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Les autres éléments biologiques
Les anomalies biologiques fréquemment observées au cours de ces maladies concernent les perturbations de l'hémogramme, les troubles de la coagulation, une hypergammaglobulinémie, un syndrome inflammatoire et les signes biologiques témoins d'une souffrance viscérale. Anémie, leucopénie et thrombopénie sont fréquentes.
- L'anémie peut avoir diverses étiologies. Il peut s'agir d'une anémie hémolytique auto-immune, d'une anémie par carence martiale (hémorragie, trouble de l'absorption), d'une anémie secondaire à une insuffisance rénale chronique, d'une anémie par microangiopathie thrombotique, par phénomène immuno-allergique (médicaments), d'origine mégaloblastique (en cas de maladie de Biermer associée) ou enfin par érythroblastopénie (particulièrement en cas de thymome). Il est important de noter que l'origine inflammatoire de l'anémie est rare (peut se voir dans le lupus, la sclérodermie ou le syndrome de Gougerot-Sjögren).
- Une leucopénie inférieure à 4 g/l, avec le plus souvent une lymphopénie inférieure à 1 g/l ou parfois une neutropénie inférieure à 2 g/l, est souvent observée dans les maladies auto-immunes. Le mécanisme de la lymphopénie et de la neutropénie est habituellement auto-immun, la production médullaire de ces cellules restant normale.
- Une thrombopénie inférieure à 100 g/l est aussi fréquente. Elle est le plus souvent d'origine auto-immune et la profondeur de la thrombopénie est très variable (du véritable purpura thrombopénique auto-immun avec un taux de plaquettes inférieur à 20 g/l à la thrombopénie modérée autour de 80-100 g/l n'entraînant pas de manifestations hémorragiques). Plus rarement, la thrombopénie peut être associée à un purpura thrombotique thrombocytopénique. Dans le contexte d'un lupus érythémateux systémique, la thrombopénie peut être associée à la présence d'anticorps anti-phospholipides (cf. Item 117 : Diagnostic des connectivites).
Les troubles de la coagulation incluent l'allongement du temps de céphaline activé secondaire à la présence d'anticorps anti-phospholipides. Il peut y avoir dans quelques cas des auto-anticorps dirigés contre un facteur de la coagulation (principalement anti-facteur VIII). Des perturbations globales de la coagulation peuvent également s'observer en cas de phénomène de coagulation intravasculaire aiguë disséminée. L'électrophorèse des protéines sériques met souvent en évidence une hypergammaglobulinémie polyclonale, témoignant de l'intensité de la réponse humorale au cours de ces maladies. L'augmentation forte et quasi élective des IgG se rencontre surtout dans les hépatites auto-immunes ; celle des IgM, dans la cirrhose biliaire primitive. Dans les maladies auto-immunes systémiques, l'hypergammaglobulinémie porte sur les trois isotypes avec une prédominance pour les IgG. Une immunoglobuline monoclonale est relativement fréquente dans le syndrome de Gougerot-Sjögren (16 à 70 %). Un syndrome inflammatoire est assez fréquemment observé au cours de la polyarthrite rhumatoïde et de la dermatopolymyosite. Dans le lupus, il est classique d'observer une accélération de la vitesse de sédimentation (VS), mais celle-ci n'est pas d'origine inflammatoire puisque la protéine C-réactive est normale. Elle est le résultat le plus souvent d'une hypergammaglobulinémie ou d'une anémie, toutes deux responsables d'une accélération de la VS. Les anomalies biologiques en rapport avec une souffrance viscérale peuvent concerner pratiquement tous les organes dans les maladies auto-immunes systémiques et sont ciblées sur l'organe lésé en cas de maladies auto-immunes spécifique d'un organe. Au cours du lupus et de la sclérodermie, l'atteinte rénale constitue un critère de mauvais pronostic. Elle doit être recherchée par un dosage de l'urée sanguine, de la créatininémie et un calcul de la clairance de la créatinine. Une étude du sédiment urinaire et de la protéinurie sur 24 heures est également indispensable. Une atteinte hépatique, habituellement d'origine auto-immune, peut également être associée. L'atteinte musculaire (élévation des CPK et de l'aldolase) est classique dans les polymyosites ou les dermatopolymyosites, mais elle peut également être le signe d'une hypothyroïdie auto-immune. Les autres anomalies dépendent de l'organe lésé : hypo- ou hyperthyroïdie au cours respectivement des maladies de Hashimoto et de Basedow, insuffisance surrénalienne au cours de la maladie d'Addison auto-immune, hyperglycémie du diabète de type I, perturbation de la fonction hépatique au cours de la cirrhose biliaire primitive… Enfin, dans les maladies auto-immunes systémiques, il existe fréquemment des perturbations du système du complément, soit par déficit génétique (se référer à ce qui a été noté plus haut) soit par consommation du complément par les immunoglobulines ou les complexes immuns. De même, il peut exister une cryoglobulinémie, le plus souvent polyclonale (de type III), notamment dans le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou le syndrome de Gougerot-Sjögren.
