5  -  Principes du traitement des maladies auto-immunes

Le traitement des maladies auto-immunes a plusieurs objectifs : prévenir les poussées de la maladie, s'opposer à l'évolutivité des atteintes viscérales, préserver l'insertion socio-professionnelle et guérir la maladie tout en évitant les effets indésirables des traitements. Le traitement immunologique des maladies auto-immunes repose sur trois points : supprimer les aAc pathogènes (plasmaphérèse), éviter leur production en agissant sur l'activation des lymphocytes et sur la synthèse de cytokines (immunosuppresseurs tels que les corticoïdes, la cyclosporine A, les molécules interférant avec le métabolisme des purines telles que l'azathioprine Imurel® ou le mycophénolate mofétil Cellcept®) et, de façon plus subtile, modifier la réponse immune pour la rendre non-pathogène (principe de l'immunomodulation par exemple par un effet inhibiteur direct sur les lymphocytes par le biais de CTLA4, en modifiant l'équilibre Th1/Th2 par l'interleukine-4 ou en inhibant l'action cytotoxique du TNFa par des anticorps anti-TNFa).

Les effets des thérapeutiques immunosuppressives les plus utilisées sont brièvement rappelés ci-dessous :

  • Les corticoïdes : Ils ont des propriétés à la fois immunosuppressives et anti-inflammatoires, agissant sur les lymphocytes T, la production d'anticorps et sur la transcription des gènes de nombreuses cytokines. Il s'agit de la prednisone (Cotancyl®), de la prednisolone (Solupred®) ou de la méthylprednisolone (Solumedrol®) pour la forme administrée par voie intraveineuse. Les corticoïdes exercent leurs effets par le biais de récepteurs intra cytoplasmiques. Ils inhibent la synthèse de facteurs de transcription impliqués dans la production de nombreuses cytokines.
  • Ils ont aussi des effets sur la synthèse et la sécrétion de nombreuses protéines. In vivo, ils inhibent l'accès des leucocytes au site de l'inflammation. En inhibant la production de cytokines, ils dépriment l'activité des macrophages et des neutrophiles. Ils dépriment également la synthèse Ils dépriment également la synthèse de prostaglandines et de leucotriènes, en inhibant l'activité de la phospholipase A2. Ce sont aussi de puissants inhibiteurs des protéases et de la production des dérivés NO par inhibition de la NO-synthase. Ils sont capables d'induire l'apoptose des thymocytes et des lymphocytes T activés.
  • La cyclosporine A : cette substance, initialement connue comme antifongique, a révélé d'excellentes propriétés immunosuppressives. Son mécanisme d'action est sélectif et réversible vis-à-vis des lymphocytes T activés, en particulier les lymphocytes T CD4+. La cyclosporine A se lie à des récepteurs intracytoplasmiques, les cyclophilines, de la famille des immunophilines. Le complexe cyclosporineA/cyclophiline inhibe l'activité de la calcineurine qui est une phosphatase activatrice de NFATc. Il en résulte un blocage de la transcription des gènes de l'interleukine 2 et d'autres cytokines. Le nom commercial est le Neoral®. Le métabolisme de la cyclosporine est très variable d'un sujet à un autre, ce qui conduit à ajuster les doses (en fonction du résultat du dosage sérique) pour chaque patient. Cette molécule est très souvent utilisée dans la prévention du rejet de greffe allogénique.
  • L'azathioprine (Imurel®), le mycophénolate mofétil (Cellcept®) et le méthotrexate (Méthrotrexate®) : Ce sont des immunosuppresseurs à action cytotoxique agissant comme inhibiteurs du métabolisme des purines. Ils inhibent ainsi la prolifération cellulaire T et B, la formation d'anticorps et la glycosylation des molécules d'adhésion. Ces molécules ont aussi une toxicité sur les cellules hématopoïétiques.
  • L'azathioprine est inactive in vivo mais elle est dégradée en 6-mercaptopurine et en thioinosine monophosphate qui sont des métabolites actifs. L'acide mycophénolique est le métabolite actif du mycophénolate mofétil. Ce dernier semble avoir un effet immunosuppresseur plus important que l'azathioprine pour prévenir le rejet de greffe. Son utilisation dans le traitement des maladies auto-immunes est beaucoup plus récente. Le méthotrexate est un inhibiteur de la tétrahydrofolate réductase, qui bloque la synthèse de thymidilate, la synthèse de novo des purines et la division cellulaire.
  • Le cyclophosphamide (Endoxan®) : c'est un agent alkylant formant des liaisons covalentes au niveau de l'ADN et conduisant à la mort des cellules en division. Son action se fait essentiellement sur les lymphocytes B (suppression de la production d'anticorps) et sur les lymphocytes T CD8+.
  • Les Immunoglobulines intraveineuses. Après la mise en évidence de leur efficacité dans le traitement du purpura thrombopénique auto-immun, leur effet bénéfique s'est étendu à d'autres maladies auto-immunes. Elles sont utilisées dans la myasthénie, les polymyosites, les dermatopolymyosites, le lupus et les anémies ou thrombopénies auto-immunes. Les mécanismes d'action de ce traitement sont multiples et pas toujours bien prouvés : effets provoqués par la fixation au récepteur Fc (blocage des récepteurs Fc, activation des signaux intracellulaires par le récepteur Fc), atténuation des lésions tissulaires induites par le complément, modification de la structure et de la solubilité des complexes immuns, libération de cytokines anti-inflammatoires, modulation de l'expression des molécules d'adhésion, blocage de l'effet des auto-anticorps pathogènes par des anticorps anti-idiotypes contenus dans la préparation, action sur le réseau idiotypique, contrôle du répertoire des cellules B et contrôle de l'activation de clones lymphocytaires…


