6  -  Évolution et pronostic

La maladie lupique évolue par poussées successives entrecoupées de périodes de rémission de durée et de qualité très variables.

On oppose schématiquement des formes bénignes principalement cutanéo-articulaires et des formes graves associant diverses atteintes viscérales.

La surveillance biologique du LES comporte :

  • les examens biologiques usuels ;
  • la recherche régulière d’une protéinurie ;
  • des dosages répétés des anticorps anti-ADN natif et du complément (CH50, C3, C4) (en l’absence de déficit constitutionnel).


Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré depuis 30 ans, notamment en raison du diagnostic des formes frustes et des progrès thérapeutiques. Le taux de survie à 10 ans est d’environ 90 %.

Les causes de mortalité sont, outre la responsabilité propre de la maladie, la part croissante des infections notamment opportunistes, de l’athérome accéléré et des néoplasies, soulignant les risques liés à l’utilisation prolongée des corticoïdes et des immunosuppresseurs.

Principes du traitement

La prise en charge se fixe plusieurs objectifs :
  • à court terme :
    • assurer le confort quotidien,
    • préserver les fonctions vitales dans les poussées graves ;
  • à moyen terme :
    • s’opposer à l’évolution prévisible des atteintes viscérales,
    • prévenir les poussées,
    • empêcher les récidives thrombotiques,
    • préserver l’insertion socioprofessionnelle ;
  • à long terme :
    • guérir la maladie,
    • limiter les effets délétères différés des traitements.

L’éducation souligne les risques de l’arrêt intempestif du traitement et la nécessité d’éviter l’exposition solaire (utilisation d’un écran d’indice de protection élevé). L’emploi d’une méthode contraceptive autre que les œstroprogestatifs doit être proposé.


Principales modalités thérapeutiques

L’intensité de la thérapeutique est adaptée à la gravité de la maladie.
Les lupus quiescents ne justifient qu’une simple surveillance.


Formes mineures cutanéo-articulaires

Le traitement repose sur :
  • l’aspirine (2 à 4 g/j) ;
  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;
  • les antimalariques de synthèse, d’efficacité démontrée : hydroxychloroquine (Plaquenil 400 mg/j) :
    • efficacité jugée après 3 mois,
    • surveillance ophtalmologique annuelle (vision des couleurs, échelle d’Amsler) à la recherche d’éventuels signes de toxicité rétinienne, qui imposent l’arrêt du traitement,
    • autres effets secondaires plus rares (neuromyopathie, agranulocytose, bloc auriculo-ventriculaire).

La persistance de symptômes articulaires peut légitimer une corticothérapie inférieure à 10mg/j de prednisone. À l’inverse, une atteinte cutanée résistante aux antimalariques ne constitue pas une indication à la corticothérapie, mais justifie le recours à d’autres thérapeutiques (thalidomide…).


Formes viscérales

Le traitement repose sur la corticothérapie et les immunosuppresseurs.
Corticothérapie générale :
  • prednisone (Cortancyl) ; c’est le corticoïde de référence ;
  • posologie de 1 mg/kg/j dans les formes graves (glomérulonéphrite proliférative diffuse, anémie hémolytique) et de 0,5mg/kg/j dans les sérites ;
  • prévention des effets secondaires :
    • l’accélération de l’athérogenèse impose de prendre en compte HTA, diabète, dyslipidémie, tabagisme…
    • diététique excluant le sodium et restreignant les apports glucidiques conseillés, associée à une supplémentation potassique,
    • complications digestives : utilisation des anti-H2 et des inhibiteurs de la pompe à protons,
    • ostéoporose : adjonction quotidienne de vitamine D et de calcium associés éventuellement aux diphosphonates,
    • risques infectieux majorés par la corticothérapie à fortes doses : dépistage et traitement systématique des foyers infectieux latents.

En pratique, la corticothérapie d’attaque est prescrite pour une durée de 4 à 6 semaines.

La dégression progressive se fait par diminution de 10 % de la dose antérieure, tous les 10 à 15 jours. Le sevrage, lorsqu’il est décidé, doit être précédé de l’exploration de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.

L’administration de fortes doses de corticoïdes par voie veineuse est employée dans le traitement des poussées graves, notamment rénales et neurologiques. Cette technique dite des « bolus » consiste en l’injection quotidienne de 1g de méthylprednisolone (Solumédrol IV) en 60min pendant 3 jours consécutifs, relayée par une corticothérapie orale.

Immunosuppresseurs :

  • indication : formes viscérales graves ou corticodépendantes ;
  • risques : infections à court terme, stérilité, oncogenèse possible à long terme ;
  • divers agents sont utilisés dans les schémas traditionnels : cyclosphosphamide (Endoxan) à la dose de 2 à 3 mg/kg/j, azathioprine (Imurel) à la dose de 2 à 4 mg/kg/j. Outre leurs risques communs, le cyclophosphamide expose plus particulièrement aux cystopathies et aux cancers vésicaux ;
  • les indications de l’administration intraveineuse discontinue de cyclophosphamide (initialement tous les mois pendant 6 mois puis tous les trimestres pendant 2 ans) diminuent au profit du mycophénolate mofétil (Cellcept).


Cas particuliers


Thrombopénie périphérique


Si sévère et résistante à la corticothérapie :
  • splénectomie précédée d’une vaccination antipneumococcique ;
  • perfusions de fortes doses d’immunoglobulines souvent efficaces à court terme.


Syndrome des antiphospholipides

Le traitement du SAPL complète le traitement du LES auquel il s’associe :
  • thromboses récentes : héparinisation initiale suivie d’un relais par les antivitamine K ;
  • prévention des récidives par anticoagulation par antivitamine K (international normalized ratio (INR) à 3 en cas de thrombose artérielle) ;
  • prévention des récidives de pertes fœtales : héparine sous-cutanée associée à l’aspirine ;
  • en l’absence d’antécédents thrombotiques, l’aspirine au titre de la prévention primaire.


Grossesse

Les risques de poussée lupique, dans le dernier trimestre de la grossesse et le post-partum, justifient pour certains une majoration du traitement dont les modalités sont discutées.

Les antimalariques de synthèse peuvent être poursuivis pendant la grossesse.


Contraception


La grossesse n’étant acceptable que dans certaines conditions, une contraception efficace est indispensable.

Les œstroprogestatifs sont formellement contre-indiqués.

Le stérilet est généralement récusé chez les patientes traitées par corticothérapie en raison de ses risques infectieux et parce que son efficacité est moindre.

La contraception repose donc essentiellement sur les norstéroïdes à faibles doses (ou micropilules progestatives), l’acétate de chlormadinone (Lutéran) ou l’acétate de cyprotérone (Androcur).

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