Introduction

Le vertige est une illusion de mouvement. C’est un symptôme subjectif  qui n’attire pas d’emblée l’attention sur l’oreille, bien qu’il soit le plus souvent d’origine labyrinthique.

1  -  Rappels fondamentaux - Physiopathologie


Le vertige est un symptôme subjectif, défini comme la sensation erronée de déplacement de l’environnement par rapport au sujet ou du sujet par rapport à l’environnement. Il résulte d’une atteinte du système vestibulaire, qu’elle soit située en périphérie, au niveau du labyrinthe postérieur ou du nerf vestibulaire, ou au niveau des centres nerveux centraux d’intégration. Le capteur vestibulaire est l’un des acteurs de la fonction d’équilibration.

L’équilibration est la fonction qui permet de maintenir une posture en toutes circonstances, que ce soit au repos (condition statique) ou lors du mouvement (condition dynamique), grâce à une stabilisation du regard et du corps. En effet, en conditions de repos, l’homme doit lutter en permanence contre la gravité terrestre s’il veut maintenir la posture fondamentale qui lui est propre : la station érigée. De plus, lors du mouvement, qui entraîne une modification de la posture fondamentale qui peut être soit d’origine volontaire (contraintes internes actives), soit d’origine imposée (contraintes externes passives), l’intégration permanente des caractéristiques du monde extérieur permet à l’homme de réagir rapidement et efficacement pour réaliser les ajustements posturaux nécessaire à la restauration et au maintien de l’équilibre.

La fonction d’équilibration est une fonction sensorimotrice plurimodale complexe, s’exerçant grâce à la coexistence de 3 systèmes :

1) un système sensoriel qui fournit des informations sur l’environnement et la situation du sujet par rapport à celui-ci. Ces informations sont fournies par différents capteurs spécialisés, complémentaires et partiellement redondants :

a- les capteurs visuels, la vision périphérique jouant un rôle prédominant dans l’équilibration par rapport à la vision centrale,

b- les capteurs somesthésiques de la sensibilité profonde, situés dans les muscles, les tendons et les articulations, renseignant sur la disposition des segments du corps, et les capteurs extéroceptifs de la plante des pieds, 

c- les capteurs vestibulaires, situés dans la partie postérieure de l’oreille interne. Ils détectent et mesurent les accélérations. Chaque vestibule comprend en fait 2 types d’accéléromètres :

- les canaux semi-circulaires, au nombre de 3, les canaux semi-circulaires antérieur, postérieur, latéral, orientés perpendiculairement chacun dans un plan de l’espace, sont des accéléromètres angulaires affectés aux mouvements rotatoires de la tête,
- les organes otolithiques comprenant le saccule et l’utricule sont des accéléromètres linéaires affectés aux mouvements de translation verticale pour le saccule (ascenseur) et horizontale pour l’utricule (voiture).

Le fonctionnement des cellules neurosensorielles vestibulaires est polarisé, vestibule droit et gauche travaillant de façon couplée. Ainsi, les informations provenant de l’un des vestibules, et véhiculées dans les neurones vestibulaires, parviennent aux noyaux vestibulaires du tronc cérébral où elles sont comparées à celles provenant du vestibule controlatéral. Par exemple, lors d’une rotation de la tête vers la droite, la dépolarisation des cellules neurosensorielles du canal semi-circulaire horizontal droit entraîne une augmentation de la fréquence des potentiels d’action des neurones vestibulaires droits. Les phénomènes sont exactement inverses à gauche avec une inhibition de l’activité neuronale de ce côté. Cette asymétrie de l’activité des neurones vestibulaires droits et gauches est analysée comme un mouvement de rotation de la tête vers la droite.

2) un système d’intégration central qui peut être décrit à partir des noyaux vestibulaires (NV), situés au niveau du tronc cérébral dans le plancher du quatrième ventricule. Ces noyaux constituent une véritable plaque d’intégration sensorimotrice. Ils intègrent les différentes informations provenant des capteurs périphériques et les trient en permanence avant de les adresser aux centres nerveux supérieurs pour élaborer une réponse motrice rapide et adaptée. Les neurones des noyaux vestibulaires sont connectés

- aux structures nerveuses centrales supérieures (cortex, système limbique, cervelet)
- au système neuro-végétatif
- au système effecteur moteur.

Le fonctionnement normal du système vestibulaire est sous contrôle cérébelleux et reste sous-cortical, en dehors de toute perception consciente. Les sensations conscientes de déplacement empruntent les voies corticales de la proprioception générale.

