'âge de survenue.
On enregistre en 2005 en France métropolitaine, 247 décès par MIN. Le taux de décès global par MIN est alors de 31,9/100 000 dont 92% sont survenus pendant la période post-néonataleDéfinitionde 28 à 364 jours soit de 1mois à 1 an. En effet, le taux passe de 1/100 000 chez les plus jeunes à 29,3 chez les enfants de plus de 27 jours.
L'âge de survenue du décès est, en moyenne à 2,5 mois. Il est maximum entre 2 et 3 mois et 90 % des cas se produisent avant 6 mois.
3
.
1
.
3
.
2
-
Les apnées centrales
Un nourrisson né à terme, eutrophique, sans pathologie néonatale, n’a pas une respiration régulière et il fait des pauses respiratoires d’origine centrale de brève durée (<15s). Ce phénomène est physiologique et en aucun cas prédictif d’un accident de MIN.
La responsabilité des apnées est encore débattue pour les prématurés, les nouveau-nés hypotrophiques ou encore pour les enfants ayant présenté une grande souffrance pernatale justifiant des mesures de réanimation. Cependant, c’est dans ce cadre bien particulier que des lésions anatomiques du tronc cérébral (séquelles d’infection, d’accidents vasculaires ou d’hypoxie) peuvent être responsables d’apnées centrales anormalement longues (>20s) et potentiellement pathologiques. Ainsi, une déficience du contrôle neuro-végétatif engendre une apnée prolongée puis une bradycardie.
En 1998, Carpentier et coll., (Cf. CR des 5èmes assise internationales sur la MSIN) cherchent à connaître l'incidence d'un retard de maturation et/ou d'une anomalie du contrôle cardio-respiratoire dans la MIN. Ils étudient l'oncogenèseDéfinitionTerme issu du grec onkos : masse et génnan : engendrer. Synonyme : cancérigène, oncogénique. Le terme Oncogenèse est synonyme de cancérogenèse c'est-à-dire susceptible de provoquer un cancer. des récepteurs de la somatostatineDéfinitionHormone découverte en 1972. sécrétée principalement dans le tube digestif au niveau des cellules endocrines (hormonales) appartenant au duodénum et au pancréas. Elle est également présente dans le système nerveux central et plus particulièrement au niveau de l'hypothalamus. Son rôle est d'inhiber la sécrétion de l''hormone de croissance par l'hypophyse mais également de nombreuses autres hormones : thyrolibérine, corticolibérine (sécrétée par l'hypothalamus), thyréostimuline, gastrine (sécrétée par l'estomac) insuline et glucagon (sécrétées par le pancréas). (insérer définition dans le glossaire) dans le tronc cérébral humain. La somatostatine est un neuropeptide qui semble impliqué dans le contrôle de la respiration ainsi que dans l'oncogenèse du système nerveux. Ils émettent l'hypothèse de l'existence d'une anomalie de la maturation des systèmes de transmission somatostatinergiques dans le tronc cérébral des victimes de MIN. L'étude cartographique de ces récepteurs dans les noyaux respiratoires du tronc cérébral montre que la densité des récepteurs de la somatostatine diminue de 30 à 90 % selon leur localisation, depuis la mi-gestation jusqu'à 6 mois après la naissance. Ces résultats suggèrent l'existence d'un lien de cause à effet entre la présence de forts taux de récepteurs de la somatostatine dans les noyaux respiratoires du fœtus, d'une part, et l'hypoventilation paradoxale survenant en condition d'hypoxie et/ou l'abondance des apnées observées chez les enfants prématurés, d'autre part. Ils réalisent ensuite une étude comparative cas/témoins des densités de récepteurs mesurées chez des enfants décédés de MIN à celles observées chez les nourrissons témoins. Les résultats mettent en valeur des densités anormalement élevées de récepteurs de la somatostatine dans plusieurs noyaux respiratoires chez environ 50% des victimes de MIN. Au niveau des noyaux para-brachial médian et latéral, la densité des récepteurs est significativement plus élevée que chez les témoins avec un OR Malade/Témoin égal à 2. Ils concluent que les fortes concentrations de récepteurs, également observées chez les fœtus, pourrait refléter un retard du développement. Une sensibilité accrue des noyaux respiratoires à la somatostatine, résultant de fortes concentrations de récepteurs notamment dans les noyaux parabrachial latéral et médian, pourrait favoriser l'apparition d'apnées en condition d'hypoxie et par conséquent être responsable d'une partie des cas de MIN.
3
.
2
-
Encore quelques questions
Si certains facteurs de risque sont étudiés et reconnus par de nombreuses équipes, certains points restent sources de débats au sein des professionnels et de questions des parents endeuillés ou inquiets sans pouvoir apporter de réponse argumentée.
3
.
2
.
1
-
Existe-t-il des risques pour la fratrie?
Un facteur génétique pourrait-il expliquer que le taux de MIN se stabilise actuellement malgré l'application massive des recommandations ?
Le risque de récurrence de MIN au sein d'une même fratrie apparaît variable d'une étude à l'autre (de 0 à 2 voire 10 fois plus).
3
.
2
.
1
.
1
-
Pour la future fratrie
Pour Dehan, hormis des cas très particuliers et rares, comme ceux en rapport avec une maladie héréditaire du métabolisme, il est actuellement admis que la MSN reste un accident isolé, sans risque pour les enfants suivants d’une même fratrie. Les professionnels doivent être profondément convaincus de cette réalité, afin de contribuer à créer un climat de confiance vis à vis d’une nouvelle vie à venir au sein des couples pour qui la crainte de récidive est, chez eux, bien légitime.
