2 . 2  -  Équipements : tables, bras, éclairages

Outre l’investissement majeur qu’ils représentent, ces équipements vont la plupart du temps influer directement sur l’organisation du bloc opératoire, en particulier les tables par leur retentissement sur la gestion des flux.

Le modèle de table idéal a souvent été présenté avec un plateau transfert sur un socle fixe, ce type de socle assurant une excellente stabilité et autorisant des porte-à-faux très importants, une circulation très aisée sous une grande partie de la table, mais au détriment d’un certain manque de flexibilité par rapport au socle mobile. Chaque système a ses partisans et ses détracteurs inconditionnels, mais les avantages et les inconvénients de chaque modèle ont plutôt tendance à se rejoindre [12,
26, 27]. Concernant les plateaux-transferts dont on a vu précédemment la philosophie, il est certain qu’il s’agit d’un investissement majeur, ne serait-ce que par la nécessité de disposer de chariots-transferts, et l’on doit veiller à leur justification dans un système où l’emploi des chariots-brancards est privilégié.
L’intérêt de ce système de plateaux repose sur une moindre manipulation des patients et sur leur rapidité d’installation, avec comme corollaire une meilleure rotation des salles et la possibilité d’une polyvalence des salles avec des plateaux différents et spécifiques d’une spécialité. Ce choix rend possible la conception d’un mode de fonctionnement où le patient est installé directement à son arrivée au bloc opératoire sur un plateau transfert adapté à son intervention, puis conduit en salle d’induction et enfin en salle d’opération où son installation finale est d’autant facilitée et réduite, surtout si l’on fait appel, comme c’est la tendance actuelle, à des tables électriques dont les manipulations sont plus aisées, avec parfois des positionnements préréglés.

La mise en place de bras plafonniers, anesthésiques ou chirurgicaux, est un concept globalement admis actuellement, de par la meilleure accessibilité qu’ils apportent et du fait d’une amélioration de l’ergonomie et des facilités de bionettoyage. À côté de bras élémentaires assurant les branchements habituels et servant de support à un bistouri électrique, on assiste de plus en plus au développement de bras lourds recevant en particulier des colonnes endoscopiques [ (28) Wioland Y., Les bras de distribution plafonniers. Tech Hosp 1999;637: 52-4.28]. Ces bras peuvent, si besoin, être escamotés de l’espace chirurgical lors d’une intervention où ils ne sont pas utilisés, et cela grâce à un large débattement.

Les systèmes d’éclairage opératoire, outre le confort plus ou moins important qu’ils apportent au chirurgien, influent directement sur l’écoulement de l’air à partir des systèmes de flux, en particulier lorsqu’il s’agit d’un système de flux unidirectionnel de type vertical. Des études ont été réalisées [ (29) Halupczok J, Van Den Wildenberg P, Ducel G., Nouveaux critères d’influence des lampes opératoires sur l’écoulement de l’air des flux laminaires en salle d’opération. Tech Hosp 1999;637:55-60.29] montrant la supériorité de lampes ouvertes, plus ou moins en forme de trèfle, par rapport à des lampes fermées, arrondies, ces dernières pouvant favoriser des phénomènes de turbulence, voire même d’inversion de la direction du flux. On privilégie de toute façon deux coupoles de plus petite taille plutôt que la classique grande coupole dont les perturbations du balayage de l’air au-dessus du champ opératoire ont été prouvées. La tendance actuelle est donc d’utiliser des lampes de plus petite taille, de forme étoilée ou en « trèfle », très maniables du fait d’un poids et d’un encombrement plus faibles, d’une grande longévité, évitant les apports désagréables de chaleur à leur proximité (au niveau de la tête) et ayant aussi l’avantage de supprimer les ombres portées. Ces avancées techniques très appréciables sont en particulier offertes par les nouvelles technologies d’éclairage utilisant les light emitting diodes ou diodes électroluminescentes (LED).

2 . 3  -  Traitement de l’air au bloc opératoire

La qualité de l’air au bloc opératoire est bien entendu un élément majeur à prendre en compte et dont les principes doivent être scrupuleusement respectés dans le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales, en empêchant l’introduction et la stagnation de particules susceptibles d’infecter le site opératoire [6, 17, 26,  (30) Groupe TIRESIAS., In: Aérocontamination, contrôle de la qualité de l’air en salle d’opération. Paris: Tirésias; 2004. p. 9-14.30,  (31) Humphreys H., Theatre air and operating conditions. J Hosp Infect 1995;31:154-5.31, (32) Moillo A, Tissot-Guerraz F, Cetre JC, Nicolle MC, Perraud M., Réflexions sur le traitement d’air des salles d’opération. Tech Hosp 1990;542:31-4.32, 33,  (34) Migaud H, Senneville E, Gougeon F, Marchetti E, Amzallag M, Laffargue P., Risque infectieux en chirurgie orthopédique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie- Traumatologie, 44-005, 2005.34]. En chirurgie orthopédique et plus particulièrement dans le cadre de la chirurgie prothétique, il s’agit de chirurgie dite « ultrapropre », de classe 1, devant se faire dans des locaux classés zone 4 ou ISO 5. La norme française correspondante est la norme AFNOR NF S 90 351 de juin 2003 [35], concernant les exigences de sécurité sanitaire pour la conception, la construction, l’exploitation, la maintenance et les procédés d’utilisation des installations de traitement de l’air dans les établissements de santé, dont les secteurs opératoires. Cette norme reprend les données de la norme ISO 14 1644 [36] relative aux salles propres et environnements maîtrisés apparentés [30]. Cette chirurgie « ultrapropre » impose un taux inférieur ou égal à dix particules donnant naissance à colonies (PNC) par m3 . Il est impératif d’avoir une surpression dans la salle, afin que l’air extérieur contaminé ne puisse passer à travers le sas d’entrée, cette surpression devant aller en décroissant, de la salle d’opération vers la zone d’entrée. Afin d’en contrôler l’efficacité, un indicateur de surpression peut être incorporé à la porte ou près de l’entrée de la salle. Dans la salle et afin d’assurer une qualité correcte de l’air, il est nécessaire de disposer d’un système de ventilation-filtration couplé à une climatisation, les filtres devant retenir la majorité des particules dont la taille est supérieure à 3 μm. Le taux de renouvellement horaire de l’air à obtenir est d’au moins 50 fois le volume de la pièce et au moins 25 fois par heure pour être efficace dans une salle conventionnelle [30].

