3  -  Les techniques de mesure


L’ensemble des techniques les plus utilisées est exposé de façon simple. D’autres ouvrages [1-3] en précisent des aspects plus détaillés.

3 . 1  -  La mesure de la densité corporelle (méthodes d’estimation)

Dans le modèle à deux compartiments, si une densité fixe est attribuée à chaque compartiment (0,9 g par ml pour la masse grasse, et 1,1 g par ml pour la masse maigre), la proportion de chacun des compartiments peut-être calculée à partir de la densité du corps entier. Celle-ci est le rapport masse sur volume (D). L’équation de Siri permet de calculer le pourcentage de masse grasse :

                                                                                              % MG = 100 (4,95/D-4,50)

Cette méthode a longtemps été considérée comme la référence et a fourni une grande partie de nos connaissances de la composition corporelle. La densité corporelle peut être déterminée de deux façons :

  • par hydrodensitométrie, en utilisant le principe d’Archimède qui consiste à mesurer un volume en l’immergeant dans l’eau. Il faut donc un équipement adapté (une cuve de taille suffisante, une capacité à déterminer les volumes des gaz respiratoires et intestinaux).


Cette technique ne peut être utilisée chez les enfants, les malades, les personnes âgées à mobilité réduite, les patients à coopération réduite,

  • par pléthysmographie, en utilisant la loi de Boyle-Mariote, où le produit pression * volume est une constante. Ainsi, si un corps est introduit dans une cabine de volume connu, le régime de pression de la cabine est modifié en proportion du volume introduit. Le volume corporel d’un individu peut-être mesuré en quelques minutes (environ 5) sans agression physique et avec un niveau de coopération limité. Cette méthode bénéficie d’un développement important (Figure 3).
Figure 3 : Diagrammatic representation of major system components.

3 . 2  -  La mesure des plis cutanés (méthodes de prédiction)

Les plis cutanés

Les sites classiques de mesure des plis cutanés sont :

  • le pli bicipital : après mesure de la distance entre la pointe de l’olécrane et celle de l’acromion, la peau est pincée dans le sens de la longueur du biceps, à la mi-distance calculée, en regard de la face antérieure du bras,
  • le pli tricipital : à mi-distance calculée, dans le sens de la longueur du triceps, en regard de la face postérieure du bras. 
  • le pli sous-scapulaire : à 2 travers de doigt sous la pointe de l’omoplate, le pli cutané est formé et orienté en haut et en dedans formant un angle d’environ 45° avec l’horizontale, 
  • le pli supra-iliaque : à mi-distance entre le rebord inférieur des côtes et le sommet de la crête iliaque, sur la ligne médioaxillaire, le pli est formé verticalement.

Les mesures sont réalisées par convention du côté dominant. Elles ne prennent que quelques minutes. L’épaisseur de quatre plis cutanés (bicipital, tricipital, sous-scapulaire et supra-iliaque est déterminée (voir encadré). La somme des quatre plis cutanés est introduite dans des équations prédictives, en fonction de l’âge et du sexe, afin d’estimer la densité corporelle (tableau I). L’hypothèse de la méthode est que l’épaisseur de la graisse sous-cutanée reflète la masse grasse totale de l’organisme. La détermination des plis doit être effectuée avec une pince spécialement calibrée (adiposomètre) permettant de mesurer l’épaisseur du pli sans écraser le tissu adipeux sous-cutané. La mesure doit être réalisée par un opérateur entraîné (coefficient de variation personnel inférieur à 5 %). Outre les problèmes liés à la mesure des plis cutanés (difficile voire impossible chez les sujets présentant une obésité sévère), cette méthode présente plusieurs limites :

  • celle conceptuelle liée à la mesure de densité totale qui va en propager les erreurs, voire les amplifier,
  • celles liées à la localisation des plis sélectionnés et à leurs relations à la masse grasse totale. Les quatre plis décrits ci-dessus ne prennent pas en compte le tissu adipeux de la partie inférieure du corps et ont tendance à sous-estimer l’obésité gynoïde.


La méthode estime mal le tissu adipeux profond et a tendance à sous-estimer l’obésité viscérale. La méthode des plis cutanés a pour avantage sa simplicité de mise en oeuvre et son coût très faible. Ceci a conduit au développement de nombreuses équations prédictives spécifiques de sous-populations particulières (enfants, adolescents, sportifs...).