Plusieurs publications ont documenté des cas de récurrence dans une même famille mais en rapport avec des infanticides. Ceci s’inscrit plutôt dans un syndrome particulièrement difficile à diagnostiquer, le Syndrome de Münchhausen par procurationDéfinitionforme de maltraitance d’un adulte envers un enfant qui consiste à provoquer de manière délibérée des problèmes de santé conduisant à des soins médicaux répétés., qui, fort heureusement, reste exceptionnel.
A l'inverse, Irgens, en 1984, montre que le risque de récidive de MIN dans une fratrie est multiplié par 2 voire 3 par rapport à la population générale.
De même, en 2000, Lenoir et coll., dans une étude généalogique de 30 familles touchées par une MIN, émettent l’hypothèse d'une possible existence d'un gène autosomal dominant mais avec une pénétrance incomplète, c'est à dire des variations de manifestations du gène et de son expression.
3
.
2
.
1
.
2
-
Le risque est-il plus élevé chez les jumeaux ?
Pendant plusieurs décennies, ce risque a été considéré comme augmenté dans cette population.
Smalek, en 1986, montre que ce risque est multiplié par 6 chez le 2ème jumeau voire plus si ils sont homozygotes. Cette hypothèse est soutenue par Mallet qui ajoute que le terrain génétique et l'environnement identiques ne peuvent qu'ajouter un risque supplémentaire de récidive de MIN.
A l'inverse, une étude menée aux Etats-Unis en 2010 par Mallow and Coll., comparant 23 464 cas de MSN chez des singletons à 1 056 MSN survenant chez des jumeaux, conclut qu’il n’y a pas de risque supplémentaire dans cette population. De plus, le risque de survenue d’une mort subite simultanée ou à une période très rapprochée chez les jumeaux est extrêmement rare (4/100 000 grossesses gémellaires).
3
.
2
.
2
-
Existe-t-il des facteurs protecteurs ?
Si beaucoup d'études ont identifié les différents facteur de risque de MIN, un certain nombre de chercheurs ont aussi recherché l'existence de facteurs protecteurs.
Comme pour le risque de MIN dans la fratrie, les résultats des différentes études ne sont pas toujours concordants et les avis des professionnels divergent parfois.
3
.
2
.
2
.
1
-
Les vaccins
De tout temps, les vaccins ont été accusés d’augmenter le risque de MIN. Ceci provient du fait qu’il existe une coïncidence chronologique entre le début de la vaccination et l’âge où le risque de MIN est maximum. De nombreuses études, menées tant en France qu’à l’étranger, ont toujours innocenté, au plan statistique, la vaccination.
La méta-analyse de Vennemann en 2007, regroupant 9 études de cas/témoins, confirme même que les vaccinations ont un effet protecteur vis-à-vis de la MIN, puisque les enfants complètement vaccinés ont 2 fois moins de risque que ceux non vaccinés.
3
.
2
.
2
.
2
-
L’allaitement maternel
Les différentes études comparatives cas/témoins menées entre 1996 et 2006 sont discordantes pour isoler l’effet protecteur de l’allaitement maternel. Certaines notent que le «bed sharing» semble favoriser l’allaitement maternel et que les réponses maternelles sont plus rapides et plus fréquentes. Mais nous rappelons que cette pratique constitue un facteur de risque indépendant de MIN.
3
.
2
.
2
.
3
-
L'usage des tétines
L’utilisation des tétines est un sujet de controverse et actuellement en pleine discussion. Une telle pratique a été accusée de diminuer la durée de l’allaitement et d’augmenter les risques d’otite et de malocclusion dentaire.
Mais des études récentes montrent que les nourrissons utilisant les tétines auraient un risque moindre de MIN. Le mécanisme protecteur serait dû à des déglutitions et des réactions d’éveil plus fréquentes, le couchage en DD, la protection des voies oro-pharyngées par la tétine et la diminution du reflux gastro-œsophagien par la succion non nutritive.
En effet, plusieurs études cas-témoins montrent un effet protecteur surtout en cas d’usage lors de la dernière nuit et peut-être aussi pour les MIN retrouvées dans des positions autres que le DD.
En 2005, Hauck and coll. réalisent une méta-analyse sur sept études effectuées entre 1966 et 2004. Ils concluent à une diminution de MIN que ce soit avec un usage habituel de la tétine ou lors de la dernière nuit, et recommandent son utilisation à partir du moment où l’allaitement maternel est bien mis en place. Dans l’étude européenne en 2004 de Carpentier et coll., la significativité n’apparaît qu’au dernier couchage (OR MIN/témoin = 0,44) ainsi que l'étude de Li (OR MIN/témoin = 0,08). Cette dernière, réalisée en Californie en 2006, montre aussi que l’usage de la tétine permet de diminuer le risque de MIN même en cas de DV ou DL (OR avec tétine MIN/témoin = 0,66 vs OR sans tétine = 2,61) et même en cas de «co-sleeping» avec une mère fumeuse (OR avec tétine MIN/témoin = 1,1 vs OR sans tétine = 4,5).
Actuellement, il semble donc inapproprié de décourager l’utilisation des tétines, en attendant les conclusions d'autres études.
3
.
2
.
2
.
4
-
Le partage de chambre ou « room sharing »
Dans leur étude européenne de 2004, Carpenter et coll. concluent que, contrairement au « bed sharing », le « room sharing » ou partage de la chambre semble un facteur protecteur lorsque l’enfant dort dans la chambre des parents pendant les 6 premiers mois de vie.
3/7