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Diagnostic clinique
Il s'agit d'un simple rappel des principaux signes cliniques des maladies auto-immunes qui sont, pour la plupart, traitées ailleurs dans le programme du deuxième cycle.
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Les maladies auto-immunes systémiques ou non spécifiques d'organe
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Lupus Érythémateux Aigu Disséminé (LEAD) ou Systémique (LES)
Le lupus érythémateux systémique est le prototype des maladies auto-immunes non spécifiques d'organes. Sa pathogénie n'est toujours pas bien connue. Elle fait intervenir les immuns complexes circulants (anticorps anti-ADN/ADN) qui peuvent se déposer dans différents tissus, dont les reins, et être responsables de lésions. Cependant, les mécanismes lésionnels sont en fait beaucoup plus complexes. De même, on ne connaît pas la cause de l'hyperactivité polyclonale des lymphocytes B responsable de la production d'aAc. Il est aussi difficile d'expliquer l'immunisation contre des constituants cellulaires habituellement non exprimés à la membrane et donc inaccessibles au système immunitaire. Des anomalies de l'apoptose cellulaire responsables de la présentation aux lymphocytes de fragments nucléaires non exprimés jusqu'alors, et donc considérés comme du « non soi », pourraient expliquer en partie la possibilité d'auto-immunisation.
La symptomatologie clinique du LES est très variable d'un individu à l'autre et pratiquement tous les organes peuvent être touchés par la maladie. La maladie évolue habituellement par une succession de poussées et de rémissions. Les atteintes viscérales s'associent lors des poussées à des signes généraux (fièvre, asthénie, amaigrissement). Seules les principales manifestations cliniques observées au cours du LES seront énoncées (pour approfondir, se référer à l’Item 117 : Diagnostic des connectivites).
- Manifestations dermatologiques : elles sont très fréquentes, observées dans près de 80 % des cas. L'érythème en aile de papillon du visage, qui a donné son nom à la maladie (lupus pour « masque de loup »), est maculeux ou maculopapuleux finement squameux. On peut aussi observer un érythème du décolleté, des faces d'extension des coudes et des genoux, et des lésions érosives de la muqueuse buccale. Le caractère photosensible des lésions est typique. L'exposition aux U V (au soleil) peut déclencher une poussée lupique. Le livedo et l'alopécie ne sont pas spécifiques, mais ils sont évocateurs de la maladie.
- Manifestations rhumatologiques : elles sont souvent inaugurales. Elles comprennent des arthromyalgies, des oligo- ou polyarthrites aiguës, le plus souvent bilatérales et symétriques, touchant les mains, les genoux et les chevilles. Elles sont le plus souvent non déformantes et les radiographies ne montrent pas de destruction osseuse. Des ténosynovites et des ostéonécroses aseptiques sont possibles.
