Les graisses sont des produits complexes dont les différents constituants jouent de façon directe ou indirecte, immédiate ou retardée, un rôle énergétique, structural et fonctionnel (figure 1). L’alimentation est à la fois exclusive des acides gras dits essentiels (acide linoléique et α -linolénique) et la source quasi exclusive des acides gras non essentiels tant les capacités de synthèse endogène sont quantitativement mineures.
Les graisses alimentaires sont d’origine végétale et animale. Parmi les graisses d’origine végétale on distingue les huiles « fluides », liquides à température de 15° C (arachide, olive, tournesol, colza, soja, maïs, pépins de raisin,…) et les huiles « concrètes », solides à la température de 15° C (palme, coprah). Les graisses animales sont soit d’origine laitière (lait, crème, beurre, fromages)… soit apportées (viandes et poissons consommés) ou extraites des animaux terrestres (saindoux de porc, suif de boeuf, suif de mouton, graisse d’oie et de canard) ou marins (huiles de hareng, sardine, saumon…). La teneur lipidique des principaux aliments est incluse dans les tableaux présentés en annexe.
Les triglycérides
95 à 98 % des graisses alimentaires sont ingérées sous la forme de triglycérides (TG). L’alimentation contemporaine apporte100 à 150 g de TG par jour. Les TG sont composés d’une molécule de glycérol dont les 3 fonctions alcool sont estérifiées par 3 acides gras semblables ou différents. Les acides gras (AG) qui entrent dans la composition
des TG (et de certains lipides plus complexes) sont caractérisés par :
⇒ Leur longueur de chaîne
Elle est définie par le nombre d’atomes de carbone. Ce nombre varie généralement entre 4 et 24.
Dans la nature, il est quasiment toujours pair. Les AG sont à chaîne courte lorsque le nombre d’atomes de carbone est ≤ 6, à chaîne moyenne lorsque le nombre d’atomes de carbone est > 6 et < 14 et à chaîne longue lorsque le nombre d’atomes de carbone est ≥ 14. La numérotation des atomes de carbone se fait à partir de l’extrémité carboxyle de la chaîne carbonée (figure 2). Par convention, chaque acide gras peut être dénommé par une succession de chiffres et de signes. Le premier chiffre indique le nombre d’atomes de carbone suivi du signe « : ». Ainsi, un AG dénommé 18: … indique que le squelette carboné de cet AG est constitué de 18 atomes de carbone.
⇒ Leur degré d’insaturation
L’insaturation est définie par le nombre de doubles liaisons situées sur la chaîne carbonée. Dans la dénomination commune le nombre de doubles liaisons est indiqué par le chiffre qui suit le nombre d’atomes de carbone. L’absence de double liaison caractérise les AG saturés (par exemple 18:0). Une double liaison définie les AG monoinsaturés (par
exemple 18:1). Les AG ayant 2 ou plus de 2 doubles liaisons sont polyinsaturés (par exemple 18:2, 18:3). La présence de doubles liaisons sur la chaîne carbonée rend l’AG
sensible aux phénomènes de peroxydation particulièrement sous l’effet de l’oxygène de l’air et des UV. Il est nécessaire de les conserver à l’abri de la lumière. Tout AG soumis à une cuisson à température très élevée peut se cycliser et/ou se polymériser mais les AG polyinsaturés sont particulièrement sensibles à ce phénomène. Les graisses très riches en AG polyinsaturés ne sont pas des graisses de friture surtout lorsque celleci se déroule en bac et de façon répétée. Toutefois, les huiles riches en acide linolénique peuvent être utilisées pour les fritures « à plat » (poêle) car la température ne dépasse pas 250° C et à la condition de ne pas utiliser la même huile pour des fritures répétées.
⇒ La place de la première double liaison par rapport à l’extrémité méthyle de la chaîne carbonée
Cette place définit la famille à laquelle appartient un AG qu’il soit mono ou polyinsaturé. La famille est identifiée par la lettre ω ou le sigle n- suivi d’un chiffre. Ce chiffre indique la place de la première double liaison par rapport à l’extrémité méthyle de la chaîne carbonée. Ainsi un AG de la famille ω 7 ou n-7 aura une double liaison entre les carbones 7 et 8. S’il est polyinsaturé, il pourra également présenter d’autres doubles liaisons mais toujours entre des carbones de rang supérieur et jamais de rang inférieur. Si, sous l’action d’une élongase, la chaîne carbonée s’allonge de 2 atomes de carbone, l’AG résultant appartiendra à la même famille car l’allongement de la chaîne se produit toujours à partir de l’extrémité carboxyde.
La désaturation d’un AG résulte de l’action d’une désaturase. Les désaturases sont des enzymes du réticulum endoplasmique retrouvées pratiquement dans tous les types
cellulaires. Elles ont une grande spécificité de site (par exemple la Δ9-désaturase ne peut introduire une double liaison qu’entre les carbones 9 et 10 d’un AG) mais une faible spécificité de substrat ce qui implique une certaine compétition de substrat. Certaines désaturases sont communes aux animaux et aux végétaux (Δ9, Δ6, Δ5, Δ4-désaturase).
D’autres sont spécifiques au monde végétal (Δ12 et Δ15 désaturases). Ces 2 désaturases sont à l’origine de 2 familles d’acides gras dont les précurseurs ne peuvent être synthétisés par l’homme. Ils sont dits essentiels. Il s’agit de l’acide linoléique, dont sont issus tous les AG de la famille n-6 et de l’acide a-linolénique précurseur de la famille n-3. Les besoins sont estimés entre 1 et 3 % de l’apport énergétique pour l’acide linoléique et entre 0,2 et 1 % pour l’acide a-linolénique. Compte tenu des compétitions de substrats dans les voies de désaturation et d’élongation, il est important de respecter un équilibre d’apport entre ces 2 précurseurs.
Actuellement, un rapport 18:2 n-6/18:3 n-3 compris entre 5 et 10 est considéré comme satisfaisant. 50 à 70 % des AG présents dans les huiles de soja, maïs, noix, tournesol et
pépins de raisin sont de l’acide linoléique. Cette proportion est de 30 % dans l’huile d’arachide 20 % dans l’huile de colza et 10 % dans l’huile d’olive. Les huiles de soja, colza
et noix contiennent également 10 à 15 % d’acide α-linolénique. La figure 3 résume les voies de biosynthèse des acides gras insaturés.