4  -  Diagnostic étiologique

4 . 1  -  Principes généraux

La première étape du diagnostic étiologique est la reconnaissance du ou des mécanismes de l’insuffisance circulatoire (du ou des maillons de la chaîne de régulation altérés).

Les éléments cliniques permettent souvent de suspecter le mécanisme en cause. D’abord le contexte : par exemple, l’existence d’une exposition à un allergène chez un patient au terrain atopique, un polytraumatisme, l’ingestion d’un toxique, etc. Les signes cliniques associés aux symptômes du choc peuvent avoir une valeur d’orientation étiologique, par exemple, une hémorragie extériorisée massive, une douleur thoracique chez un sujet coronarien connu, un purpura fébrile, etc. En fonction du contexte clinique, des examens complémentaires simples permettront de confirmer le diagnostic : par exemple, les modifications de l’électrocardiogramme et l’augmentation de la fraction MB des CPK, la mise en évidence d’un liquide trouble à la ponction lombaire, d’une anémie sévère à l’hémogramme, etc.

Parfois, le contexte clinique ne permet aucune orientation étiologique, ou suggère l’intrication de plusieurs mécanismes. Dans ces conditions, il faudra apprécier chacun des maillons de la chaîne de régulation, notamment les conditions de charge ventriculaire et la compétence myocardique. Ces variables seront appréciées au moyen de méthodes invasives (cathétérisme cardiaque droit) ou non invasives (échographies-Doppler cardiaque et vasculaire), en fonction de l’expérience de chacun et des dispositifs immédiatement disponibles au lit du patient. Ainsi pourra-t-on établir le diagnostic de choc hypovolémique, cardiogénique, distributif, ou obstructif (Tableau I).

Tableau I. Profils hémodynamiques des différents types de choc

4 . 2  -  Choc cardiogénique

1. Physiopathologie

La cause principale est l’infarctus du myocarde, affirmé par l’électrocardiogramme, l’élévation des enzymes cardiaques et la démonstration d’une dyskinésie segmentaire à l’échocardiographie. La sévérité du choc est directement proportionnelle à la taille de l’infarctus. Le choc cardiogénique survient essentiellement dans l’infarctus antérieur, mais 25 % des infarctus inférieurs ont une extension au ventricule droit qui peut se compliquer de choc cardiogénique. Dans le postinfarctus immédiat, d’autres causes d’insuffisance circulatoire doivent être suspectées : l’insuffisance mitrale aiguë, la perforation septale, l’embolie pulmonaire, la tamponnade.
D’autres causes de choc cardiogénique sont les tachycardies extrêmes, les bradycardies extrêmes, l’obstruction intracardiaque, les myocardites aiguës, les myocardiopathies chronique en décompensation.

2. Profil hémodynamique

L’augmentation des pressions de remplissage se traduit par une augmentation de la pression capillaire pulmonaire (> 18 mmHg). Il n’y a pas en principe de gradient artériolocapillaire sauf en cas d’infarctus du ventricule droit, de tamponnade, d’embolie pulmonaire. L’index cardiaque est abaissé (< 2,2 L/min/m2).

4 . 3  -  Choc hypovolémique

1. Physiopathologie

Les causes de réduction du volume intravasculaire sont nombreuses : pertes extériorisées (hémorragie, brûlures étendues, diarrhée massive, etc.) ou augmentation de la perméabilité capillaire (choc traumatique, infection, choc anaphylactique). Lorsqu’il y a une baisse de volume intravasculaire (sans hypoprotidémie ni altération de la perméabilité capillaire), l’abaissement de la pression capillaire hydrostatique augmente la pression capillaire effective. Par conséquent, les liquides diffusent du secteur interstitiel vers le compartiment vasculaire. Ce phénomène de transfert compensateur ou « remplissage transcapillaire» explique la réduction de l’hématocrite que l’on peut observer. Dans l’anaphylaxie sévère (Annexe 1), l’insuffisance circulatoire aiguë survient après la survenue de la détresse respiratoire.

Annexe 1 : Le choc anaphylactique


Définition
Il s’agit d’une manifestation clinique d’une réaction d’hypersensibilité immédiate, caractérisée par un collapsus cardiovasculaire brutal et intense.