- Manifestations rénales : elles conditionnent le pronostic de la maladie et doivent toujours être recherchées. Les lésions prédominent dans les glomérules mais peuvent aussi être interstitielles, tubulaires ou vasculaires. Elles sont classées en 6 formes par l'OMS : la glomérulonéphrite membranoproliférative (classe IV) est la forme la plus fréquente mais aussi la plus grave.
- Manifestations neurologiques : il s'agit de crises comitiales, de manifestations centrales déficitaires (hémiplégie, monoplégie), de méningite lymphocytaire aseptique et plus rarement d'une chorée, d'une encéphalopathie, d'une paralysie des nerfs crâniens ou d'une neuropathie périphérique. Les troubles psychiques sont fréquents allant du trouble de l'humeur au syndrome confusionnel.
- Manifestations vasculaires : elles comprennent le syndrome de Raynaud, l'hypertension artérielle (secondaire à l'atteinte rénale le plus souvent), ou une vascularite (pouvant se localiser dans la peau ou le système nerveux central).
- Manifestations cardiaques : les trois tuniques peuvent être touchées avec possibilité de péricardite, d'endocardite amicrobienne (endocardite de Libman Sacks) et de myocardite.
- Autres : atteinte respiratoire (pleurésie, infiltrats parenchymateux), hypertension artérielle pulmonaire, adénopathies périphériques, splénomégalie, atteinte abdominale (pancréatite, perforation digestive) et atteinte oculaire (rétinite, névrite optique).
Le LES se caractérise par la présence d'anticorps anti-nucléaires dont l'aspect en immunofluorescence est le plus souvent homogène ou moucheté, et d'anticorps anti-ADN natif, résultat biologique le plus spécifique de cette maladie. Des anticorps dirigés contre des antigènes nucléaires solubles (anti-Sm, très spécifiques, anti-SSA-Ro, -SSB-La, -RNP) peuvent également être observés.
Un ensemble de critères (critères de l'American Rheumatism Association) tenant compte des manifestations cliniques et des anomalies biologiques les plus évocatrices de cette maladie permet de poser le diagnostic du LES. Cependant ces critères servent surtout pour étudier de façon homogène des patients atteints de lupus (essais thérapeutiques) et sont d'un apport diagnostique modéré à l'échelon individuel.
Cas particulier : le lupus induit : Il s'agit de manifestations cliniques et biologiques de lupus induites par un traitement médical. Cette pathologie a une fréquence d'environ 10 % des cas de lupus et doit toujours être recherchée eu égard à la forte consommation de médicaments, en France notamment. Deux critères sont nécessaires pour le diagnostic de lupus induit :
- les signes cliniques et biologiques doivent être absents avant la prise du traitement et régresser progressivement à son arrêt ;
- la réintroduction du médicament (éthiquement difficile à réaliser, mais parfois involontaire) est responsable de la réapparition des signes pathologiques.
Les principaux médicaments responsables de lupus induit sont l'hydralazine (antihypertenseur) et la procaïnamide, qui ont été retirés du marché, la D-pénicillamine, l'isoniazide, les bétabloquants et les anticonvulsivants (carbamazépine).
D'autres médicaments sont responsables de l'apparition d'anticorps anti-nucléaires mais sans manifestations cliniques : ce sont les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et le minoxidil.
Les caractéristiques du lupus induit sont :
- absence de prédominance féminine,
- rareté de l'atteinte rénale (ou atteinte bénigne),
- présence d'anticorps anti-nucléaire de type anti-histone, sans anticorps anti-ADN natif (ou alors à de faibles taux). Cependant, les anticorps anti-histone ne sont pas spécifiques du lupus induit.
Le traitement consiste à l'arrêt du médicament inducteur, avec, dans certains cas, une corticothérapie transitoire.
