Définition


L’état de choc, ou insuffisance circulatoire aiguë, regroupe l’ensemble des syndromes associant une réduction brutale du volume sanguin effectif avec altération du transport et de la délivrance des substrats énergétiques, aboutissant à une « dette » tissulaire en oxygène. Cet état clinique associe prostration, hypotension, pâleur, froideur des extrémités, peau moite, collapsus des veines superficielles, oligurie, obnubilation. Le terme de « choc » est par lui-même descriptif de ces signes cliniques.

1  -  Physiopathologie

1 . 1  -  Mécanismes physiologiques généraux

Afin de clarifier le concept d’état de choc, on peut s’aider d’un modèle simple du système circulatoire comportant huit éléments (Figure 1) :

  • le volume intravasculaire détermine le retour veineux (ou précharge) ;
  • le cœur, la contractilité, la fréquence cardiaque, les conditions de charge déterminent le débit cardiaque ;
  • le circuit de résistance, formé par les artérioles, détermine la postcharge ;
  • le lit capillaire constitue le site d’échanges (passifs) ;
  • le lit veineux est formé par les veinules postcapillaires ;
  • la zone de « shunt » physiologique est formée de grandes artérioles qui établissent un « pont » entre les artérioles et le système veineux ;
  • le système de capacitance veineuse, formé de veines de moyen calibre et de grosses veines, incluant la veine cave, constitue un réservoir (environ 70 à 80 % du sang total). Les modifications de la compliance veineuse régulent la capacitance qui, à son tour, régule le volume circulant effectif ;
  • le réseau de conductance est formé par des gros vaisseaux artériels et pulmonaires.


L’état de choc résulte du dysfonctionnement d’un ou plusieurs maillons de cette chaîne.

Figure 1: Modèle du système cardiocirculatoire
(dessin de V. Rolland).

1 . 2  -  Mécanismes des altérations hémodynamiques

La diminution du débit cardiaque induit une redistribution des débits vers les territoires coronaire et cérébral au détriment des territoires musculocutanés, splanchnique et rénal. Cette redistribution s’opère principalement par une vasoconstriction artérielle, à médiation sympathique. La stimulation sympathique induit également une veinoconstriction, augmentant la pression hydrostatique capillaire et la fuite de liquide vers le secteur interstitiel.
La régulation du volume intravasculaire implique également (entre autres) :

  • des afférences nerveuses ventriculaires et des récepteurs sensibles aux forces de cisaillement, situés au niveau de l’oreillette et de la veine cave (réflexe de Bainbridge) ;
  • le système rénine-angiotensine ;
  • la vasopressine, les facteurs natriurétiques et les prostaglandines.

1 . 3  -  Fonction myocardique dans l’état de choc

1. Ischémie

La réduction de la perfusion coronaire est en général minimisée par l’augmentation de la pression aortique diastolique, secondaire à la vasoconstriction périphérique. Les artères intramurales pénètrent perpendiculairement de l’épicarde au mur ventriculaire, rendant les zones sous-endocardiques sensibles à l’ischémie, indépendamment de l’existence d’une maladie coronaire sous-jacente.

2. Facteur « dépresseur » myocardique

Une dysfonction et une dilatation ventriculaire gauche peuvent s’observer dans les états de choc septiques ou hémorragiques. Elles sont indépendantes des conditions de charge, de perfusion, de l’état cardiaque antérieur, et impliquent un facteur humoral, non encore identifié.

3. Métabolisme anaérobie

À la diminution de l’apport en oxygène s’ajoute une augmentation des besoins en oxygène du myocarde, secondaire à l’hyperactivité â1-adrénergique et à l’augmentation de la postcharge. Ces conditions de métabolisme anaérobie provoquent une accumulation de lactates et de phosphates inorganiques, une sortie du potassium et une rentrée massive de sodium, une altération des fonctions myocytaires et de la compliance myocardique. Ainsi l’ischémie myocardique et la souffrance cellulaire progressent selon un cercle d’autoaggravation.

1 . 4  -  Consommation d’oxygène et métabolisme anaérobie

La fonction mitochondriale est obligatoirement aérobie. Les besoins en oxygène varient selon l’état métabolique du patient, les pathologies sous-jacentes, la fièvre, l’action des hormones endogènes et exogènes. L’oxydation des carbohydrates, des acides aminés, des acides gras, emprunte le cycle de l’acide citrique, voie finale commune du métabolisme aérobie. Un transfert d’électrons se produit entre la pyridine et les flavoprotéines et le transfert d’électrons final se fait vers l’oxygène, qui est alors transformé en eau, avec production d’ATP. Dans l’état de choc, le cycle de l’acide citrique est inhibé car il n’y a plus d’accepteur d’électrons (oxygène). Le shunt du pyruvate vers le lactate est activé comme une voie métabolique d’urgence, moins « rentable » (le métabolisme anaérobie d’une mole de glucose produit moins de 10 % de la quantité d’ATP produite par voie aérobie). La production de lactate est grossièrement proportionnelle au déficit en oxygène.

1 . 5  -  Mécanismes inflammatoires

De nombreux médiateurs de l’inflammation sont activés, notamment :

  • des systèmes vasodilatateurs, kinine-kalicréine-bradykinine, l’histamine, la voie de la cyclo-oxygénase II, de l’oxyde nitrique, des prostaglandines ;
  • des médiateurs vasoconstricteurs, thromboxane A2, la sérotonine, les endothélines ;
  • des cytokines pro-inflammatoires, TNFα, IL-1ß, IL-6, et anti-inflammatoires, IL-1ra, IL-4, IL-8, IL-10, dont les effets hémodynamiques et métaboliques sont complexes et variables dans le temps ;
  • des endorphines ;
  • le système du complément, en partie responsable des phénomènes de coagulation intravasculaire et de fibrinolyse.
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