Introduction

La sémiologie est la discipline qui étudie les signes. Ceux-ci peuvent être fonctionnels (rapportés par le patient) ou physiques retrouvés lors de l’examen médical. C’est pourquoi les deux chapitres suivants sont intitulés « Savoir interroger » et « Savoir examiner ».

Il a paru utile de prendre aussi en considération les signes fournis par les examens complémentaires (examens paracliniques) les plus usuels, et notamment ceux de la radiographie thoracique et de l’électrocardiogramme.

« Le médecin qui ne peut se livrer à un bon interrogatoire et le patient qui ne peut en fournir les éléments courent un péril commun : celui de donner, ou de recevoir, une mauvaise thérapeutique » (P.D. White, 1955).

Face à l’attrait des examens complémentaires qui font tout le lustre de la médecine moderne, l’interrogatoire est trop souvent considéré par les médecins, notamment par les plus jeunes, comme désuet et sans intérêt. Pourtant il constitue le fondement sur lequel doit s’appuyer toute démarche diagnostique. Il est en effet utile :

  • pour cerner la personnalité du patient, pour connaître son statut familial et social, pour préciser ses antécédents et pas seulement dans le domaine cardio-vasculaire,
  • pour orienter la démarche diagnostique à partir des troubles fonctionnels qui motivent le recours au médecin ou aux structures de soins. Combien de diagnostics sont d’emblée évoqués par un bon interrogatoire, avant d’être confirmés ultérieurement par une exploration demandée à bon escient ? Combien d’examens complémentaires, aussi inutiles que coûteux, pourraient être évités par une écoute attentive du patient ?
  • enfin pour évaluer le retentissement fonctionnel et la gravité de la cardiopathie. A cet égard, l’appréciation de la gêne fonctionnelle est, malgré sa subjectivité, aussi utile que les renseignements recueillis par les examens complémentaires pour juger de la gravité de la situation, suivre son évolution et, le cas échéant, prendre la décision urgente d’une prise en charge diagnostique et thérapeutique agressive.

1  -  Facteurs de risque de survenue de maladie cardiovasculaire athéromateuse


Bien que les facteurs de risque d’athérothrombose (ce terme désigne l’athérosclérose et les processus thrombotiques qui lui sont souvent associés.) ne soient pas des signes à proprement parler puisqu’ils n’entraînent souvent aucun symptôme, leur recueil fait partie intégrante de toute observation clinique. D’autre part, ils constituent la base rationnelle de la prévention des complications cliniques de l’athérothrombose, qui constituent actuellement un problème majeur de santé publique dans les pays occidentaux. Il est donc important de les énoncer brièvement dans le document concernant la sémiologie.

1 . 1  -  Définition

On appelle facteur de risque toute caractéristique, anomalie, ou habitude associée à un surcroît de risque de développer la maladie, avec une relation jugée causale entre le risque et cette maladie, et dont l’éradication entraine une raréfaction ou une diminution de gravité de l’affection.

1 . 2  -  Classification

Plusieurs dizaines de facteurs de risque ont été identifiés. On peut classer les principaux de la manière suivante :

Tableau 1 : Facteurs de risque
           Caractéristiques personnelles
           non modifiables
              Caractéristiques biochimiques ou
               physiologiques modifiables
                                  Habitudes de vie
  • Age
  • Sexe masculin
  • Antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire
  • Antécédents personnels de maladie cardio-vasculaire
  • Elévation de la pression artérielle
  • Elévation du cholestérol total sanguin, particulièrement du LDL cholestérol
  • Diminution du cholestérol HDL sanguin
  • Diabète
  • Facteurs thrombogènes
  •  Alimentation riche en graisses saturées, cholestérol, et calories
  • Tabagisme
  • Sédentarité
  • Consommation excessive d’alcool
  • Obésité : indice de corpulence, périmètre abdominal

1 . 3  -  Impact pronostique

Tous les facteurs de risque n’ont pas la même valeur prédictive vis-à-vis de l’athérothrombose.

1 . 3 . 1  -  L’âge et le sexe masculin

Ce sont des facteurs extrêmement importants qui pèsent lourdement sur le risque cardio-vasculaire.. Ces facteurs permettent d’évaluer le risque cardio-vasculaire encouru mais n’offrent pas de possibilité préventive.

1 . 3 . 2  -  Le tabagisme

La consommation de tabac est responsable d’un nombre considérable d’accidents cardiovasculaires. Cela tient au risque ajouté qu’elle entraîne et aussi à l’importance de sa prévalence. C’est surtout la consommation de cigarettes qui a été étudiée. Il faut dans le questionnement des malades s’enquérir au minimum de l’ancienneté du tabagisme et de la quantité de cigarettes consommées par jour. L’arrêt du tabac s’accompagne d’une diminution rapide du risque de complication cardio-vasculaire.

Rappelons que les méfaits liés au tabagisme passif (la fumée des autres) sont prouvés et ont conduit aux mesures récentes d’interdiction de fumer dans les lieux publics.