Il faut distinguer des systèmes de flux dits « unidirectionnels » ou « laminaires », qui peuvent être horizontaux ou verticaux, et des systèmes non directionnels dits « flux turbulents ». Il existe aussi actuellement des systèmes de plafonds soufflant à basse vitesse, ou flux stabilisés, qui paraissent réaliser un excellent compromis pour l’équipement des salles hyperpropres, compte tenu de la forte protection qu’ils apportent au champ opératoire et de leur coût nettement moins élevé par rapport à celui d’un flux unidirectionnel vertical [27, 32,  (37) Van den Wildenberg P, Ducel G., Nouveaux développements dans le concept des salles d’opération. Tech Hosp 2000;643:52-6.37]. Il existe enfin des systèmes de scaphandre à flux intégré. Outre la garantie d’éviter toute contamination due aux intervenants, ce système de scaphandres, plus ou moins sophistiqué, a pour avantage de supprimer toute zone découverte telle que le cou, source de desquamation importante [17]. Dans sa conception du « bloc idéal », Lannelongue [18] propose de compléter le système de plafond soufflant par des parois latérales, rejoignant le système de la tente de Charnley, en extériorisant la tête du patient de la salle proprement dite, et par la même occasion, l’anesthésiste et son matériel. Le concept est même poussé plus loin avec l’accouplement possible de deux salles et où l’anesthésiste se trouve à la tête de deux patients qu’il peut surveiller simultanément, voire endormir l’un pendant que l’intervention de l’autre se déroule, d’où moindre perturbation des flux, gain de temps et d’espace.

Il n’existe en fait que peu d’études susceptibles de démontrer la supériorité de tel ou tel dispositif, alors que l’importance de l’antibioprophylaxie dans la chute des ISO a été prouvée à plusieurs reprises [33]. Un travail récent [ (38) Talon D, Schoenleber T, Bertrand X, Vichard P., Performances en activité de différents types d’installation de traitement de l’air au bloc opératoire. Ann Chir 2006;131:316-21.38] comparant les différents types de flux dans des salles en et hors période d’activité avec mesure de la contamination particulaire et de l’aérobiocontamination, confirme la supériorité du flux unidirectionnel en activité. Le flux stabilisé, aux performances proches du flux unidirectionnel hors activité, se rapproche en revanche du classique flux turbulent en activité. Il faut savoir que le nombre de micro-organismes présents sur le site opératoire n’est pas seulement dépendant du type de ventilation mais aussi de facteurs comme les tenues portées par les intervenants, avec un avantage indéniable pour le non-tissé [17, 33], l’étude de Scheibel [ (39) Scheibel JH, Jensen I, Pedersen S., Bacterial contamination of air and surgical wounds during joint replacement operations. Comparison of two different types of staff clothing. J Hosp Infect 1999;19:167-74.39] ayant en particulier bien démontré une réduction très significative de 62 % de l’aérobiocontamination avec l’usage de non-tissé lors d’interventions de chirurgie prothétique. Il n’existe en revanche aucune étude prospective comparant la qualité de l’air et l’incidence des ISO et permettant d’influer réellement sur le choix d’un type de flux. Le flux unidirectionnel vertical, longtemps présenté comme le préalable indispensable à l’équipement d’une salle hyperpropre, ne semble plus devoir actuellement être systématiquement imposé dans le cadre d’une chirurgie prothétique, du fait de ses contraintes, et même s’il reste le seul à garantir une norme ISO 5 en cours d’intervention [30]. Le flux unidirectionnel horizontal devrait, quant à lui, être abandonné, sachant qu’il ne doit exister aucun obstacle sur son trajet pour qu’il soit efficace, ce qui est loin d’être respecté [30]. Le flux turbulent reste enfin un système tout à fait fiable et suffisant pour des salles de chirurgie conventionnelle.

Quoi qu’il en soit, la discipline et le comportement en salle d’opération, qui sont évoqués plus loin, sont des éléments majeurs à respecter.

6/17