Introduction

La mucoviscidose, encore appelée fibrose kystique du pancréas, est classiquement considérée comme la plus fréquente des maladies génétiques graves de l’enfant dans les populations d’Europe du nord ouest et d’Amérique du nord. Les progrès qui ont été accomplis au cours des dernières décennies dans la prise en charge de cette maladie ont conduit à améliorer considérablement l’espérance de vie des patients, et aujourd’hui près de la moitié d’entre eux sont des adultes.

L’expression clinique de la maladie se traduit essentiellement par une atteinte pulmonaire et digestive (1). Au plan pulmonaire, il s’agit d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive caractérisée par une production d’un mucus abondant épais, colonisé par une flore spécifique. Staphylococcus aureus et Haemophilus influenzae sont les premiers microorganismes retrouvés dans la flore, suivis quelques années voire quelques dizaines d’années plus tard, par une colonisation par Pseudomonas aeruginosa. Cette colonisation marque en général un tournant dans l’histoire de la maladie et son éradication devient difficile. Des atélectasies surviennent chez environ 5 % des patients et le pneumothorax est une complication fréquente. L’atteinte pulmonaire est responsable de l’essentiel de la morbidité et de la mortalité de la maladie.

Au plan gastro–intestinal, la manifestation clinique la plus précoce est la présence d’un iléus méconial qui survient chez 15 % environ des nouveau-nés. La maladie pancréatique - une insuffisance du pancréas exocrine - est présente chez 85 % des enfants à la naissance. La suffisance pancréatique est génétiquement déterminée, présente chez les enfants porteurs d’au moins une mutation peu sévère. Enfin, 95 % des hommes ont une absence de canaux déférents se traduisant par une stérilité par azoospermie excrétoire. La fertilité chez les femmes est également diminuée, mais le nombre de grossesses chez les femmes atteintes de mucoviscidose est en augmentation constante depuis deux décennies.

La mucoviscidose se transmet sur le mode autosomique récessif, et elle affecte un nouveau-né sur 4500 en France avec des différences loco-régionales significatives en terme d’incidence (une naissance pour 3000 en Bretagne, une naissance pour 7000 en Languedoc Roussillon) (2).

La maladie a été décrite pour la première fois par Fanconi en 1938 sous le nom de fibrose kystique du pancréas (3). Elle a par la suite été mieux diagnostiquée dans la seconde moitié du 20ème siècle à la suite des travaux de Di Sant’ Agenese, qui découvrit que la sueur de ces enfants était anormalement riche en sel et proposa un test biologique : le test de la sueur mesurant la concentration en ion chlorure (Cl-) et en sodium de la sueur. Une valeur du test supérieure à 60 mEq/l reste aujourd’hui le test diagnostic de référence et est très spécifique de la maladie (4).

Le gène responsable de la mucoviscidose – le gène CFTR (pour Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator) – a été identifié en 1989 (5-7). Cette date a marqué un tournant dans l’histoire de la maladie. La connaissance du gène a permis de progresser non seulement en matière de diagnostic, mais elle a également ouvert de nouvelles perspectives en terme de compréhension de la physiopathologie de la maladie avec l’espoir de mise au point de thérapies spécifiques de la maladie.

1  -  Le gène CFTR et ses mutations


Le gène CFTR est le premier gène situé sur un autosome qui a été cloné grâce à une stratégie réussie de clonage positionnel. Alors que les généticiens n’avaient aucune connaissance de la protéine responsable de la maladie, par une stratégie de liaison génétique ils sont parvenus d’abord à cartographier le gène en 7q (8) puis à s’en rapprocher pour finalement réussir à le cloner en 1989 (5-7).

Composé de 27 exons et s’étendant sur 180 kb, ce gène code pour une protéine transmembranaire de 1 480 acides aminés qui est un canal chlorure régulé par l’AMPc (Adénosine MonoPhosphate cyclique) (9). Ce canal de faible conductance est un régulateur d’autres canaux, en particulier des canaux sodiques comme le canal ENaC (Epithelial Na Channel) ou le canal chlorure à rectification sortante (ORCC, Outwardly Rectifying Chloride Channel) ( (10;11).

L’étude moléculaire du gène CFTR a été réalisée dans le cadre d’une collaboration internationale exemplaire menée sous l’égide du découvreur du gène – Lap Chee Tsui – au travers d’un Consortium International d’Etude des Mutations du Gène (Cystic Fibrosis Gene Mutation Analysis : http://www.genet.sickkids.on.ca) (12) dans lequel plus de 100 laboratoires dans le monde ont, depuis 20 ans, colligé en temps réel les résultats de leurs travaux.

Nous avons aujourd’hui une connaissance approfondie de la pathologie moléculaire du gène CFTR, qui se caractérise par la présence d’une mutation très fréquente : la délétion F508del correspondant à la perte d’une phénylalanine en position 508 de la protéine (nomenclature officielle selon les recommandations de la Human Genome Variation Society : p.Phe508del). Cette délétion est présente sur plus de deux chromosomes mutés sur trois. La fréquence de quatre autres mutations dépasse le seuil de 1 % (G542X (p.Gly542X) ; G551D (p.Gly551Asp) ; 1717-1G>A (c.1585-1G>A) ; W1282X (p.Trp1282X)) et à côté de cela, il existe aujourd’hui 1800 mutations répertoriées, dispersées au sein des 27 exons du gène. Ce sont souvent des évènements rares ou privés, témoignant de l’extraordinaire variabilité allélique présente dans le gène CFTR (13).

Le type de mutations, leurs fréquences varient beaucoup selon l’origine géographique et ethnique des patients (14), et il est important, pour orienter le laboratoire dans sa recherche de mutations, de bien documenter les origines géographiques des patients et de leurs parents. Pour illustrer ceci, on peut rappeler que la mutation W1282X est la mutation la plus fréquente dans la population juive Ashkénaze (15) tandis que la mutation G551D rend compte de 5 % des mutations dans les populations d’origine celte (16). La mutation G542X est fréquente dans les populations du pourtour méditerranéen.

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