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Sclérodermie
La sclérodermie est une affection généralisée du tissu conjonctif, des artérioles et des microvaisseaux conduisant à une fibrose et à une oblitération vasculaire. Son nom vient de l'aspect de sclérose cutanée caractéristique de cette maladie. Les liens entre les aAc sériques observés dans cette maladie et les anomalies du tissu conjonctif (augmentation de la quantité de collagène) ainsi que les altérations histologiques de la paroi des vaisseaux ne sont pas bien compris. Les aAc pourraient léser directement les cellules endothéliales mais il semble que l'immunité cellulaire soit plus impliquée que l'immunité humorale, en particulier par la sécrétion de cytokines et de facteurs de croissance tels le TGFbeta (Transforming Growth Factor beta) et le FGF (Fibroblast Growth Factor). Le diagnostic de cette maladie est avant tout clinique et les résultats des examens complémentaires ne font que conforter le clinicien. Il existe trois formes de sclérodermie : la forme cutanée diffuse, la forme cutanée limitée et les sclérodermies localisées.
- La forme cutanée diffuse ou sclérodermie systémique débute rapidement après le premier symptôme de la maladie (classiquement moins de un an), qui est le plus souvent un syndrome de Raynaud (phénomène vasomoteur paroxystique des extrémités déclenché par le froid). Les crises peuvent se rapprocher et les mains peuvent rester blanches ou bleues avec une froideur permanente, phénomène appelé acrosyndrome. Cette atteinte est le plus souvent symétrique et peut conduire à des troubles trophiques cutanés liés à l'ischémie avec des ulcérations punctiformes et des escarres pulpaires pouvant aboutir à la nécrose d'un doigt et à l'amputation. La capillaroscopie, qui étudie la microcirculation, montre une raréfaction du lit capillaire avec des capillaires dystrophiques et irréguliers et des mégacapillaires qui sont un élargissement irrégulier de l'anse capillaire, aspect caractéristique de cette forme de sclérodermie et que l'on n'observe pas dans les syndromes de Raynaud primitifs (appelés aussi « maladie de Raynaud ») ou secondaires (associés à d'autres maladies auto-immunes). L'atteinte cutanée est diffuse avec une prédominance de la sclérose sur les mains, le visage et le décolleté. Elle conduit à une limitation de l'ouverture buccale, un effacement des lèvres, une limitation de l'amplitude articulaire des doigts empêchant une extension/flexion complète et parfois des avant-bras avec flessum irréductible. Il peut y avoir des troubles de la pigmentation (hyper ou hypopigmentation) ou un prurit.
- Cette forme de sclérodermie est associée à la présence d'anticorps anti-topoisomérase I (ou anti-Scl 70) dans 15 à 50 % des cas. Ces anticorps sont responsables en immunofluorescence indirects d'un marquage nucléaire finement moucheté.
- La forme cutanée limitée est caractérisée par une atteinte cutanée localisée aux extrémités. Le syndrome de Raynaud est classiquement présent depuis des années (10 à 15 ans) avant l'apparition de la sclérose cutanée et cette forme atteint les femmes plus tardivement que la forme diffuse. Les principales manifestations se résument sous l'acronyme CREST pour Calcifications sous-cutanées (apparaissant sur la radiographie des mains ou s'extériorisant sous la peau principalement au niveau des mains mais aussi des avant-bras, coudes, genoux et crêtes iliaques), Raynaud, atteinte œsophagienne, Sclérodactylie et Télangiectasies (de taille variant de 2 à 20 mm de diamètre et localisées sur le visage ou les mains). La présence d'au moins trois critères (sur les 5) est nécessaire au diagnostic. Le syndrome de Raynaud et l'atteinte œsophagienne sont les manifestations les plus fréquentes (près de 95 % des cas) alors que la calcinose sous cutanée est la manifestation la plus rare (10 à 20 % des cas). Le CREST est une forme d'évolution lente comparée à la précédente et de pronostic moins sévère en dehors du risque d'hypertension artérielle pulmonaire. Les anticorps antinucléaires sont positifs avec une fluorescence de type centromérique dans 70 à 80 % des cas. Cet aspect est très spécifique du CREST.
