5  -  La démarche diagnostique

5 . 1  -  Diagnostic de maladie atopique (allergie de type hypersensibilité immédiate, IgE-dépendante)

Les signes cliniques sont souvent évocateurs :

  • conjonctivite allergique,
  • rhinite allergique,
  • asthme,
  • manifestations cutanées à type d'eczéma de contact, de dermatite atopique,
  • manifestations systémiques à type d'urticaire ou d'œdème de Quincke.


Les signes cliniques sont parfois peu spécifiques :

  • sinusites allergiques. Il faut alors rechercher un épaississement en cadre de la muqueuse à la radio des sinus ;
  • diarrhée, vomissement. Il faut alors rechercher des signes associés : urticaire, dermatite atopique chez l'enfant ou prurit des lèvres et/ou du palais, fréquent chez l'adulte en cas d'allergie alimentaire ;
  • manifestation systémique à type de malaise. La connaissance d'un terrain atopique personnel ou familial doit inciter à évoquer l'allergie, et à rechercher la consommation d'un aliment à l'origine d'une réaction croisée, ou la prise d'un médicament.


Des signes d'accompagnement sont à rechercher à l'interrogatoire pour conforter le diagnostic :

  • prurit,
  • chronologie : maladie chronique évoluant par poussées (favorisées pas l'environnement et le stress), débutant souvent dans la petite enfance,
  • survenue des symptômes quelques minutes (phase aiguë), plus rarement quelques heures (phase inflammatoire), après l'exposition à l'allergène et non influencée par la quantité d'allergène (de faibles quantités suffisent),
  • histoire personnelle et familiale d'atopie (1/3 des enfants nés de mère atopique sont eux-mêmes atopiques).

5 . 2  -  Imputation de l'allergène – stratégie de l'interrogatoire

L'imputation des manifestations cliniques à un ou plusieurs allergènes se fait le plus souvent à l'interrogatoire qui doit être rigoureux et dont les objectifs sont :

  • de faire le diagnostic : l'interrogatoire est un élément majeur pour le diagnostic,
  • d'évaluer le retentissement sur la qualité de vie,
  • d'imputer les manifestations allergiques à un ou plusieurs allergènes,
  • de dégager une stratégie thérapeutique (éviction de l'allergène) et préventive (éviter les facteurs sensibilisants).


Méthode :

  • l'anamnèse familiale
  • révèle un terrain atopique (élément essentiel pour le diagnostic),
  • et permet une prise en charge globale des membres atteints dans la famille,
  • l'identification précise de toutes les manifestations allergiques (actuelles et anciennes) :
  • rhinite et/ou conjonctivite allergique et/ou asthme (ou bronchite asthmatiforme chez l'enfant) et/ou cutanée (dermatite atopique) et/ou systémique (urticaire, œdème de Quincke, malaise) et/ou digestive ;
  • leur ordre chronologique d'apparition et éventuellement de disparition,
  • la recherche des signes de gravité dont : durée, fréquence, intensité des manifestations,
  • retentissement sur l'activité et l'humeur,
  • manifestations systémiques en particulier malaise et/ou accès de pâleur exposant au risque de choc.


L'identification de l'allergène en cause est orientée par :

  • le contexte de survenue : à l'intérieur, à l'extérieur, au cours de la vie privée, de la vie professionnelle, des loisirs, l'influence des saisons,
  • la notion d'exposition : aux pneumallergènes dont les plus fréquents sont :
    • poussière (acariens),
    • animaux domestiques (chat ++, chien, cobaye, autre…),
    • pollen,
    • autres ;
  • la notion d'exposition : aux trophallergènes dont les plus fréquents sont :
    • chez l'enfant : lait, blanc d'œuf, céréales, arachides, autres,
    • chez l'adulte : poisson, crustacé, groupe latex (banane, melon, kiwi, avocat), légumes, fruits, autres…


L'imputation d'un allergène est facile lorsqu'on a la séquence : exposition = manifestation ; éviction = amélioration voire guérison ; réexposition = rechute (unité d'action, de temps, de lieu…).

