9  -  Aspects médicolégaux

Le contexte médicolégal représente une préoccupation essentielle du milieu chirurgical, et du bloc opératoire en particulier. Sans qu’il devienne une véritable obsession, sa prise en charge sereine nécessite de parfaitement maîtriser l’ensemble des aspects réglementaires qui sont forcément examinés dans le moindre détail dès qu’un problème survient et que l’on procède à une expertise. Comme on l’a vu dans le chapitre qui y était consacré, tout ce qui touche aux facteurs environnementaux (air, eau, surfaces) fait l’objet de contrôles réguliers dont les résultats et les rapports doivent être soigneusement conservés.

Tout incident concernant les domaines de la pharmacovigilance, de la matériovigilance et de la biovigilance fait l’objet d’une déclaration réglementaire selon la procédure établie. D’une manière plus générale, tout « événement indésirable », ne concernant pas les domaines qui viennent d’être cités, est signalé et tracé. En ce qui concerne l’activité opératoire proprement dite, le maître mot est la traçabilité de tout ce qui touche et entoure l’acte chirurgical. Le compte-rendu opératoire en représente le pilier et l’on ne fait qu’insister sur la qualité qui doit être apportée à la rédaction de ce document primordial. D’autres documents ont une valeur essentielle en termes de traçabilité et sont systématiquement examinés dans un contexte médicolégal. Il s’agit de la feuille d’ouverture de salle d’opération (FOSO) et de la feuille de suivi d’intervention.

La feuille d’ouverture de salle d’opération représente une véritable check-list à établir avant de débuter toute matinée opératoire. Y figure la vérification de la table d’opération, de l’éclairage opératoire, du bistouri électrique, des fluides, du traitement de l’air, du mobilier et de tout matériel spécifique pouvant être utilisé au cours de la vacation (colonne vidéo, amplificateur de brillance). Cette feuille est remplie par l’IBODE qui indiquera le numéro de la salle, la date et l’heure où ont été faites les vérifications, sans omettre de signer. Le même type de vérifications, spécifiques au secteur anesthésique, est rempli par l’IADE.

La feuille de suivi d’intervention représente, quant à elle, une véritable photographie de l’acte chirurgical, de son début jusqu’à sa fin. Outre l’identité du patient établie selon les règles précédemment citées (chapitre proposition d’intervention), figurent la date de l’intervention, le numéro de la salle, l’ordre de passage dans le programme opératoire, l’état nominatif complet de l’ensemble des personnes présentes en salle d’opération : l’équipe chirurgicale bien entendu (opérateur, aides, instrumentiste), l’IBODE circulant, mais aussi toute autre personne assistant à l’intervention et sa qualité (élève IBODE, étudiant, stagiaire, délégué médical). Rappelons par ailleurs que seule une personne qualifiée peut participer activement à une intervention et que le personnel aide-soignant en particulier n’est pas habilité en ce sens. Sur cette feuille figurent également le contrôle de recueil de consentement ou d’autorisations diverses, les heures d’arrivée en salle du patient, de fin de temps anesthésique, d’incision, de fermeture, de sortie de salle, les éléments de préparation cutanée, l’antiseptique utilisé, le côté opéré et sa vérification, la classe d’intervention selon Altemeier, le type d’installation, la mise en place d’une plaque de bistouri, d’un garrot (avec pression, heure de début et de fin), l’utilisation d’un amplificateur de brillance (avec là aussi la durée, un relevé précis des doses de rayonnement), la réalisation de prélèvements, la mise en place d’un drainage, le type de fermeture. Le type de champage utilisé, le type et le nombre de compresses, leur décompte sont notifiés. L’ensemble du matériel utilisé est identifié en insistant sur la traçabilité obligatoire de tous les dispositifs médicaux implantables, selon les normes de la circulaire du 20 octobre 1997 [60]. Toute remarque jugée utile, toute notification d’incident ou d’accident figurent également sur cette feuille qui est incluse dans le dossier du patient et dont un double reste archivé au bloc opératoire.

Certains organismes comme l’Union nationale des associations d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’état (UNAIBODE) préconisent en plus de ces deux documents l’utilisation d’une fiche de contrôle et de maintenance de la table d’opération au quotidien.

Pour en terminer avec ce chapitre médicolégal, il paraît utile de dire quelques mots sur tout ce qui concerne l’iconographie produite en salle d’intervention, que ce soit des images ou des films. Ces documents peuvent représenter un élément de preuve tout à fait intéressant dans le cadre d’une expertise, mais la durée de vie de ces supports et les problèmes de stockage constituent des inconvénients qu’il faut prendre en compte. L’ère du tout numérique, malgré les immenses progrès qu’elle apporte, ne résout pas tout et se caractérise par la multiplicité des formats et des supports, source d’autres problèmes.

Conclusion

L’organisation du bloc opératoire doit permettre de réaliser un compromis entre sécurité et qualité, efficience et rentabilité, ces derniers critères étant devenus peu à peu incontournables, même s’ils restent encore souvent éloignés des préoccupations du milieu médical. La qualité des soins apportés aux patients et la lutte contre les infections liées aux soins doivent rester de toute façon les priorités de toute action touchant à l’organisation du bloc opératoire. La réussite de cette organisation passe obligatoirement par la mise en place d’une structure de coordination efficace dont le chef de bloc, le coordonnateur de bloc et le conseil de bloc sont les piliers. Parallèlement, le soutien infaillible de la direction de l’établissement et l’implication étroite de l’ensemble des acteurs du bloc opératoire sont des éléments indispensables pour mener à bien ces objectifs.

L’organisation d’un bloc opératoire doit par ailleurs prendre en compte les mutations incessantes du monde médical et savoir s’adapter à l’éclosion de nouvelles techniques comme à l’évolution des modes de prise en charge. Sur un plan architectural, il faut anticiper et préférer des ensembles modulables et évolutifs, éventuellement mutualisables à des structures figées où toute modification est difficile, voire impossible. Sur un plan strictement organisationnel, l’optimisation des modes de fonctionnement imposée par les impératifs économiques doit progressivement susciter l’adhésion et la participation de l’ensemble des personnels du bloc opératoire, avant de devenir probablement une réalité incontournable au cours des prochaines années.

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