Mécanisme
Il est dû à un effondrement du volume plasmatique par extravasation vers le secteur interstitiel, du fait d’une augmentation de la perméabilité vasculaire médiée par la libération d’histamine et de nombreux autres médiateurs de l’inflammation.

Présentation clinique
Réaction quasi immédiate à l’absorption d’un allergène, elle est caractérisée par la survenue d’un érythème de type urticarien, d’un stridor et d’une détresse respiratoire liée à un œdème laryngé voire bronchique, suivis dans un délai n’excédant pas trois minutes d’un effondrement tensionnel avec tachycardie. L’érythème et la détresse respiratoire peuvent être absents.

Profil hémodynamique
On observe une baisse importante du débit cardiaque et la diminution des pressions droites.

Traitement
Il fait appel à un remplissage vasculaire rapide et important (40 à 50 mL/kg de crystalloïdes) et à l’administration d’adrénaline (0,5 mg en bolus intraveineux ou 5 mL d’une concentration à 1/10 000 ou 1 mg en intratrachéal en cas d’absence de voie veineuse).

2. Profil hémodynamique

Il existe une réduction des pressions droites et gauches, une importante augmentation des résistances périphériques, et une réduction du débit cardiaque et des débits sanguins régionaux.

4 . 4  -  Choc distributif

1. Physiopathologie

Il s’agit essentiellement du choc septique. D’autres causes : toxiques, pancréatites aiguës, brûlures étendues, certains états neurologiques aigus, peuvent s’accompagner d’une altération de la réactivité vasculaire comparable à celle du choc septique.
Environ un tiers des chocs sont secondaires à une infection à Gram négatif, un tiers à Gram positif, et un tiers sont polymicrobiens. Les champignons, les parasites et certains virus peuvent également être en cause. La recherche de foyer infectieux objective le plus souvent une infection pulmonaire, abdominale ou du tractus urogénital. Environ 20 % des patients ont une bactériémie. Dans près d’un quart des cas aucun foyer n’est retrouvé.

Cas particulier du toxic-shock syndrome
Il se caractérise par un rash cutané typique et souvent une conjonctivite. L’utilisation de tampon vaginal pendant la période menstruelle est décrite comme la porte d’entrée classique (20 % des cas). Le choc est lié à la production d’une exotoxine de staphylocoque aureus. D’autres agents infectieux, notamment le streptocoque A, pourraient être en cause.

2. Profil hémodynamique

Avant remplissage vasculaire, le profil est celui d’un choc hypovolémique, après remplissage vasculaire, on observe habituellement une augmentation du débit cardiaque, une diminution des résistances périphériques et des pressions de remplissage normales. Chez certains patients, même en l’absence d’antécédent cardiaque, le débit cardiaque peut rester bas malgré une précharge optimale.

4 . 5  -  Choc obstructif

1. Physiopathologie

Il s’agit de l’apparition brutale d’un obstacle sur le réseau de conductance. Les causes les plus fréquentes sont l’embolie pulmonaire et la tamponnade cardiaque. La tamponnade résulte de la constitution rapide d’un épanchement liquidien dans le péricarde. Toute péricardite aiguë infectieuse, inflammatoire, néoplasique, toxique ou traumatique peut se compliquer de tamponnade. Le traitement anticoagulant peut être un facteur favorisant. L’épanchement péricardique induit une gêne au remplissage diastolique du ventricule et donc un effondrement du volume d’éjection systolique. Dans les situations extrêmes, l’oreillette droite et le ventricule droit sont totalement écrasés. Tout facteur supplémentaire de diminution des pressions télédiastoliques ventriculaires, ventilation en pression positive (hypovolémie, traitements vasodilatateurs), précipitera l’insuffisance circulatoire. La tamponnade est facilement reconnue par le contexte clinique, l’élargissement du médiastin sur la radiographie thoracique, et affirmée par l’échocardiographie.

2. Profil hémodynamique

Il dépend du siège de l’obstruction mécanique. Dans tous les cas, le débit cardiaque est diminué. En cas d’embolie pulmonaire, une hypertension artérielle pulmonaire précapillaire est observée. Dans la tamponnade cardiaque, on note typiquement une égalisation des pressions diastoliques droites et gauches, qui sont élevées (dip plateau).

4/5