2  -  Orientation diagnostique : identifier les urgences cardiaques

Si les douleurs thoraciques aiguës dans leurs formes typiques permettent d’évoquer très rapidement une urgence cardiaque, il ne faut pas méconnaître la grande fréquence des formes atypiques. L’interrogatoire et l’examen clinique cherchent un profil de risque particulier pour orienter le diagnostic.

2 . 1  -  Syndrome coronarien aigu (SCA)

  • Terrain évocateur : facteurs de risque, ATCD coronariens.
  • Douleur spontanée de repos, ou angor de novo ou angor crescendo, infarctus à évoquer dès que la durée de la douleur a dépassé 20 minutes, elle est parfois associée à un dyspnée (10 %).
  • Caractères de la douleur : douleur coronarienne typique rétrosternale, constrictive… mais attention aux douleurs atypiques, en pratique la douleur peut siéger de la mandibule à l’ombilic (+++), parfois mimer une douleur gastrique ou bilio-pancréatique. Donc au-delà des douleurs typiques, penser toujours aux douleurs atypiques compatibles avec le diagnostic (tableau 1).
  • Examen clinique : normal en l’absence de complications, parfois autre localisation de l’athérosclérose (souffle carotidien ou fémoral, abolition d’un pouls…).
  • ECG : sus- ou sous-décalage du segment ST, ondes T négatives, ondes Q…



Attention

Un ECG inter-critique normal n’élimine pas le diagnostic et un bloc de branche gauche doit être considéré comme un équivalent de SCA avec sus-décalage de segment ST, enfin les ischémies dans le territoire de l’artère circonflexe peuvent être électriquement muettes !

  • Radiographie pulmonaire : normale.
  • Les marqueurs biologiques de l’infarctus du myocarde doivent être dosés : myoglobine (si douleur thoracique datant de moins de 6 h), troponines (à répéter 6 h plus tard si normales).
Tableau 1. Sémiologie en faveur d’une douleur de nature ischémique (coronaire).
  Douleur de nature ischémique Douleur de nature non ischémique
Caractéristiques Constriction
Pesanteur
Brûlure
Acérée
En coup de poignard
Augmentée par respiration
Siège Rétrosternal
Médiothoracique
Irradiant cou, épaules, avant-bras, tête   
Avec sueurs, nausées
Sous-mammaire gauche
Hémi-thorax gauche
Punctiforme (montré du doigt)
Dorsal (dissection)
Facteurs déclenchants   Effort
Stress
Énervement
Temps froid
Après fin de l’effort
Soulagement par l’effort
Provoquée par un mouvement du corps particulier   
Durée Minutes Secondes
Heures (en l’absence d’élévation des troponines)

2 . 2  -  Dissection aortique

  • Facteurs favorisants : HTA ancienne, syndrome de Marfan.
  • Caractères de la douleur thoracique : aiguë, prolongée, intense, à type de déchirement, irradiant dans le dos, migratrice, descendant vers les lombes.
  • Cliniquement : asymétrie tensionnelle (différence > 20 mmHg), abolition d’un pouls, souffle d’insuffisance aortique, déficit neurologique.
  • Complication parfois révélatrice : tableau d’ischémie aiguë de membre, tableau d’infarctus mésentérique avec douleur abdominale trompeuse, hémopéricarde avec collapsus et pouls paradoxal.
  • ECG normal ou SCA si la dissection aortique a lésé une artère coronaire.
  • Radiographie pulmonaire : élargissement du médiastin, éventuellement épanchement pleural ou aspect de double contour aortique.
  • Diagnostic confirmé par une échocardiographie complétée d’une ETO ou d’un scanner thoracique (ou angio-IRM).
  • Prise en charge chirurgicale en urgence, sauf pour les formes limitées à l’aorte descendante en l’absence de complication périphérique.
  • Contrôle de la pression artérielle car c’est une urgence hypertensive (cf. item 130).

