Introduction

Parmi les différents chapitres composant la microbiologie infectieuse, il est convenu en France de regrouper parasites et champignons microscopiques dans une même discipline : la parasitologie-mycologie. Cependant, les organismes ainsi regroupés ne répondent pas à une logique bien définie, si ce n’est qu’ils sont des eucaryotes et, donc, proches au niveau cellulaire des cellules de mammifères, par opposition aux procaryotes (bactéries) ou aux virus.

La parasitologie étudie les relations entre deux êtres vivants, l’un dénommé parasite et l’autre, hôte. Ce mode de vie est extrêmement fréquent, le nombre d’espèces parasites étant largement supérieur à celui d’espèces dites libres. Le parasitisme permet de se nourrir sans avoir à se déplacer, le principal écueil de ce mode de vie étant la difficulté de passer d’un individu hôte à un autre. Cette relation est souvent perçue comme unidirectionnelle, le parasite vivant aux dépens de son hôte. À cette vision anthropocentrique, il faut préférer celle de relations réciproques où les deux acteurs jouent un rôle sur la biologie de l’autre. L’hôte va en effet se défendre et tenter d’éliminer le parasite. Plus un parasite est pathogène, plus il sélectionne les hôtes compétents pour se défendre. En effet, la mort de l’hôte signifie la propre mort du parasite. Il tire donc bénéfice à maintenir l’hôte vivant pour se perpétuer. L’hôte de plus en plus résistant sélectionne à son tour les parasites de moins en moins pathogènes, et ainsi de suite à chaque génération. Pour de nombreuses parasitoses, la pathologie observée découle de ces réactions de défense (inflammation, fibrose) et s’atténue quand la coévolution aboutit à une meilleure adaptation réciproque des deux protagonistes. Cette sélection introduit la notion d’espèce parasite adaptée à l’espèce hôte. La coévolution de la relation hôte-parasite est donc à considérer sur un plan dynamique. Certains cycles qui apparaissent complexes sont ceux qui ont été retenus par l’évolution au cours de nombreuses générations comme ceux qui permettent de circonvenir les réactions de l’hôte tout en assurant la propagation du parasite. Chaque étape a été sélectionnée dans cet objectif. On décrit cependant souvent ces cycles comme définitifs, alors que la coévolution se poursuit, ce qui donne une fausse impression de relations figées entre un hôte et son parasite. Pour l’étudiant en médecine, la connaissance des cycles est indispensable pour la compréhension du mode d’infestation, mais aussi des signes cliniques, des éléments diagnostiques et des thérapeutiques, tous ces éléments variant en fonction des phases du cycle parasitaire. Ces connaissances sont aussi indispensables pour l’élaboration de toutes mesures préventives ou prophylactiques.

La mycologie, quant à elle, étudie les champignons impliqués en pathologie humaine, qu’on peut séparer grossièrement en levures et en champignons filamenteux. Pour les levures les plus fréquentes en pathologie humaine mais aussi pour les dermatophytes, le même raisonnement de coévolution ou d’adaptation décrit pour les parasites peut être tenu. Chez les dermatophytes — qui ont une affinité particulière pour la kératine —, les espèces adaptées à l’Homme et l’animal ont une origine tellurique. Les levures qui vivent sur les épithéliums et les muqueuses humaines se sont adaptées elles aussi au cours de l’évolution pour devenir des commensaux. Pour les champignons dont le développement s’effectue dans le milieu extérieur, comme les moisissures qui recyclent l’azote et le carbone des plantes, les relations sont sensiblement différentes. L’Homme vit dans un environnement riche en moisissures et a donc été sélectionné au cours de son évolution pour résister à ces agressions permanentes. Mais, à l’inverse des parasites, l’Homme n’influe pas sur leur développement qui s’effectue dans le milieu extérieur, indépendamment de lui, si ce n’est par les modifications du milieu qu’il induit.

Que ce soit pour les parasites ou les champignons, chaque individu développe un équilibre en fonction de son potentiel génétique et de ses réactions à chaque contact ou infection. De ces notions découle l’importance des réactions immunitaires innées et acquises de l’hôte. En dehors de quelques exceptions (dermatophytes, en particulier), les infections dues aux champignons sont secondaires à une défaillance des défenses naturelles et sont donc des infections opportunistes. Pour de nombreux parasites dont la biologie aboutit à la persistance dans l’organisme hôte sous forme latente, l’atteinte du système immunitaire, le plus souvent acquise — comme au cours du sida ou des traitements immunosuppresseurs —, peut également dérégler le statu quo et aboutir à la survenue d’infections opportunistes. Il existe une association forte entre certaines parasitoses ou mycoses opportunistes et le type d’immunodépression : une analyse précise du type d’immunodépression est donc nécessaire pour prédire le risque de survenue de certaines infections opportunistes.

Les tendances démographiques et la multiplication des traitements immunosuppresseurs sont associées à une augmentation de certaines infections parasitaires et fongiques dans les pays développés. Dans les pays tropicaux aux ressources limitées, les traitements de masse et le déploiement des structures d’hygiène (traitement des eaux usées) peuvent diminuer la prévalence de certaines parasitoses. Cependant, en dehors de quelques exemples, les parasitoses sont loin d’être en voie d’extinction. La parasitologie-mycologie continuera donc d’être un domaine majeur de la pathologie infectieuse dans les prochaines années.