Elle peut être plus difficile en cas d'allergies croisées (acarien / escargots ; latex / kiwi ; bouleau / pomme ; moisissure des aliments périmés / roquefort).

La stratégie de prévention sera aidée par la recherche de causes sensibilisantes :

  • à l'intérieur : atmosphère confinée, poussière, chauffage excessif, humidité, tapis, moquette (favorise la multiplication des acariens) ; des conseillers médicaux en environnement sont désormais formés pour aider l'enquête diagnostique et pratiquer des tests mettant en évidence qualitativement et quantitativement l'exposition du patient aux allergènes, qu'ils soient communs (acariens) ou non (plantes d'appartement, bois exotiques, produits ménagers ou de bricolage inhabituels)… ;
  • à l'extérieur : l'exposition au soleil (UV), à la chaleur ; les efforts physiques, les sensibilisations ;
  • au travail : l'exposition aux allergènes tels que farine, latex, matière plastique, résine, peinture, médicaments, métaux, cosmétiques, autres… ne peut pas toujours être évitée mais doit être repérée (le médecin du travail est un allié précieux pour le diagnostic !).


La tenue d'un cahier (alimentaire, environnemental, comportemental) par le patient lui-même, qui met en relation les symptômes avec des causes potentiellement allergéniques ou favorisantes peut aider au diagnostic, en particulier dans le cadre de l'allergie alimentaire. Une diététicienne peut contribuer à analyser ce cahier, pour repérer des aliments ou additifs masqués, et identifier des déséquilibres alimentaires susceptibles de favoriser une histamino-libération.

5 . 3  -  Examens complémentaires

5 . 3 . 1  -  Tests in vivo

5 . 3 . 1 . 1  -  Tests cutanés

Les Prick-tests sont les plus utilisés.


Indications

Les prick-tests ne sont pas faits systématiquement. Ils sont réservés aux malades à priori mono- ou pauci-sensibilisés chez lesquels une éviction (éventuellement une désensibilisation) est envisagée, et sont à la base du diagnostic allergologique. Ils sont réalisés en utilisant une batterie standard, qui utilise les allergènes les plus fréquents dans la population de la région considérée, et en testant par ailleurs spécifiquement les allergènes repérés par l'interrogatoire.


Contre-indications


•    Grossesse,
•    nourrisson (éventuellement enfant jusqu'à l'âge de 3 ans),
•    dermatite atopique en poussée,
•    infection cutanée,
•    antécédents de manifestations systémiques graves,
•    prise médicamenteuse risquant d'altérer le résultat ou de rendre le test dangereux ; antihistaminique : responsable de faux négatifs, ils doivent être arrêtés 3 jours avant le test ; corticoïdes : ils sont souvent compatibles avec des tests correctement interprétables, mais le test est ininterprétable en cas de négativité ; immunosuppresseurs ; certains médicaments psychotropes qui diminuent la réaction cutanée, bêtabloquants, qui peuvent être à l'origine de réaction syndromique voire systémique, aux concentrations utilisées habituellement sans danger chez les sujets non traités).


Méthode

Une goutte de solution allergénique est appliquée sur la peau (face antérieure de l'avant-bras).

Sa pénétration transcutanée est assurée à l'aide d'une aiguille standardisée pénétrant le derme à travers la goutte sans faire saigner. La solution antigénique consiste en des préparations standardisées lyophilisées diluées au 1/20 ou 1/50. On utilise en première intention un mélange d'allergènes majeurs contenant des allergènes connus pour être fréquents dans la région.

L'interprétation se fait impérativement par rapport à un témoin négatif (solvant) et à un témoin positif (histamine ou phosphate de codéine). On mesure la papule d'une part et l'érythème adjacent d'autre part 10 à 15 minutes après l'injection (mesure des plus petit et plus grand diamètre).

