3  -  Manifestations cliniques et systémiques

3 . 1  -  Le choc anaphylactique : les principales causes

Manifestation systémique la plus grave de l'allergie, elle peut être due à des allergènes protéiques, le plus souvent injectés ou ingérés, plus exceptionnellement respirés. Le choc anaphylactique est aussi une manifestation possible de l'allergie médicamenteuse, le médicament se comportant comme une haptène, et les manifestations systémiques graves survenant le plus souvent (mais non exclusivement) lors d'une injection parentérale.

Les allergènes protéiques le plus souvent en cause :

  • les sérums, les venins d'hyménoptères (une dizaine de décès annuel en France) ou de serpents, les enzymes, les antigènes utilisés pour la désensibilisation ou la réalisation des tests cutanés, les antigènes parasitaires, dans le cadre de complications d'une maladie parasitaire (échinococcose, par exemple), les immunoglobulines humaines (traitement substitutif des déficits sélectifs), le latex (profession médicale, antécédents de spina bifida ou chirurgicaux) ;
  • les aliments : lait, œuf, arachide sont le plus souvent en cause chez l'enfant ; crustacés, céleri, fruits exotiques sont les plus fréquents chez l'adulte. L'incidence aurait été multipliée par 5 en 10 ans. À titre d'exemple, les manifestations sévères en relation avec l'allergie alimentaire, ayant justifié le recours à un service d'urgence, recueillies par un réseau d'allergologues, ont concerné 80 patients en 10 mois en France en 2002. La modification des habitudes alimentaires (nouvelles protéines, âge d'introduction) est incriminée. Des facteurs déclenchants particuliers sont parfois présents, et doivent être recherchés par l'interrogatoire si l'aliment en question avait été antérieurement consommé sans problème : l'exercice physique (avant ou après la consommation de l'aliment), le stress.


Les allergènes médicamenteux, non protéiques le plus souvent en cause :

  • les pénicillines (1/50000 injections), les anesthésiques et les curares.

3 . 2  -  Le choc anaphylactique : présentation clinique

L'introduction d'un allergène par voie intraveineuse ou alimentaire, peut être responsable en quelques minutes ou heures, de l'apparition de symptômes systémiques, de gravité variable, le stade maximal étant représenté par un tableau de choc hypotensif. La gravité est souvent corrélée à sa rapidité d'installation. Il est parfois précédé d'un prurit, d'une réaction urticarienne, d'un flush cervico-facial, voire d'un œdème facial localisé. Des paresthésies (à type de fourmillement), périlabiaux ou des extrémités, sont fréquemment observés comme signes avant-coureurs de choc anaphylactique. Le choc anaphylactique se caractérise par l'association d'une impression de mort imminente, d'une cyanose, d'une hypotension, d'un collapsus, d'une perte de conscience, des symptômes respiratoires (dyspnée, dysphonie, oppression thoracique), et digestifs (douleur abdominale, dysphagie, nausée, vomissement et diarrhée). La pâleur habituelle des chocs hypovolémiques ou septiques, et des malaises vagaux, peut être remplacée par une coloration rose voir rouge de la peau (le choc « homard » des anesthésistes…).

Certains épisodes suraigus sont immédiatement létaux. L'évolution est le plus souvent favorable sous traitement adapté. Le pronostic est très directement lié à la rapidité d'intervention thérapeutique. Mais dans 10-20 % des cas, une aggravation secondaire se produit dans les 8 premières heures. Cette évolution biphasique requiert systématiquement une surveillance médicale prolongée de 12 à 24 heures.

La présentation clinique n'est pas spécifique, et le diagnostic reste très dépendant du contexte qui précède la perte de connaissance, des signes cliniques associés (signes respiratoires, urticaire, œdème facial, qui peuvent précéder mais aussi suivre le choc après sa récupération spontanée ou par le traitement).

Ce diagnostic passe secondairement (au moins 5 semaines après l'accident anaphylactique) par la positivité des tests cutanés, lorsque les antigènes sont disponibles. En effet, la dégranulation massive des mastocytes lors du choc est suivie d'une période « réfractaire » où les IgE fixées sur les récepteurs de haute affinité des mastocytes ne sont pas en nombre suffisant pour qu'on puisse reproduire le phénomène par l'application de l'allergène dans le derme par un « prick test ». Un interrogatoire allergologique orienté doit cependant être réalisé dans les heures ou jours immédiats après le choc pour obtenir une anamnèse de bonne qualité. Les données de cet interrogatoire « précoce » sont précieuses pour guider au mieux l'exploration allergologique secondaire par les tests.

  • Pour les pénicillines, les déterminants allergéniques (épitopes) dits majeurs (pénicilloyl) et mineurs (benzylpénicilloate) sont connus, et disponibles. La recherche d'IgE spécifiques vis-à-vis du seul déterminant majeur est possible. Cependant, de nombreux cas d'allergie aux pénicillines sont actuellement dus à des déterminants différents, qui correspondent aux formes particulières des différentes générations de pénicilline (épitopes propres à l'amoxicilline, par exemple). Des tests cutanés par intradermoréaction, en commençant par des dilutions très faibles du médicament sous sa forme injectable, sous strict contrôle médical en milieu hospitalier, peuvent permettre d'affirmer le diagnostic.
  • Pour les curares, l'évaluation passe par la réalisation des tests cutanés et la recherche d'IgE spécifiques.
  • Pour la grande majorité des autres médicaments, aucune technique biologique spécifique n'est disponible ; des tests cutanés comme ceux décrits ci-dessus pour les pénicillines sont possibles, quand une forme injectable du médicament est disponible ; sinon, des tests épicutanés peuvent être tentés ; leur positivité affirme le diagnostic, mais leur négativité n'est pas garante de l'absence de sensibilisation.


Les chocs anaphylactiques d'origine alimentaire sont souvent précédés par des réactions limitées, notamment urticariennes, ou de gonflement labial et/ou péribuccal (syndrome oral). La réalisation de tests cutanés est indispensable, et dans les cas douteux on peut aller jusqu'à la réintroduction de l'aliment, dans de strictes conditions de surveillance hospitalière. Encore une fois, il est essentiel de confronter les résultats obtenus à l'interrogatoire. Certains chocs anaphylactiques après l'ingestion d'aliments n'interviennent que si l'ingestion est précédée ou suivie d'un effort physique, et dans ce contexte, les tests cutanés peuvent être négatifs. La négativité d'un test cutané n'exclut pas la responsabilité clinique de d'un allergène. Chez certains patients, connus pour leurs manifestations allergiques respiratoires, la présence d'une sensibilisation croisée à un pneumallergène rend la responsabilité de certains aliments connus pour contenir le même épitope très vraisemblable, et doit inciter à tester l'aliment ou les aliments suspectés.

Parmi les principaux diagnostics différentiels, la syncope vagale, les chocs toxiques, septiques, les crises comitiales, les crises de panique sont à éliminer. Ils ne sont en général pas précédés de la phase prodromique faite de paresthésies, de prurit et d'urticaire. Enfin, des chocs d'origines différentes peuvent se succéder, réalisant des tableaux complexes, dont le diagnostic étiologique est difficile.

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