2 . 3  -  Embolie pulmonaire

  • Terrain évocateur : cancer, pilule + tabac, période postopératoire, post-partum, alitement, ATCD personnels ou familiaux de maladie thrombo-embolique.
  • Caractères de la douleur : basi-thoracique associée à une dyspnée (+++) aiguë avec polypnée, toux, parfois hémoptysie tardive.
  • À l’examen clinique, signes de thrombose veineuse (absents dans un tiers des cas), tachycardie, signes d’insuffisance ventriculaire droite.
  • Présence de signes de cœur pulmonaire aigu à l’ECG : tachycardie sinusale, aspect S1Q3, bloc de branche droite, ondes T négatives dans les précordiales droites (V1 – V3).
  • Cliniquement deux tableaux opposés :
    • soit infarctus pulmonaire avec douleur basi-thoracique de type pariéto-pleural fébrile avec hémoptysie noirâtre tardive (bon pronostic) ;
    • soit cœur pulmonaire aigu avec dyspnée « nue » et signes de défaillance ventriculaire droite ou collapsus (la douleur est au second plan compte tenu de l’urgence vitale).
  • Radiographie pulmonaire : atélectasies en bandes, épanchement pleural basal, coupole surélevée, hyperclarté, mais radiographie souvent normale. Une douleur thoracique avec dyspnée et radiographie de thorax normale doit faire évoquer obligatoirement le diagnostic (+++).
  • Si le diagnostic d’embolie pulmonaire est évoqué, les D-dimères doivent être prélevés sauf si probabilité élevée. S’ils sont positifs (> 500 ng/mL), un doppler veineux des membres inférieurs, un angioscanner thoracique ou une scintigraphie pulmonaire de ventilation – perfusion doivent être demandés pour confirmer le diagnostic. Un traitement par HBPM doit être débuté avant même la confirmation diagnostique.

2 . 4  -  Péricardite aiguë

2 . 4 . 1  -  Péricardite non compliquée

  • Terrain évocateur : contexte viral, fièvre, ou forme récidivante avec antécédent connu de péricardite aiguë bénigne.
  • Caractères de la douleur : douleur thoracique augmentée à l’inspiration profonde, en décubitus et calmée par l’antéflexion du buste.
  • Examen clinique : frottement péricardique fugace et inconstant.
  • ECG : sus-décalage ST concave et diffus ou non systématisé, sous-décalage de PQ, microvoltage.
  • Radiographie pulmonaire : montre parfois un élargissement de la silhouette cardiaque.
  • Devant une suspicion de péricardite aiguë, une échocardiographie et un dosage des troponines doivent être réalisés, on peut observer un syndrome inflammatoire biologique ; l’échocardiographie peut être normale (péricardite sèche), il faut savoir la répéter.
  • Étiologie la plus bénigne parmi les autres diagnostics à évoquer (donc c’est un diagnostic d’élimination).

2 . 4 . 2  -  Tamponnade péricardique

  • À la différence de la péricardite non compliquée, c’est une urgence vitale.
  • Douleur thoracique avec dyspnée, polypnée puis orthopnée et toux, parfois dysphagie, nausée, hoquet.
  • Signes droits : turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire (+++).
  • Signes de choc avec tachycardie et PAS < 90 mmHg (+++).
  • Pouls paradoxal : l’inspiration entraîne une augmentation du retour veineux provoquant une dilatation du VD qui comprime le VG et aboutit à une baisse de la PAS (PAS inspiration < PAS expiration – 10 mmHg).
  • ECG : microvoltage, parfois alternance électrique.
  • Radiographie de thorax : cardiomégalie avec, lorsque l’épanchement péricardique est abondant, un aspect en « carafe ».
  • L’échocardiographie confirme le diagnostic de tamponnade et montre un collapsus des cavités droites en expiration, une compression du VG par le VD en inspiration avec un épanchement abondant.

2 . 4 . 3  -  Myopéricardite

  • Tableau de péricardite avec atteinte du myocarde le plus souvent virale.
  • Douleur de type péricarditique mais pouvant mimer un SCA, parfois avec insuffisance cardiaque.
  • Élévation prolongée de la troponinémie.
  • Échocardiographie montrant un trouble cinétique du ventricule gauche segmentaire ou diffus avec éventuel épanchement péricardique.
  • Coronarographie normale.
  • IRM pouvant montrer des plages de rehaussement tardif aux séquences sous gadolinium prédominant au sous-épicarde et sans systématisation artérielle.
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