Ces deux formes (mais surtout la forme diffuse) peuvent être associées à des atteintes viscérales variées, qu'il faudra rechercher par l'interrogatoire, l'examen clinique et les examens paracliniques, et qui sont les suivantes :
- Atteinte digestive : tout le tube digestif est concerné. Il peut exister une dysphagie avec des brûlures rétrosternales, des éructations ou un pyrosis. Les lésions œsophagiennes ne sont pas spécifiques de la sclérodermie puisqu'elles peuvent s'observer dans d'autres maladies auto-immunes comme le lupus systémique mais elles sont fréquentes au cours de la sclérodermie. L'étude radiocinétique du transit œsophagien objective une diminution de l'activité péristaltique et une dilatation de l'extrémité inférieure de l'œsophage. La manométrie œsophagienne montre le plus souvent une perte du tonus du sphincter œsophagien inférieur. La pHmétrie révèle un fréquent reflux œsophagien. La fibroscopie œsogastrique permet d'évaluer les lésions œsophagiennes (ulcération, œsophagite, endobrachyœsophage...). L'atteinte intestinale est responsable d'un syndrome de pseudo-occlusion intestinale ou d'un syndrome de malabsorption, en rapport avec une pullulation microbienne. L'atteinte colique peut être responsable d'une constipation opiniâtre. L'atteinte hépatique est rare en dehors de l'association d'une cirrhose biliaire primitive avec la sclérodermie de type CREST connue sous le nom de syndrome de Reynolds.
- Atteinte pulmonaire : elle se traduit par une dyspnée d'effort, une toux sèche, des douleurs thoraciques et des râles crépitants. Les lésions vont du trouble de la diffusion à la fibrose pulmonaire interstitielle sévère et à l'hypertension artérielle pulmonaire. Cette dernière peut être primitive ou secondaire à la fibrose pulmonaire. Il existe une fréquence accrue de cancer du poumon au cours de la sclérodermie, surtout en cas de fibrose pulmonaire. Les examens paracliniques permettant d'évaluer l'atteinte pulmonaire comprennent la radiographie du poumon, un scanner pulmonaire en coupes fines (aspect réticulaire, réticulo-nodulaire et aspect classique en « rayon de miel »), des épreuves fonctionnelles respiratoires avec étude de la diffusion (troubles de la diffusion alvéolo-capillaire et syndrome restrictif) et une échographie-doppler cardiaque pour évaluer le degré d'hypertension artérielle pulmonaire. Le lavage bronchoalvéolaire permet de recueillir les cellules inflammatoires mais il est de moins en moins pratiqué. La biopsie pulmonaire n'est réservée qu'à des cas particuliers.
- Atteinte rénale : c'est la cause majeure de décès et son pronostic est redoutable. Environ 45 % des sclérodermies diffuses développent une atteinte rénale avec, le plus souvent, une insuffisance rénale aiguë accompagnée d'hypertension artérielle. On parle alors de « crise rénale sclérodermique ». Les lésions observées sur un prélèvement de ponction/biopsie du rein sont d'origine vasculaire ischémique par atteinte des petits vaisseaux.
- Atteinte musculaire : présente dans la majorité des sclérodermies, elle comprend des myalgies associées à un déficit des muscles proximaux. Le taux des CPK et d'aldolase sérique peut être augmenté. Parfois, il existe une véritable myosite inflammatoire associée et l'on parle de sclérodermatomyosite.
- Atteinte cardiaque : elle comprend la péricardite qui peut être aiguë ou chronique, la myocardiopathie secondaire à l'ischémie myocardique et les troubles du rythme et de la conduction. L'évaluation cardiaque nécessite un électrocardiogramme, une échocardiographie et un enregistrement Holter ECG. L'hypertension artérielle est souvent associée à l'atteinte rénale.
- Atteinte articulaire : elle peut être la première manifestation de la sclérodermie. Il existe des arthralgies voire des arthrites et des ténosynovites. Associée à l'atteinte cutanée, elle peut être responsable d'une importante invalidité.