Tableau 1 : Equations prédictives de la densité corporelle (DC) en fonction de l'age et du sexe chez l'adulte
   Tranches d'âge       Homme    Femme
    17-19    DC = 1,1620 - 0,0630 (log S)  
   DC = 1,1549 - 0,0678 (log S)  
    20-29    DC = 1,1631 - 0,0632 (log S)   DC = 1,1599 - 0,0717 (log S)
    30-39    DC = 1,1422 - 0,0544 (log S)   DC = 1,1423 - 0,0632 (log S)
    40-49    DC = 1,1620 - 0,0700 (log S)   DC = 1,1333 - 0,0612 (log S)
    >=50    DC = 1,1715 - 0,0779 (log S)   DC = 1,1339 - 0,0645 (log S)
S est la somme des 4 plis cutanés (bicipital, tricipital, souscapulaire et suprailiaque) exprimée en mm.

3 . 3  -  La mesure de l’eau totale (méthode d’estimation)

Dans le modèle à deux compartiments, la masse grasse est dépourvue d’eau et la masse maigre en contient une proportion fixe (73 %). À partir de l’estimation de l’eau corporelle totale, il est donc facile de calculer la masse maigre :

                                                                             MM = EAU TOTALE/0,73

Dans le modèle à trois ou quatre compartiments, l’eau corporelle totale et l’eau extracellulaire peuvent être considérées comme des compartiments (il s’agit alors d’une méthode de quantification). Les volumes d’eau (corporelle totale, extracellulaire, et intracellulaire) peuvent être déterminés :

  • par dilution de traceur : une dose connue de traceur est bue, des prélèvements de plasma, d’urine, ou de salive sont réalisés quatre à six heures après administration de la dose. La concentration en traceur reflète le volume de dilution de la dose. Les traceurs de l’eau corporelle totale sont l’eau marquée au deutérium ou à l’oxygène 18, deux isotopes stables. L’eau tritiée n’est pas utilisée en France. Le traceur de l’eau extracellulaire est le brome. Il n’y a pas de traceur de l’eau intracellulaire. Ces méthodes ne sont pas utilisées en routine car elles nécessitent un équipement lourd. Elles servent à étalonner d’autres méthodes.
  • par impédancemétrie bioélectrique (méthode de pré¬diction) L’impédancemétrie bioélectrique (bioelectrical impedance analysis, BIA) est basée sur la capacité des tissus hydratés à conduire l’énergie électrique. L’impédance est fonction du volume du compartiment hydro-électrolytique contenu dans le corps. L’impédance (Z) d’un corps est liée à la résistance spécifique (r), la longueur (L), et le volume conducteur (V) :


                                                                               V = r L2/Z

L est la taille de l’individu, r est une constante déterminée lors de l’étalonnage du système.

La technique BIA la plus répandue utilise un seul courant de 800 µAmp avec une fréquence de 50 kHz, et quatre électrodes de surface autocollantes. Deux électrodes sont placées au niveau du poignet, et deux le sont au niveau de la cheville homo-latérale. Le courant est appliqué pendant quelques secondes, et la mesure de Z est lue. Du fait des caractéristiques du courant, la mesure est totalement indolore. Quand le courant a une fréquence supérieure à 50 kHz, le volume mesuré est assimilé à l’eau corporelle totale.
Quand cette fréquence est inférieure à 5 kHz, le volume correspond à l’eau extracellulaire. Des mesures avec plusieurs fréquences de courant permettent une approche des différents secteurs hydriques.
Cette méthode fait l’objet de nombreuses critiques. À partir d’un modèle électrique simple, l’eau corporelle totale puis la masse maigre son déterminées. La qualité de la validation initiale de l’équation, sa pertinence pour une population spécifique, les conditions de mesures (température, orthostatisme...) sont des facteurs qui influencent les résultats. Cependant, en pratique clinique, il s’agit d’une technique simple, facile à mettre en oeuvre, peu coûteuse et indolore pour le patient. Elle apporte des informations utiles dans des circonstances où les autres techniques ne peuvent être utilisées.

3/5