1 . 3 . 3  -  Les lipides sanguins

Le cholestérol total dans le sang circulant est un facteur de risque majeur. En fait il faut distinguer l’effet opposé de 2 sous-fractions :

  • Le LDL-cholestérol : son élévation s’accompagne d’une augmentation du risque cardio-vasculaire, et particulièrement coronaire. En moyenne, une augmentation de 10% du LDL-cholestérol s’accompagne d’une augmentation de 20% du risque coronaire. Idéalement le LDL-cholestérol devrait être <1,70 g/l, et d’autant plus bas que l’on a d’autres facteurs de risque ou des antécédents de pathologie athéromateuse (1g/l après un accident cardiovasculaire athéromateux).
  • Le HDL-cholestérol : ici c’est au contraire les taux bas qui constituent un facteur de risque. Le HDL-cholestérol est inversement corrélé au risque de complication. On admet que le taux de HDL devrait être > 0,45g/l.


De nombreux essais cliniques ont montré l’efficacité préventive de la réduction du LDL cholestérol.

1 . 3 . 4  -  La pression artérielle

A tous les âges et dans les deux sexes, l’élévation de la pression artérielle (> 140/90) s’accompagne d’une augmentation du risque cardio-vasculaire, et expose aux complications macrovasculaires, et ce, au prorata du niveau tensionnel. Cela est vrai pour la pression systolique et pour la pression diastolique, et s’applique à l’HTA systolique isolée, très fréquente après 70 ans.

De nombreux essais cliniques ont montré l’efficacité préventive de la réduction des chiffres tensionnels.

1 . 3 . 5  -  Le diabète

C’est surtout le diabète de type II (glycémie à jeun > 7mmmo/l ou > 1,26g/l) qui pose problème par sa fréquence déjà importante et l’augmentation rapide de son incidence. Il entraine des complications propres microvasculaires (rétinopathie, néphropathie). Mais il s’accompagne aussi d’une série de facteurs de risque: taux bas de HDL-cholestérol, taux élevé de triglycérides, hypertension artérielle, obésité androïde. La présence d’un diabète constitue donc un surcroît de risque cardiovasculaire majeur.

A noter que le diabète ne figure pas dans la table de risque global (cf infra) de la Société Européenne de Cardiologie, car pour beaucoup, le risque évolutif de cette affection conduit à la considérer comme un réel antécédent pathologique.

1 . 3 . 6  -  La surcharge pondérale et l’obésité

Pendant longtemps, la surcharge pondérale n’a pas été considérée comme un facteur majeur, surtout parce que sa valeur pronostique indépendante était incertaine. Cela signifie que sa valeur pronostique est due, pour l’essentiel, aux facteurs de risque qui lui sont fréquemment associés (augmentation de la pression artérielle, du cholestérol et de la fréquence du diabète). Cependant, d’un point de vue pragmatique, la lutte contre la surcharge pondérale est primordiale pour prévenir l’athérothrombose puisqu’elle en favorise les facteurs de risque principaux. Liée au style alimentaire et à l’activité physique, elle peut être classée, comme dans le tableau ci-dessus, dans les habitudes de vie. Elle est quantifiée par :

  • l’indice de masse corporelle : IMC=poids (kg)/taille2 (m). Surcharge pondérale si IMC > 25, obésité si IMC >30.
  • le périmètre abdominal dont l’augmentation caractérise l’obésité androïde : anormal si >102 cm chez l’homme, >88 cm chez la femme (ces valeurs limites sont encore discutées, avec des variantes ethniques)

1 . 4  -  Notion de risque cardio-vasculaire global

Les différents facteurs de risque interagissent chez un même individu et ainsi augmentent le risque de façon multiplicative. Par exemple (figure 1), pour une même pression systolique de 190 mm Hg, le risque d’un accident cardio-vasculaire dans les 10 ans est multiplié par 1,6 chez un homme adulte, relativement à un homme du même âge avec une pression artérielle systolique (PAS) basse. Mais en présence concomitante d’un tabagisme il est multiplié par 4,5. Pour un individu donné il est donc fondamental d’évaluer le risque cardiovasculaire global avant d’entreprendre un traitement.

Cumul des facteurs de risque chez un homme adulte
Notion de risque cardio-vasculaire global

Figure 1 : Exemple chez un hypertendu

Différents moyens sont à la disposition des médecins pour évaluer ce risque athérothrombotique global: équations qui fournissent ce risque lorsque le niveau des facteurs considérés est entré dans un ordinateur ou une calculette ou, à l’opposé, simple décompte des facteurs de risque. On peut aussi utiliser une grille comme celle qui suit (recommandée par la Société Européenne de Cardiologie figure 2) , tenant compte des facteurs suivants : sexe, âge, tabagisme, taux de cholestérol total et niveau de pression artérielle systolique. Elle donne pour les pays Européens le risque de décès cardio-vasculaire à 10 ans.

Figure 2 : Risque de décès cardio-vasculaire en 10 ans (Table SCORE)

Bien entendu l’estimation du risque ainsi obtenue doit être majorée si d’autres facteurs de risque sont présents (obésité, sédentarité, HDL-cholestérol bas), en cas de diabète ou d’antécédents familiaux d’accidents cardio-vasculaires précoces.

Elle est aussi fortement majorée si un retentissement sur les organes-cibles a été mis en évidence par l’examen clinique et les techniques paracliniques recommandées (hypertrophie ventriculaire gauche, microalbuminurie, athérosclérose).

Remarque : On parle souvent de risque absolu pour parler du risque global. C’est une erreur : le risque global désigne le risque lié à la prise en compte simultanée de plusieurs facteurs de risque, par opposition au risque lié à un facteur considéré isolément. Dans une optique de prévention individuelle c’est le risque global qui est pertinent.

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