- Atteinte osseuse : des résorptions des houppes des dernières phalanges, une ostéolyse concernant toute une phalange avec perte de l'extrémité du doigt, et un déchaussement dentaire par alvéolyse peuvent être observés.
- Atteinte neurologique : il s'agit essentiellement de la névralgie du trijumeau. Plus rarement, il existe un syndrome du canal carpien ou une neuropathie périphérique.
Les facteurs de mauvais pronostic sont l'atteinte rénale, l'atteinte cardiaque et l'aggravation rapide de la sclérose cutanée.
Les sclérodermies localisées regroupent les morphées (plaques de sclérose cutanée), les sclérodermies en bandes (qui réalisent sur le visage un aspect en « coup de sabre »), les sclérodermies en goutte (réalisant des petites zones de sclérose) et les sclérodermies régionales ou monoméliques atteignant le plus souvent un membre.
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Polymyosite et dermatopolymyosite
Ces maladies sont à la frontière entre maladies auto-immunes spécifiques d'organes et maladies auto-immunes systémiques.
Ces deux maladies ont des manifestations clinico-biologiques communes mais leur physiopathologie est différente.
La dermatopolymyosite fait intervenir l'immunité humorale (lymphocytes B et anticorps) et l'activation du complexe d'attaque membranaire du complément (C5 à C9). Les phénomènes immunologiques se localisent dans le périmysium, essentiellement au niveau des vaisseaux. Il en résulte une oblitération vasculaire et une ischémie musculaire conduisant à l'atrophie périfasciculaire des fibres musculaires. La polymyosite fait intervenir, quant à elle, plutôt l'immunité cellulaire avec principalement le recrutement des lymphocytes T CD8+. Les phénomènes immunologiques se localisent dans l'endomysium et conduisent à une agression directe des fibres musculaires.
Les signes cliniques d'appel sont surtout musculaires mais ils peuvent être cutanés (dans la dermatopolymyosite) ou respiratoires. Il faut d'emblée évoquer une forme particulière appelée syndrome des antisynthétases, qui s'observe dans 10 à 20 % des cas et dont le pronostic est redoutable. Cette forme comprend une atteinte pulmonaire interstitielle diffuse pouvant évoluer rapidement vers la fibrose et l'insuffisance respiratoire, et se caractérise au niveau immunologique par la positivité des anticorps anti-JO1 dirigés contre une sous-unité de l'histidyl-tRNA synthétase. Elle est souvent associée à une polyarthrite, un phénomène de Raynaud, une hyperkératose fissuraire des mains et des doigts, parfois même à des lésions de vascularite distale. En dehors de ce syndrome les signes cliniques observés au cours des polymyosites ou dermatopolymyosites sont les suivants et sont souvent associés à des signes généraux (asthénie souvent majeure aggravée par la faiblesse musculaire, amaigrissement, fièvre) :
- Atteinte musculaire : elle touche la partie proximale des membres et les muscles paravertébraux. L'intensité du déficit musculaire est variable. Les myalgies sont inconstantes. L'atteinte des muscles pharyngés et de l'œsophage peut être responsable de dysphonie, de dysphagie et de fausses routes, représentant un critère de gravité.
- Atteinte cutanée de la dermatopolymyosite : il s'agit principalement d'un érythème des paupières ayant un aspect « lilacé », de lésions érythématosquameuses localisées sur le dos de la main, en regard des articulations des doigts (appelées papules de Gottron), plus rarement observées au niveau des coudes, et d'un érythème péri-unguéal parfois douloureux à la mobilisation de l'ongle (signe de la manucure).
- Atteinte pulmonaire : plusieurs mécanismes sont possibles avec une hypoventilation secondaire à la faiblesse musculaire ou une pneumopathie interstitielle d'évolution fibrosante.
- Atteinte cardiaque : il peut s'agir de troubles du rythme et de la conduction par atteinte des fibres musculaires cardiaques.
