2  -  Insuffisance surrénale aiguë


C’est une pathologie grave dont le traitement ne souffre aucun retard.

Il faut donc traiter de façon urgente, même sans certitude diagnostique.

Les dosages hormonaux pourront être réalisés secondairement.

A. Quand l’évoquer ?

1. Clinique

Le tableau clinique est souvent d’emblée très aigu :

  • déshydratation extracellulaire avec pli cutané, hypotension pouvant aller jusqu’au collapsus ;
  • confusion, crises convulsives secondaires à l’hyponatrémie et à l’hypoglycémie, voire coma ;
  • troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée ;
  • douleurs diffuses, en particulier douleurs musculaires, céphalées ;
  • fièvre, à laquelle peut participer une infection ayant précipité la décompensation.


On peut être orienté par une insuffisance surrénale connue préexistante, une mélanodermie ou une anamnèse évocatrice d’insuffisance surrénale lente : asthénie, anorexie et amaigrissement d’aggravation progressive.

2. Biologiquement

Le tableau biologique est le suivant (* : spécifiques de l’insuffisance surrénale primitive) :

  • hémoconcentration*, insuffisance rénale fonctionnelle* (+++);
  • hyponatrémie, hyperkaliémie* (carence en aldostérone) (+++) ;
  • hypoglycémie ;
  • natriurèse conservée ;
  • rarement, hypercalcémie vraie (parfois fausse hypercalcémie par hémoconcentration).


B. Comment la confirmer ?

1. Diagnostic positif

La cortisolémie reviendra effondrée, ce qui est d’autant plus anormal qu’elle devrait être stimulée chez ce patient en état de stress.

L’ACTH sera très élevée dans l’insuffisance surrénale primitive, normale ou basse dans l’insuffisance corticotrope.

À distance, on complétera les explorations par un test au SynacthèneÒet par une mesure de la rénine et de l’aldostérone.

En aucun cas on attendra les résultats pour débuter le traitement.

2. Diagnostic étiologique

On recherchera la cause de l’insuffisance surrénale, si elle n’est pas déjà connue, ainsi qu’un facteur de décompensation qui peut nécessiter un traitement spécifique.

C. Causes

La cause de très loin la plus fréquente est une insuffisance surrénale chronique (connue ou non) (cf. supra), décompensée spontanément ou à l’occasion d’une pathologie intercurrente.

L’insuffisance surrénale aiguë peut survenir d’emblée en cas de bloc enzymatique surrénalien complet (dans la période néonatale), ou en cas d’hémorragie bilatérale des surrénales.

La cause de la décompensation peut être n’importe quelle pathologie intercurrente (infections en particulier, infarctus du myocarde, intervention chirurgicale, anesthésie, acte diagnostique invasif, etc.).

En cas d’insuffisance surrénale lente connue, toutes ces situations doivent s’accompagner d’une augmentation du traitement hormonal substitutif.

D. Prise en charge

C’est une urgence extrême. Le traitement est débuté dès que le diagnostic est évoqué, si possible après avoir prélevé un tube de sang pour le dosage du cortisol (si le diagnostic n’était pas connu).

1. Au domicile du patient

Administration de 100 mg d’hydrocortisone IM ou IV (un patient dont l’insuffisance surrénale est connue doit disposer chez lui de plusieurs ampoules gardées à 4 °C).

Transport médicalisé en milieu hospitalier.

2. À l’hôpital

Transfert en urgence en réanimation.

Mesures non spécifiques en cas de coma (cf. chapitre correspondant).

La rééquilibration hydroélectrolytique est la suivante :

  • l’urgence est de rétablir le stock hydrosodé pour lutter contre l’hypovolémie ;
  • au début, l’adjonction de glucose permet de corriger l’hypoglycémie : on peut débuter par 500 cc de Plasmion®en moins de 30 min, en cas de collapsus, puis 1 000 cc de G5 avec 9 g de NaCl par litre, 1 litre en 1 heure, puis 4 litres de sérum physiologique sur le reste des 24 heures (à adapter si besoin à la clinique) ;
  • pas de potassium en raison de l’hyperkaliémie.


L’hormonothérapie substitutive est la suivante :

  • hydrocortisone par voie IV : après une dose initiale de 100 à 200 mg, on poursuit par 50 à 100 mg IV toutes les 6 à 8 heures, ou 200 mg en IV continue sur 24 h à la seringue électrique autopousseuse (SAP) ;
  • le lendemain, la dose est réduite de moitié et la décroissance est poursuivie pour arriver en 4 à 5 jours à la dose de 20 mg per os.


Les minéralocorticoïdes ne sont pas nécessaires à la phase aiguë car le cortisol a un effet minéralocorticoïde suffisant aux doses employées pendant les 24 premières heures, et le rétablissement du stock sodé se fait par apport de sérum physiologique. Rapidement, on ajoutera de la 9-alpha-fludrocortisone (Florinef®) per os, 100 à 150 mg/24 h.

En parallèle, on recherchera le facteur déclenchant.

La surveillance concerne les points suivants :

  • FC (fréquence cardiaque), TA, température, conscience, diurèse ;
  • refaire un ionogramme de sang après 4 à 6 heures ;
  • ECG en cas d’hyperkaliémie importante.


3. Traitement préventif

Il consiste à éduquer le patient à augmenter lui-même ses doses en cas de facteurs de décompensation potentiels.

Il consiste également à informer le médecin traitant pour qu’il sache vérifier que les doses sont augmentées en cas de pathologie intercurrente, et à reconnaître une insuffisance surrénale aiguë et en débuter le traitement à domicile avant d’adresser le patient à l’hôpital.

Le médecin urgentiste ou l’anesthésiste recevant un patient insuffisant surrénalien victime d’un accident de la voie publique (AVP), d’un infarctus, d’une pneumonie, ou dans un contexte d’urgence chirurgicale doit connaître le risque d’insuffisance surrénale aiguë et savoir le prévenir. Lorsque la prise orale du traitement est impossible, l’hydrocortisone peut être administrée en IM ou IV à raison de 50 mg/6 h, ou 200 mg en IV continue sur 24 h à la SAP.

En cas de chirurgie, on peut proposer 50 à 100 mg initialement en fonction du type de chirurgie, puis 50 à 100 mg/6 h en IM ou IV, en fonction de la lourdeur de l’acte. Puis, proposer un retour progressif aux doses habituelles en diminuant par exemple la posologie de moitié chaque jour.

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