Chaque maladie auto-immune a son schéma thérapeutique propre avec ses indications de traitement purement symptomatique, anti-inflammatoire, immunosuppresseur ou/et substitutif.

Dans les formes mineures du lupus érythémateux aigu disséminé, comme, par exemple, une forme modérée articulaire, le traitement fait appel à un traitement considéré comme immunomodulateur qui est un antimalariques de synthèse (hydroxychloroquine, Plaquenil®).

Ce traitement est très utilisé dans la forme cutanéo-articulaire du lupus systémique avec une bonne efficacité. Son mécanisme d'action reste mal connu : diminution de la sensibilité aux ultraviolets, inhibition de la formation de complexes immuns et des phénomènes inflammatoires consécutifs à leurs dépôts, inhibition de la présentation de l'antigène par les macrophages. Dans les formes de lupus systémique avec une atteinte viscérale plus diffuse ou plus sévère, les corticoïdes représentent le traitement le plus souvent prescrit. Le traitement de certaines formes histologiques d'atteinte rénale nécessite une association corticoïdes/cyclophosphamide (Endoxan®). Plus récemment, le mycophénolate mofétil a été proposé dans le traitement des glomérulonéphrites lupiques prolifératives.

La corticothérapie reste la base du traitement des dermatopolymyosites et polymyosites. Les doses vont de quelques milligrammes jusqu'au gramme par jour. Cependant, ce traitement a pour limite de ne pas être sélectif et d'entraîner de nombreux effets indésirables quand il est prescrit au long cours. Le méthotrexate est essentiellement utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde sévère. Dans les autres maladies auto-immunes, il est le plus souvent utilisé en cas d'atteintes viscérales graves ou en cas de corticorésistance ou de corticodépendance.

Les échanges plasmatiques n'ont plus guère d'indication car les traitements médicaux actuels contrôlent mieux les maladies auto-immunes. Les rares indications concernent les formes fulminantes non contrôlées par les traitements médicaux ou les manifestations de vascularite associée à la polyarthrite rhumatoïde. Ce traitement est lourd de mise en œuvre et n'est pas dénué d'effets indésirables.

Il faut noter que le traitement du syndrome de Gougerot-Sjögren est avant tout symptomatique (traitement de la xérostomie et de la xérophtalmie) et que les corticoïdes ou autres immunosuppresseurs ne sont utilisés que lors d'atteintes viscérales extra-glandulaires graves. Le Plaquenil® est aussi utilisé.

La sclérodermie pose de gros problèmes thérapeutiques car aucun traitement ne permet à ce jour de contrôler l'évolutivité de la sclérose cutanée. Le traitement des troubles ischémiques périphériques fait appel à des vasodilatateurs puissants (analogue de la prostacycline ou Iloprost®, nécessitant une perfusion intraveineuse continue).

Dans la myasthénie, l'exérèse chirurgicale du thymus reste la règle avec des cas de régression de la maladie.

Pour les endocrinopathies auto-immunes, le traitement est purement symptomatique, le rapport bénéfice/risque des immunosuppresseurs étant trop faible.

Plus récemment des autogreffes de moelle osseuse ont été proposées pour traiter les formes graves et rebelles de certaines maladies auto-immunes (lupus systémique, sclérodermie, polyarthrite rhumatoïde essentiellement). Le but est d'éliminer la production de lymphocytes auto-réactifs par une immunosuppression très forte et de réinjecter des cellules souches sélectionnées pour restaurer un système immunitaire moins auto-immun.

Enfin, il ne faut jamais oublier l'importance de l'éducation du patient, de son information et de son adhérence au traitement. Des mesures symptomatiques comme la kinésithérapie, le traitement de la douleur, des atteintes viscérales, une prise en charge psychologique des handicaps ne doivent pas être oubliées. De même, la prévention solaire, l'arrêt d'un traitement hormonal contenant des œstrogènes et l'éviction de certains médicaments inducteurs de manifestations auto-immunes doivent être signalés au patient.

7/8