- Atteinte rhumatologique : elle comprend essentiellement des arthralgies et plus exceptionnellement des arthrites.
Le diagnostic de ces maladies fait appel à un certain nombre de critères cliniques, biologiques (élévation des CPK), électromyographiques (tracé myogène) et histologiques. Les critères de Bohan et Peter sont les plus utilisés et sont les suivants :
- déficit musculaire bilatéral et symétrique des ceintures scapulaires et pelvienne,
- élévation du taux sérique des CPK,
- triade caractéristique à l'électromyogramme : potentiels d'unité motrice courts et polyphasiques, activité spontanée de repos avec fibrillation et décharges répétées à haute fréquence,
- biopsie musculaire caractéristique,
- manifestations cutanées typiques de la dermatopolymyosite.
Le diagnostic de polymyosite est affirmé avec certitude par la présence de 3 des 4 premiers critères, celui de la dermatopolymyosite nécessite en plus la présence de signes cutanés.
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Syndrome de Gougerot-Sjögren
Il s'agit là encore d'une maladie frontière entre les MAI spécifiques et les MAI non spécifiques d'organe, du fait de l'atteinte préférentielle des glandes exocrines (principalement lacrymales et salivaires). On peut parler d'exocrinopathie auto-immune. Dans sa physiopathologie, cette maladie s'éloigne des maladies auto-immunes stricto sensu puisqu'il s'agit davantage d'un syndrome lymphoprolifératif bénin. Il existe une infiltration lymphocytaire T au niveau des organes atteints, principalement T CD4+ avec une réponse immunologique de type Th1. Cette maladie peut être associée à la survenue d'un syndrome lymphoprolifératif malin, de localisation extra-nodale (glandes salivaires, estomac et poumon) et d'aspect histologique de type MALT (lymphome du tissu lymphoïde associé aux muqueuses ou Mucosae Associated Lymphoid Tissue).
Il existe deux formes de syndrome de Gougerot-Sjögren : la forme primitive isolée et la forme secondaire associée à une autre maladie auto-immune, la plus fréquente étant la polyarthrite rhumatoïde (mais aussi LEAD, Sclérodermie et Thyroïdite de Hashimoto).
Les signes cliniques sont les suivants :
- la xérophtalmie : c'est une sécheresse oculaire et la patiente se plaint de manquer de larmes ou a l'impression d'avoir parfois du sable dans les yeux. Il peut y avoir une photophobie associée. Les complications graves sont la kératoconjonctivite sèche et les ulcérations cornéennes. L'examen ophtalmologique permet d'évaluer la sécrétion lacrymale (test de Schirmer) et de rechercher des lésions de la conjonctive et de la cornée (test au rose Bengale ou, plus spécifique, le test au vert de lissamine).
- la xérostomie : c'est la sensation de bouche sèche, résultant du manque de salive. Il peut aussi y avoir des sensations de brûlures buccales et la langue peut apparaître dépapillée et fissurée. Il existe une détérioration de l'état dentaire. L'examen retrouve souvent une hypertrophie des glandes salivaires (parotides, glandes sous maxillaires). Un test simple de mise en évidence d'une sécheresse buccale est le test au sucre (mesure du temps que met à fondre un morceau de sucre posé sur la langue chez le patient et un sujet témoin).
- La biopsie des glandes salivaires accessoires permet d'objectiver un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire, des lésions canalaires, une déplétion des acini et l'aspect le plus évocateur qui est la sialadénite focale. La densité des infiltrats lymphocytaires est appréciée selon les critères de Chisholm et Mason sur une échelle de 0 à 4.