La réaction précoce disparaît en quelques minutes. Une réaction plus tardive (4 à 5 heures) peut apparaître ultérieurement.

Une positivité (papule > 3 mm de diamètre) unique ou multiple peut être interprétée comme le témoin d'un terrain atopique mais ne signifie pas toujours que le ou les allergènes sont responsables des manifestations cliniques (positivité chez 10 à 20 % des sujets sans manifestations allergiques) : la pertinence du test, c'est-à-dire la relation de la positivité du test avec les manifestations cliniques doit toujours être soigneusement analysée.

Leur intérêt avant l'âge de 3 ans est discuté en raison de faux-négatifs possibles contre-indiqués avant l'âge de 1 an (ininterprétable).

5 . 3 . 1 . 2  -  Les intradermo-réactions

Elles tendent à être remplacées par les prick-tests, mieux acceptés, sans danger et souvent d'excellente valeur diagnostique. Elles gardent une place dans le diagnostic de l'allergie aux venins d'hyménoptère, et de l'allergie aux médicaments, en milieu hospitalier.

5 . 3 . 1 . 3  -  Les patch tests

Ils n'explorent pas le même type de réaction immunologique que les prick-tests et les intradermo-réactions, dont la lecture est faite quelques minutes après leur réalisation puisqu'ils explorent l'hypersensibilité immédiate. Les patch-tests explorent au contraire (et reproduisent les lésions de) l'hypersensibilité retardée, et sont lus au minimum deux jours après leur réalisation. Dans l'eczéma de contact, on utilise une batterie d'allergènes chimiques standardisés, dilués dans la vaseline, appliqués sur la peau, sous occlusion, qui permettent d'identifier le(s) allergène(s) responsable(s) de la dermatite. Des allergènes spécifiques au patient (produits utilisés dans la vie domestique ou professionnelle) peuvent être ajoutés à cette batterie si l'interrogatoire le suggère. Dans la dermatite atopique, les allergènes protéiques (pneumallergènes et trophallergènes) peuvent être testés de cette façon, pour évaluer la responsabilité de ces allergènes dans la genèse de la dermatite, et guider une éventuelle éviction si elle parait utile.

La lecture à 48 heures, à renouveler éventuellement à 72 et 96 heures, est à interpréter en fonction du contexte clinique (faux positifs et faux négatifs possibles). Là encore, l'analyse de la pertinence du test est essentielle. Ces tests peuvent, comme les prick-tests être pratiqués à tout âge, y compris chez des nourrissons et de jeunes enfants ; dans ce cas, la batterie standard est adaptée à cette situation particulière.

5 . 3 . 1 . 4  -  Tests de provocation (en milieu hospitalier par des équipes spécialisées)

Moins utilisés, ils reproduisent à minima les symptômes en introduisant l'allergène par la voie naturellement sensibilisante (respiratoire, digestive).

Le consentement éclairé du patient est nécessaire. Une surveillance stricte s'impose. Il peut s'agir de test de provocation nasale (avec rhinomanométrie), bronchique, alvéolaire (rarement), conjonctivale et digestive. Les tests de provocation respiratoire « réalistes » peuvent se révéler indispensables quand il s'agit de prouver la responsabilité d'un allergène professionnel.

5 . 3 . 2  -  Tests in vitro

Ils ne doivent pas être systématiques.

Ils sont indiqués en cas de :

  • contre-indication de tests cutanés (lésions eczémateuses de l'avant-bras, antécédent ou risque de choc, risque de déclenchement d'un asthme, d'un choc…
  • difficulté d'interprétation des tests cutanés (traitement par des corticoïdes ou antihistaminiques)
  • pour affirmer un diagnostic précis avant une désensibilisation ou une éviction.

