1. Explorations et traitement probabiliste nécessaires d’emblée
La prescription d’examens complémentaire d’emblée ne se justifie que dans les situations suivantes :
– diarrhée hémorragique et/ou syndrome dysentérique témoignant d’une atteinte organique iléale et/ou colique (diarrhée hémorragique) ou colique au moins en partie distale (syndrome dysentérique). Les agents infectieux potentiellement en cause sont essentiellement bactériens (bactéries invasives (Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia, E. Coli entéro-invasif), ou bactéries produisant des toxines (E. Coli entéro-hémorragiques (dont E. Coli O157 : H7))), beaucoup plus rarement parasitaires (amibiase en cas de séjour en pays d’endémie) et virales (rectite herpétique vénérienne, colite à CMV exceptionnelle chez l’immunocompétent) ;
– terrains très vulnérables chez lesquels l’évolution d’une infection bactérienne non traitée pourrait menacer le pronostic vital : valvulopathe, grand vieillard avec comorbidités majeures ;
– syndrome septicémique (fièvre > 39 °C avec frissons ou hypothermie, voire choc septique) d’origine bactérienne ;
– déshydratation majeure.
Les examens complémentaires comportent :
– dans tous les cas :
– en cas de diarrhée hémorragique et/ou de syndrome dysentérique, une recto-sigmoïdoscopie (voire une coloscopie si elle est possible) permet de voir les éventuelles lésions muqueuses si elles sont accessibles, et de
prélever des fragments biopsiques pour analyse histologique et culture bactériologique (en ensemençant des broyats de biopsies sur les mêmes milieux sélectifs que pour la coproculture) ;
– en cas de déshydratation : un ionogramme sanguin (natrémie, kaliémie, réserve alcaline), une protidémie à la recherche d’une hémoconcentration et une évaluation de la fonction rénale (urémie, créatininémie), un
ionogramme urinaire (pour confirmer le caractère fonctionnel d’une éventuelle insuffisance rénale) ;
– en cas de syndrome septicémique une ou plusieurs hémocultures.
Dès les prélèvements effectués, une antibiothérapie probabiliste est justifiée, couvrant :
– les bactéries pathogènes : ciprofloxacine (un gramme par jour 3 à 5 jours) ;
– en cas de séjour en zone endémique, l’amibiase (dérivé nitro-imidazole, par exemple métronidazole : 1,5 g/jour pendant 10 jours).
L’antibiothérapie sera secondairement adaptée à l’antibiogramme. En cas de déshydratation, une perfusion hydro-électrolytique adaptée sera mise en place.
2. Cas général
Dans la majorité des cas, le médecin généraliste intervient dans les 24-48 premières heures d’évolution de la diarrhée. Il s’assure que la diarrhée n’est pas d’origine médicamenteuse, puis, sauf exceptions évoquées en ci-dessus, il se contente de donner des recommandations d’hydratation, d’alimentation et d’hygiène et de prescrire un traitement symptomatique (ralentisseurs du transit ou anti-sécrétoires). La majorité des diarrhées infectieuses, en particulier virales, sont de résolution spontanée en moins de 5 jours et ne nécessitent ni exploration ni traitement supplémentaires.
3. Persistance de la diarrhée malgré 3 jours de traitement symptomatique
Lorsqu’une diarrhée aiguë se prolonge plus de trois jours malgré le traitement symptomatique, la probabilité que la cause de la diarrhée soit une infection bactérienne ou parasitaire est élevée. La réalisation d’une coproculture et d’un examen parasitologique des selles est justifiée.
La présence de nombreux leucocytes et/ou hématies à l’examen direct des selles témoigne de lésions organiques iléales et/ou coliques sous-jacentes justifiant des explorations spécialisées (coloscopie).
À la coproculture, la présence d’Escherichia coli non typés, de Staphylococcus aureus (pathogène seulement via l’ingestion de toxines) et de Candida albicans n’est pas pathogène en soi, témoignant seulement d’un portage sain.
Lorsqu’une infection intestinale par une bactérie pathogène est identifiée, il convient de la traiter par antibiotiques pour tenter de raccourcir le temps d’évolution spontanée de l’infection. La ciprofloxacine est efficace sur la plupart des bactéries entéropathogènes. Les macrolides constituent l’antibiothérapie de première intention des diarrhées et colites à Campylobacter. L’identification d’un parasite pathogène justifie un traitement anti-parasitaire spécifique (voir chapitre 5).
4. Cas particuliers
La stratégie d’exploration d’une diarrhée aiguë apparue pendant un voyage ou au retour n’a rien de spécifique dans ses modalités, sous réserve de prendre en compte l’hypothèse de parasitoses d’importation (en particulier amibiase et cyclosporose, voir chapitre 6).
Un patient ayant une infection par le VIH contrôlée par le traitement antiviral et un taux de lymphocytes CD4 > 200/mm3 peut être exploré et traité comme un immunocompétent. En dessous de 200 CD4/mm3, l’examen parasitologique doit inclure la recherche par techniques spécifiques de Cryptosporidium et Microsporidium. En dessous de 100 CD4/mm3 , les colites à CMV sont possibles et peuvent être diagnostiquées par mesure de la charge virale systémique du CMV et par coloscopie avec biopsies à la recherche d’inclusions virales.
Les patients recevant une chimiothérapie anti-cancéreuse sont à risque d’infection à Clostridium difficile, même s’ils ne reçoivent pas d’antibiotiques. Une diarrhée aiguë dans les jours suivant une chimiothérapie anti-mitotique peut correspondre à la toxicité intestinale des anti-mitotiques mais doit être explorée (examens de selles) en cas de fièvre et/ou de neutropénie. Un contexte vénérien (rapports sexuels anaux) en présence d’une rectite doit faire évoquer et chercher (écouvillonnage et/ou biopsies rectales, sérologies) une infection par herpes simplex virus, Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoea, et Treponema pallidum.
Les diarrhées par toxi-infection alimentaire familiale ou collective (TIAC) (restaurants, cantines, hôpitaux, maisons de retraite) se définissent par l’apparition d’au moins 2 cas groupés similaires d’épisodes digestifs dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire. Toute TIAC doit faire l’objet d’une déclaration à l’autorité sanitaire départementale (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ou à la Direction départementale des services vétérinaires (DDSV) (voir chapitre 3).