- Les autres localisations viscérales de cette maladie sont pulmonaire (trachéo-bronchite sèche, bronchectasies, bronchites à répétition, fibrose pulmonaire interstitielle diffuse, pleurésie et pneumonie interstitielle lymphocytaire), digestive (dysphagie, gastrite atrophique, pancréatite aiguë ou chronique, insuffisance pancréatique exocrine et hépatomégalie), génitale (sècheresse avec prurit et dyspareunie), cutanée (purpura), articulaire (arthralgies, polyarthrite et myalgies), neurologique (déficit centraux, paralysie des nerfs crâniens, myélopathie, neuropathie périphérique et troubles de l'humeur), rénale (tubulopathie et plus rarement glomérulopathie) et cardio-vasculaire (syndrome de Raynaud, vascularite cutanée ou neurologique, péricardite).
Le syndrome de Gougerot-Sjögren se caractérise par la fréquente positivité des anticorps anti-nucléaires, de fluorescence mouchetée, avec une positivité des anticorps anti-SSA dans 30 à 60 % des cas et des anticorps anti-SSB dans 20 à 40 % des cas. Les recherches de facteurs rhumatoïdes, de cryoglobulinémie et d'une hypergammaglobulinémie sont fréquemment positives.
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Syndrome de Sharp ou connectivité mixte
Ce syndrome est un véritable syndrome de chevauchement où des signes cliniques d'une sclérodermie, d'un lupus systémique, d'une polymyosite et d'une polyarthrite rhumatoïde peuvent être présents. Il se caractérise par la présence d' anticorps anti-nucléaires donnant une fluorescence mouchetée et identifiés comme des anti-RNP (ribonucléoprotéines). Ces derniers ne sont cependant pas pathognomoniques de ce syndrome, et peuvent être détectés chez des patients souffrant de lupus systémique.
La prévalence de cette maladie est mal connue et serait inférieure à celle du lupus et de la sclérodermie.
Les femmes sont plus fréquemment atteintes.
Cette maladie auto-immune est habituellement bénigne, c’est-à-dire qu'elle ne menace pas d'organe de façon vitale, comme cela est le cas pour le rein dans la sclérodermie, par exemple. Cliniquement, la patiente se plaint d'arthralgies, de myalgies, d'un syndrome de Raynaud d'évolution progressive, avec des doigts « boudinés ». Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire non spécifique, une leucopénie, une anémie, une thrombocytopénie et une hypergammaglobulinémie polyclonale. La capillaroscopie peut montrer des mégacapillaires. Les enzymes musculaires sont en règle normales. Le tableau rhumatismal a une évolution non déformante et non destructrice. Il peut y avoir une atteinte pulmonaire avec fibrose pulmonaire et hypertension artérielle pulmonaire. L'association à un syndrome de Gougerot-Sjögren est fréquente.
L'évolution du syndrome de Sharp peut se faire vers un tableau de lupus, de sclérodermie, de polyarthrite rhumatoïde ou de polymyosite, mais des rémissions complètes sont possibles.
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Remarque sur les vascularites avec auto-anticorps
Les vascularites systémiques ne sont habituellement pas considérées comme des maladies auto-immunes. Pourtant, certaines d'entre-elles sont fortement associées à la présence d'auto-anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). Ces auto-anticorps seraient pathogènes pour la paroi vasculaire et responsables d'atteintes inflammatoires pariétales. Ils augmentent aussi l'activation des polynucléaires neutrophiles et la libération par ces cellules d'enzymes et de radicaux oxygénés responsables de lésions tissulaires. Face à un tableau clinique évocateur, la présence d'ANCA de fluorescence cytoplasmique (c-ANCA) et de spécificité anti-protéinase 3 permet de conforter le diagnostic de granulomatose de Wegener (c-ANCA présents dans 90 % des cas). De même, dans un contexte clinique évocateur, ces auto-anticorps suggèrent fortement, lorsque leur fluorescence est périnucléaire (p-ANCA) et leur spécificité dirigée contre la myélopéroxidase, le diagnostic de polyangéite microscopique (p-ANCA présents dans 50 à 80 % des cas), de syndrome de Churg et Strauss (p-ANCA présents dans 60 % des cas) ou de glomérulonéphrite nécrosante pauci-immune.
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