5 . 3 . 2 . 1  -  Les dosages des IgE sériques totales

Ils ont peu d'intérêt en allergologie, car les causes d'élévation des IgE sont multiples, et de nombreux patients allergiques ont des taux sériques d'IgE normaux. Ils permettent éventuellement de repérer les patients atopiques (taux excédant la limite supérieure de la normale dont la valeur est donnée par le laboratoire, (les valeurs moyennes normales sont de 100-150 unités internationales (UI)/ml chez l'adulte. Ces valeurs sont plus basses chez l'enfant.

Tableau
Valeurs normales en unités (KU/l ou UI/ml) Âge de l'enfant
< 10 6 mois
< 20 1 an
< 40 2 ans
< 80 4 ans
< 100 6 ans
< 150 10 ans

Une élévation des IgE totales sériques (non spécifiques) doit être interpréter avec la plus grande prudence (20 % des individus sans manifestation allergique à un taux d'IgE > 150 UI/ml et 20 % des individus allergiques ont un taux < 150 UI/l). Une élévation des IgE totales sériques s'observent dans d'autres cadres pathologiques :

  • parasitoses,
  • déficit immunitaire (Buckley),
  • myélome à IgE (rare),
  • sarcoïdose,
  • lymphomes,
  • certaines infections virales (EBV, CMV), champignons (aspergillose).


La recherche du terrain atopique est plus sensible et plus spécifique en utilisant des tests multi-allergéniques détectant les IgE spécifiques aux allergènes environnementaux les plus courants (Type Phadiatop). Là encore, un test positif ne fait pas un diagnostic d'allergie, et un test négatif n'élimine pas l'allergie chez le patient testé (allergène réellement en cause chez le patient absent du mélange testé, en trop faible quantité…).

5 . 3 . 2 . 2  -  Les recherches d'IgE spécifiques

Il est possible de tester plus de 500 allergènes différents ; il n'est pas question de rechercher les IgE sériques vis-à-vis de tous ces allergènes ; le nombre de dosage est d'ailleurs limité pour leur remboursement :

  • l'orientation diagnostique par l'anamnèse, et les tests cutanés éventuellement, est primordiale ;
  • ces analyses sont préconisées dans les mêmes indications que les tests cutanés et lorsque ceux-ci sont contre-indiqués ; dans certains cas ils peuvent compléter les tests cutanés, en particulier lorsqu'une évaluation plus quantitative de la sensibilisation est nécessaire, pour guider le choix d'une immunothérapie spécifique, par exemple. Dans un premier temps il est conseillé d'utiliser des mélanges : des pneumallergènes les plus fréquents (pollens et poussières de maison, acariens, moisissures, levures, chats) et/ou des trophallergènes les plus fréquents (lait, œuf, arachide, soja, blé, poisson).


Dans un deuxième temps, des tests plus spécifiques vis-à-vis d'un groupe d'allergènes (protéines du lait de vache) ou d'un allergène (caséine ou bétalactoglobuline par exemple) peuvent être préconisé.

Les résultats sont donnés en unités et en classes de positivité.

Tableau
Unités (UI/ml ou KU/l) Classe Interprétation
indétectable classe 0 faux négatifs possible (dépend de l'allergène testé) surtout chez les nourrissons
0,35 à 0,75 classe I faux positifs possible (plus de 20 % des cas)
0,75 à 3,5 classe II compatible avec une sensibilisation sans manifestation pathologique (20 %)
3,5 à 17,5 classe III allergie très vraisemblable à cet allergène (> 90 %)
> 17,5 classe IV allergie très vraisemblable possiblement définitive (valeur pronostique des résultats quantitatifs du test)

L'interprétation de ces dosages doit tenir compte de la méthode utilisée (et de la « marque » du dosage) ; deux résultats obtenus avec des techniques de dosage différentes ne sont pas comparables et si le suivi d'un patient s'impose, il doit être réalisé avec le même type de test.

5/7