3) un système effecteur moteur ostéo-musculo-ligamentaire qui met en œuvre la réponse motrice, par l’intermédiaire de 2 voies : la voie du réflexe vestibulo-oculaire (RVO), commandant les muscles oculomoteurs et permettant une stabilisation de l’image de l’environnement sur la rétine grâce à des mouvements conjugués des 2 yeux ; la voie du réflexe vestibulo-spinal (RVS), commandant les muscles de la posture et permettant le redressement, le soutien des membres inférieurs et les ajustements dynamiques

Quand les informations provenant des différents capteurs périphériques sont homogènes et concordantes, les ordres donnés par les centres intégrateurs au système effecteur le sont aussi et la réponse motrice est adaptée à la situation. Le patient est et se sent en équilibre (Figure 1). L’atteinte brutale de l’un des vestibules (Figure 2), entraîne une suppression de l’activité au niveau de ce capteur, alors qu’une activité basale persiste au niveau du vestibule controlatéral. L’asymétrie qui en résulte est interprétée par les centres intégrateurs comme un mouvement, malgré l’absence de  déplacement du sujet. Ces informations vestibulaires se trouvent en contradiction avec les autres sources d’informations sur l’équilibre (la vision et la proprioception) qui, elles, nient tout mouvement réel. Cette situation de conflit des informations sensorielles est à l’origine des 4 grands syndromes définissant le syndrome vestibulaire aigu :

 - l’asymétrie du fonctionnement vestibulaire, en absence de tout déplacement du sujet, induit, par la connexion entre NV et structures nerveuses centrales supérieures, une sensation erronée de déplacement, c'est-à-dire une sensation vertigineuse (syndrome perceptif) ;

- le conflit induit au niveau des connections entre NV et système neurovégétatif explique les nausées, les vomissements et les autres manifestations neurovégétatives (syndrome neurovégétatif) ;

- les centres nerveux donnent, de plus, des ordres aberrants au système effecteur moteur, entraînant des réponses motrices inadaptées, responsables de chutes et donc de troubles objectifs de l’équilibre :

-- les ordres aberrants donnés aux muscles oculomoteurs par la voie du RVO expliquent le nystagmus (syndrome oculomoteur) ;
-- les ordres aberrants donnés aux muscles posturaux par la voie du RVS expliquent les déplacements inadaptés comme les déviations posturales segmentaires et axiales (syndrome postural).

Ces 4 syndromes sont associés à des degrés divers, les voies de connexion étant plus ou moins affectées, ce qui explique l’immense polymorphisme du syndrome vestibulaire.

Le système d’équilibration possède 3 caractéristiques importantes :

c’est un système multifactoriel, les différentes informations périphériques arrivant aux centres nerveux en parallèle. Cette redondance informationnelle explique que l’équilibre peut être maintenu même si certaines informations sont absentes ou erronées. Par conséquent, face à un patient présentant un trouble de l’équilibre, le médecin doit s’attacher à explorer les différentes voies d’information de la fonction d’équilibration ;

c’est un système hiérarchisé, le poids des informations visuelles dans le contrôle de la posture étant généralement supérieur à celui des informations vestibulaires, lui-même supérieur à celui des informations proprioceptives. Par conséquent, en cas de dysfonctionnement labyrinthique modéré, le poids prédominant des informations visuelles permet au patient, qui fixe un point de son environnement, d’inhiber un nystagmus. La gêne n’apparaît donc qu’à l’obscurité, la vision ne pouvant alors s’exercer ; ainsi, la recherche d’un nystagmus ou toute exploration du vestibule doit être réalisée en absence de fixation oculaire ;

c’est un système doué de compensation, qui, en cas d’atteinte labyrinthique, développe de nouvelles stratégies sensorimotrices permettant de restaurer la fonction d’équilibration. La compensation vestibulaire s’accompagne donc d’un amendement de la symptomatologie vertigineuse qui peut, à distance de la crise, se limiter à une simple instabilité. Ainsi, si un « vrai » vertige, tel que nous l’avons défini précédemment, est toujours le signe d’une atteinte vestibulaire, une pathologie vestibulaire peut prendre la forme d’un vertige ou d’une instabilité. De plus, la compensation vestibulaire explique que l’examen d’un patient qui a présenté une grande crise de vertige puisse être normal, à distance de la crise.

Figure 1 : Situation d'équilibre
Figure 2 : Pathologie vestibulaire aigue à l’origine des 4 syndromes constituant le syndrome vestibulaire aigu
Média 1 : Rappel de physiologie vestibulaire
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